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6 Nations 2024 - Georges-Henri Colombe, cet oiseau (vraiment) rare du XV de France

  • 6 Nations 2024 - Georges-Henri Colombe veut continuer de s'imposer au sein du XV de France.
    6 Nations 2024 - Georges-Henri Colombe veut continuer de s'imposer au sein du XV de France. Icon Sport - Sandra Ruhaut
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Doté de qualités physiques innées et relativement inouïes à son poste, entraperçues à son arrivée en pro, l’enfant du 92 épate son monde. Mais si ses récentes sorties lui ont permis d’accrocher le wagon du XV de France pour glaner sa première sélection et disputer la fin du Tournoi, "GH" sait qu’il doit encore gagner en rigueur au quotidien, sur comme en dehors du pré, pour s’installer et faire l’unanimité au plus haut niveau.

Homme de défi, Georges-Henri ? Lui-même, l’été dernier, nous avait proposé de se tester sur 100 mètres, au détour d’un entretien centré sur le triptyque puissance-vitesse-explosivité. Il en fait l’étalage à tout bout de champ depuis le début de l’année civile, sur chaque pelouse ou presque que le dénommé Colombe-Reazel foule. Pas banal, pour un pilier de son état. Chiche ? "Franchement, ça me tente bien, un 100 mètres. Ce n’est pas bête comme idée. Autant j’adore regarder l’athlétisme à la télévision, autant je n’en ai jamais fait. Je vous tiens au courant du chrono", souriait le droitier rochelais, dont les deux bras appuyés sur un coin de table dessinaient ce jour-là un diamètre aussi impressionnant que celui de ses cuisses. C’est dire le calibre du garçon. Et "GH" de se marrer : "Bon, vu ma corpulence, ça peut être long, 100 mètres. Mais je pense quand même pouvoir sortir un bon chrono !" Peut-être pas de quoi rivaliser avec ses coéquipiers Damian Penaud ou Louis Bielle-Biarrey, mais vous pourriez être surpris de son temps de référence, si vous n’avez pas jeté un œil averti aux dernières sorties du natif de Nanterre. En club comme en bleu.

Depuis bientôt deux ans et son arrivée dans les rangs rochelais du désormais double champion d’Europe en titre, Georges-Henri Colombe-Reazel rayonne. Ce n’est pas rien, quand on sait que son transfert en provenance du Racing 92 n’était pas franchement celui qui avait fait sauter au plafond les supporters maritimes. La faute à un précédent exercice en dedans, loin des espoirs suscités par ses débuts professionnels tonitruants à l’âge de 19 ans. Une demi-douzaine d’années plus tard, dans les couloirs du centre d’entraînement rochelais, le pilier a visiblement trouvé la clé pour renouer avec son destin de diamant brut de l’Ovalie. D’aucuns retiendront avant tout son essai libérateur en finale de la dernière Coupe des Champions, une poignée de minutes avant son inoubliable K.-O. venu éteindre - en même temps que lui - l’ultime assaut du Leinster. Pour les suiveurs les plus aguerris, le rendement de "GH" est loin de se résumer à ce seul fait d’armes du mois de mai 2023.

Sprinteur-né…

Parfois, un simple regard vaut mille mots. Un son aussi : avec Ulupano Seuteni et Levani Botia, George-Henri Colombe-Reazel est le Rochelais qui, en tribunes de Marcel-Deflandre, a provoqué le plus de "wow" durant la deuxième moitié de saison passée. Il n’y avait alors qu’à croiser la pupille de son voisin : des yeux écarquillés à quasiment chaque charge, chaque franchissement, chaque course avec le ballon de la doublure de luxe d’Uini Atonio. Et cette impression, de nouveau palpable en ce moment, de voir à l’œuvre un déménageur de l’extrême. Ce constat est aussi valable sans le ballon, à coups de grattages et des replis défensifs marquants. Vous souvenez-vous, d’ailleurs - on en revient à nos premiers moutons - de la facilité déconcertante avec laquelle il avait rattrapé, début 2023, sur le synthétique de son ancien jardin couvert, l’Arena de Nanterre, un trois-quart du Racing parti lancé en terre promise ?

