Abonnés

Galles - France - Un jour une histoire : il y a 30 ans, le Gallois Scott Quinnell mettait fin à 12 ans de défaites du pays de Galles face au XV de France

Par Jérôme PREVOT
  • Le troisième ligne gallois Scott Quinnell, qui écarte ici Philippe Saint-André, sous les yeux de Jean-Michel Gonzalez (à droite), va aller conclure l’action de sa vie. Ce jour-là de 1994, il avait réalisé une performance de très haut vol. Photo archives
    Le troisième ligne gallois Scott Quinnell, qui écarte ici Philippe Saint-André, sous les yeux de Jean-Michel Gonzalez (à droite), va aller conclure l’action de sa vie. Ce jour-là de 1994, il avait réalisé une performance de très haut vol. Photo archives
Publié le
Partager :

Il y a trente ans, en 1994, le pays de Galles en pein doute arracha sa première victoire depuis douze ans face aux Bleus. Au cœur de cet exploit, la performance surnaturelle d’un numéro 8 de 21 ans, Scott Quinnell. Ce fut l’après-midi de sa vie, pas seulement à cause de son magnifique essai.

Pierre Salviac fit, ce jour-là, l’un de ses meilleurs lancements, juste après le "Lands of my fathers". "Ici, dans ce stade, un certain John Williams disait : "Avant le coup d’envoi, je pouvais savoir quelle était l’humeur du public. Dieu m’en est témoin, à la manière dont les gens chantaient, je savais s’ils étaient confiants ou s’ils avaient la trouille." Jamais depuis dix ans les spectateurs gallois n’ont eu autant confiance dans cette équipe." On ne sait s’il citait JPR Williams, récemment disparu. Mais le commentateur de France Télévisions des années 80-90 avait bien vu le coup. Il faut comprendre que les Français n’avaient plus perdu depuis douze ans face aux XV du Poireau, que le pays de Galles semblait s’enfoncer inexorablement dans un marécage de médiocrité. On en était sûr, le Tournoi était promis à un mano a mano un peu déprimant entre Français et Anglais. Et puis, en cette année 1994, la dernière de l’amateurisme, les Gallois avaient fait éclore un surdoué, un bébé de 108 kg, Scott Quinnell, 21 ans fils de Derek, joueur des années d’or et, en plus neveu d’un certain Barry John, ouvreur légendaire disparu début janvier.

Douze interventions décisives

C’était sa quatrième sélection et il avait aidé les Gallois à gagner leurs deux premiers matchs mais on n’y avait guère prêté attention. Côté français, on parlait d’un nouveau joueur à la démarche féline et au talent insolent, Émile Ntamack. Le Toulousain serait à coup sûr le successeur de Serge Blanco, ce fut grosso modo le cas. Mais cet après-midi-là ne serait pas le sien. Il était réservé à son jeune adversaire, massif, rapide, adroit, porté par une forme d’insolence. En cet après-midi froid et brumeux, Scott Quinnell a presque gagné le match à lui seul, ce n’est pas une exagération. Rarement nous avions eu cette impression venant d’un avant. D’un Blanco, d’un O’Driscoll, d’un Dupont OK. Mais d’un 8 à l’allure un peu pataude, on ne l’aurait pas cru. "Oui, c’était un jour fantastique. Ma mémoire me dit que c’était il y a juste quatre ou cinq ans, mon corps me fait bien sentir que c’est beaucoup plus ancien."

La vie du joueur de Llanelli a basculé à la 13e minute : "Oui, quand je dis aux jeunes qu’un jour, j’ai marqué un essai de 45 yards (environ 41 mètres, N.D.L.R.), personne ne me croit." Ce fut l’action de sa vie, une touche galloise mal contrôlée, Quinnell ramasse la balle à hauteur des chaussettes et se lance dans une équipée fantastique, Cécillon est trop passif, Galthié prend un raffût. "SQ" prend la confiance et se lâche, amorce un service à l’intérieur, (vers Emyr Lewis) reçoit Saint-André sur le paletot et, geste d’une facilité inouïe, se débarrasse du capitaine français d’une sorte de pichenette. Il ne lui reste qu’à sprinter pour plonger en coin malgré le retour d’Alain Penaud. Le juge de touche esquisse un lever de drapeau mais s’abstient. "Il m’a fixé puis a regardé mes chaussettes vertes, comme s’il ne pouvait comprendre que j’avais pu faire une course aussi longue. Je n’oublierai jamais cet essai." Le vert clinquant de ses bas a sauvé l’essai, la mémoire visuelle de l’arbitre ne laissait pas de place au doute. La chaussette qui avait dépassé était celle de Penaud. Avec classe, Philippe Saint-André battit sa coulpe après la rencontre : "Ma responsabilité fut totalement engagée. Je veux le plaquer haut afin de l’empêcher de donner son ballon à l’intérieur mais sa passe rebondit sur mon avant-bras et le ballon lui revient dans les mains. Et dès lors, il m’échappe. J’aurais dû le hacher, même sans ballon !"

Deux autres victoires contre les Bleus

Cet essai, les fans gallois des tristes années 90 ne l’ont pas oublié. Mais ce coup d’éclat n’épuise pas la performance du troisième ligne. Les images du match sont sidérantes, Scott Quinnell est à l’origine de vingt-et-un des vingt-quatre points de la victoire galloise. On note douze actions tranchantes de sa part. Il conclut la soirée par un ballon volé à… Émile Ntamack mis sous pression. S’en suit une passe parfaite à une main pour Nigel Walker, ailier à la peau d’ébène parti pour quarante mètres en solo. Une photo montre Quinnell en train de lever les bras : "Oui, quand Nigel est parti, je me suis arrêté. Je suis soudain devenu un spectateur, un des supporters qui s’étaient levés, transportés de joie. Je savais qu’il allait marquer, je savais qu’on avait gagné… Je repense à ce match en me disant qu’il a de la valeur car on l’a arraché face à une très forte équipe de France qui dominait l’Europe. Regardez les Roumat, Cécillon, Benetton, Benazzi. On me dit que je me suis montré très rapide mais face à des gars comme ça, on tentait d’accélérer pour ne pas avoir de problème."

Après le match, à la réception, on se bouscula pour prendre une photo de lui et de son paternel en costume dont il était aussi l’employé, agent commercial spécialisé dans le traitement chimique de l’eau. On apprit qu’il était déjà marié, père d’une petite Samantha de 10 mois, frère d’un international scolaire. Hilare, il ne touchait plus terre, il avait mis fin à douze ans de pénitence. Mais à l’époque, son talent était déjà trop grand pour le pauvre rugby gallois. À la fin de la saison, il céderait aux sirènes des treizistes de Wigan. Un crève-cœur qui, heureusement, ne durera que deux ans. Le passage au professionnalisme, qui avait aussi ses bienfaits, le ramena au bercail pour deux victoires de plus contre les Bleus, mais à Paris, plus jamais à Cardiff.

Vous êtes hors-jeu !

Cet article est réservé aux abonnés.

Profitez de notre offre pour lire la suite.

Abonnement SANS ENGAGEMENT à partir de

0,99€ le premier mois

Je m'abonne
Voir les commentaires
Réagir
Vous avez droit à 3 commentaires par jour. Pour contribuer en illimité, abonnez vous. S'abonner

Souhaitez-vous recevoir une notification lors de la réponse d’un(e) internaute à votre commentaire ?

Les commentaires (3)
envoituresimone Il y a 1 mois Le 10/03/2024 à 12:58

Hier, Earl n'a pas été mal lui aussi!

jenesaisrien Il y a 1 mois Le 10/03/2024 à 11:36

Quand on aime le rugby, on aime les 8, et lui ce jour là, pfff.....

JiaimeP Il y a 1 mois Le 10/03/2024 à 11:25

Je m'en souviens comme si c'était hier.