Ma mère et mon oncle ont fait beaucoup d’athlétisme. J’ai ces fibres-là en moi, je cours assez vite depuis tout petit et je n’ai jamais vraiment eu à travailler mes qualités de vitesse, c’est assez fou.

Ses ischios avaient (encore) sifflé, certes. "Le problème des sprinteurs, c’est les ischios qui sautent. Mais je ne ressens pas de douleurs, cela ne reste que des alertes", glisse l’intéressé. Mais l’action en disait long sur la caisse physique de l’imposant gabarit. "C’est inné, c’est dans les gènes, reprend "GH". Ma mère et mon oncle ont fait beaucoup d’athlétisme. J’ai ces fibres en moi, je cours assez vite depuis tout petit et je n’ai jamais vraiment eu à travailler mes qualités de vitesse, c’est assez fou. J’ai l’avantage d’avoir ces facultés physiques rares au poste de pilier donc j’essaie d’en profiter au maximum, de m’en servir le plus possible sur le terrain. Même si Gurthrö Steenkamp (entraîneur de la mêlée rochelaise, N.D.L.R.) me dit à chaque fois : "T’es pilier, fais attention à ta vitesse quand même !"

L’ancien pilier champion du monde springbok (2007) est loin d’être le seul, dans les rangs jaune et noir, à s’avouer bluffé par la capacité d’accélération de son poulain. "Georges-Henri possède beaucoup de gaz, abonde le centre-ailier Jules Favre. Il démarre vite et va à 2000 à l’heure. S’il ferait un bon trois-quarts ? Bien sûr ! Du style Bastareaud, vous voyez ? Le problème, c’est qu’il a cinquante kilos en trop (rires). Au milieu du terrain, tu lui enlèves rien que trente kilos, il enfonce les gonzes, il leur marche dessus et il avance encore !" Avancer. Tel est son credo. "J’aime porter le ballon", partage avec entrain celui qui a découvert le virus du rugby à 11 ans, après s’être essayé au football, au basket et à la natation. "Physiquement j’étais plus grand et plus costaud que les autres, j’ai vite vu que c’était plus simple pour moi. J’ai commencé numéro 8 donc ça me procure toujours du plaisir de franchir la ligne d’avantage et d’avancer. Ce sont mes restes de troisième ligne qui me font chercher ce type d’action. J’ai su conserver un peu de ma mobilité." Les statistiques le corroborent. Colombe a achevé sa première saison de Top 14 en jaune et noir avec quasiment 500 mètres parcourus en quatre-vingt neuf courses. Dont quelques percées saillantes.

Top 14 - La mère et l'oncle de Georges-Henri Colombe ont longtemps été des athlètes.
Top 14 - La mère et l'oncle de Georges-Henri Colombe ont longtemps été des athlètes. Icon Sport - Eddy Lemaistre

… au moteur encore bridé

"J’ai beaucoup d’avantages mais tout autant d’inconvénients." Ne comptez pas sur le pilier rochelais pour se jeter que des fleurs. L’"éternel insatisfait" qu’il est a d’ailleurs trop tendance, aux yeux de son nouveau staff, à insister sur les points faibles de son jeu et son profil. Signe que l’éclatant Georges-Henri Colombe-Reazel des derniers mois est encore loin d’être arrivé à maturité ? Et que, inconsciemment, voir le verre à moitié vide s’avère être un frein psychologique plus qu’autre chose ? Si l’éphémère préparateur mental du club à la caravelle, Éric Blondeau, nous confiait après le sacre européen du printemps 2023 que "GH a mis du temps à comprendre son énorme potentiel", le processus n’est pas tout à fait terminé à en croire Philippe Gardent. Le responsable de la préparation physique du Stade rochelais lui tire tout de même son chapeau : "La plus belle libération de l’année 2023, c’est lui !"

La dernière saison estivale a fait ressurgir quelques relents du passé. Annoncé à 142 kg par son club, le droitier a traversé la courte préparation physique d’intersaison avec, en réalité, "dix kilos en plus". Sans altérer ses qualités de vitesse, cela lui rendait "plus difficiles les enchaînements de tâches et la répétition des efforts à haute intensité, deux points faibles". Ce qui reflète la marge de manœuvre dont dispose le colosse pour optimiser ses performances. Cette surcharge pondérale, son ancien manager Laurent Travers avait déjà eu à se plaindre, au sortir du premier confinement de 2020 : "Il a tendance à se laisser vivre et parfois, ça me fait un peu peur. George-Henri doit aller plus loin dans la souffrance. S’il se donne enfin les moyens de réussir, il aura une carrière magnifique."

S’il combine talent et travail au quotidien, il sera le meilleur du monde à son poste dans quatre ans. Il a tout ce qu’il faut pour être quelque chose que l’on n’a jamais vu ! On a beau lui dire, je ne suis pas sûr qu’il s’en rende compte

Philippe Gardent n’en pense pas moins. Raison pour laquelle il l’encourage à redoubler d’efforts. "GH a un talent fou. La puissance, il l’a. La vitesse aussi. C’est un porteur magique. Pour être complet dans le rugby, il faut toutefois pouvoir répéter ces tâches dans le temps. Voilà sur quoi on travaille avec lui, nous glissait le technicien juste avant l’ouverture de la saison en cours. Cela implique énormément de choses en amont - l’alimentation, la répétition des tâches dans la semaine, les exercices de prévention avant ou après l’entraînement - pour pouvoir atteindre cet objectif-là. Cela demande de la rigueur et énormément de travail pour lui, parce que ce n’est pas inné. Ça lui coûte cher : Georges en est à devoir prendre soin de son corps pour pouvoir entretenir son business. Mais il sait le faire puisqu’il l’a déjà fait, seul. Maintenant, il faut que cela soit de façon permanente et constante. S’il combine talent et travail au quotidien, il sera le meilleur du monde à son poste dans quatre ans. Il a tout ce qu’il faut pour être quelque chose que l’on n’a jamais vu ! On a beau lui dire, je ne suis pas sûr qu’il s’en rende compte aujourd’hui."

Un tournant, à ce propos, que ce mois de mars 2024 ? Propulsé international dimanche dernier au Principality Stadium malgré trois années loin de Marcoussis, coiffé d’une première cape fort convaincante et auréolée d’un essai, Georges-Henri Colombe-Reazel a sous les yeux de quoi matérialiser le champ des possibles. à un poste, pilier droit, où le costume de digne successeur d’Atonio n’a pas encore trouvé preneur, l’opportunité est superbe. Il lui reste désormais à devenir davantage acteur de ses ambitions. L’enfant des Hauts-de-Seine ne serait pas aujourd’hui à la croisée des chemins si l’intense travail physique entrepris en janvier, pendant une période de convalescence, ne l’avait pas été à la demande du staff rochelais. "Quand "GH" arrivera à combler ces petits moments où, au lieu de faire du footing, il marche, je sais qu’il sera appelé à tous les coups", glissait Quentin Lespiaucq-Brettes juste avant le départ de son coéquipier à Marcoussis. Une "mauvaise habitude" que le principal intéressé s’attache à gommer : "J’ai ce goût de vouloir mieux faire, pousser plus loin. J’en ai encore beaucoup sous le capot, il faut que je m’améliore énormément pour être plus performant et plus régulier à plus haut niveau." Une course de fond plus qu’un sprint, pour le coup. On est preneurs, là-aussi, du chrono.

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