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Transferts - Manu Tuilagi, Billy Vunipola... Pourquoi les stars anglaises choisissent la France

Par Pierre-Laurent Gou
  • Manu Tuilagi mais aussi Billy Vunipola ont tous les deux choisi la France pour poursuivre leur carrière.
    Manu Tuilagi mais aussi Billy Vunipola ont tous les deux choisi la France pour poursuivre leur carrière. PA Images / Icon Sport - Andrew Matthews
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Manu Tuilagi pour deux ans à Bayonne, Billy Vunipola à Montpellier pour la même durée. C’est une bonne dizaine de stars du XV de la Rose qui évolueront l’an prochain en France. Décryptage d’un vrai mouvement de fond.

Ce n’est pas (encore) un débarquement mais cela commence à y ressembler. Cette semaine, Manu Tuilagi qui a opté pour Bayonne et Billy Vunipola qui a dit oui à Montpellier sont venus grossir la vague anglaise qui va débarquer en Top 14 et Pro D2. Farrell au Racing, Collier à Castres, Sinckler et Ludlam à Toulon, Lawes à Brive : tous ces internationaux anglais ont choisi de rejoindre la France. Ils vont grossir les rangs d’une communauté qui compte déjà, et depuis dix-huit mois, Willis à Toulouse, les frères Simmonds à Montpellier et Pau, Nowell à La Rochelle et Arundell au Racing 92. N’en jetez plus, c’est un véritable mouvement de fond !

Le Top 14 est devenu un eldorado pour les joueurs anglais. Financièrement d’abord, ils profitent du système de l’impatriation fiscale. Derrière ce nom se cache une procédure qui permet à toute personne n’étant pas résidente fiscale en France au cours des cinq dernières années de bénéficier d’un abattement de 30 % des revenus nets sur leur feuille d’imposition. Ceci permet aux formations françaises de proposer aux joueurs britanniques des salaires plus intéressants que celles du Premiership, confrontées à un double handicap.

"Les clubs français bénéficient d’un effet d’aubaine"

Le championnat anglais doit faire face depuis 2020 à une crise financière structurelle qui a vu disparaître les London Irish, les Wasps et Worcester. Leicester Tigers, en 2021, et plus récemment les Saracens (triples champions d’Europe) ont dû faire accepter à leur groupe des baisses drastiques de salaire.

La première division anglaise ne compte plus que dix clubs et cette année, c’est Newcastle, l’ancien club formateur de Jonny Wilkinson, qui est lanterne rouge. Pour limiter la casse, Ligue anglaise et Fédération ont accentué le salary cap (limitation de la masse salariale), remis à l’ordre du jour l’exclusion de la sélection pour les joueurs évoluant à l’étranger et fermé le championnat. Pas suffisant pour conserver bon nombre des stars trentenaires. "Les formations anglaises ne peuvent plus, à de rares exceptions, proposer des salaires supérieurs à 20 000 euros par mois. Les clubs français bénéficient d’un effet d’aubaine. Owen Farrell va toucher moins au Racing que Jonny Wilkinson quand il avait opté pour Toulon, ou encore Jonathan Sexton lors de son passage chez les Ciel et Blanc", nous explique un agent français qui travaille régulièrement de l’autre côté de la Manche. "C’est bien simple : tous les internationaux qui ont signé en France l’ont fait pour des salaires égaux ou inférieurs à 25 000 euros par mois."

Il n’est pas dit que le mouvement se calme. Les clubs anglais pourraient devoir se priver des droits TV de TNT Sports (chaînes qui appartiennent conjointement à British Telecom et la Warner) pour la Champions Cup en contrepartie d’une plus large couverture du championnat. Plus de visibilité pour leur compétition domestique mais moins de livres sterling venues des joutes européennes… Ce n’est donc pas demain que les clubs anglais se remettront à attirer des joueurs français…

Courtney Lawes, qui évoluera à Brive la saison prochaine, prône un assouplissement des règles de sélection pour les joueurs anglais évoluant à l’étranger.
Courtney Lawes, qui évoluera à Brive la saison prochaine, prône un assouplissement des règles de sélection pour les joueurs anglais évoluant à l’étranger.

Les institutions toujours inflexibles

 

Le sujet n’a pas fini de faire jaser, de l’autre côté de la Manche. Depuis l’an passé et le début de l’exode des joueurs anglais en direction de l’Hexagone, notamment après les faillites de Worcester et des Wasps, chacun y va de son avis. Faut-il, oui ou non, autoriser la sélection des internationaux évoluant à l’étranger ? Pour l’heure, la fédération anglaise - la RFU - comme la Ligue sont inflexibles. Leur volonté est d’éviter une fuite des talents hors du championnat anglais, ce qui nuirait à son attractivité. Sauf que le débit du robinet commence à sérieusement à s’intensifier. On ne compte plus les joueurs qui décident de prendre le ferry pour effectuer les trente kilomètres séparant l’Angleterre de la France.

Certains s’agacent de la situation. Sur TNT Sports, l’ancien international Lawrence Dallaglio a évoqué le sujet en prenant l’exemple de Jack Willis, partenaire d’Antoine Dupont au Stade toulousain. "Quand vous parlez aux Toulousains, ils ne comprennent pas vraiment pourquoi il n’est pas plus sélectionné avec l’Angleterre, parce qu’ils voient en lui un véritable joyau, s’est emporté le champion du monde 2003. Il a signé une saison supplémentaire et reste donc jusqu’à la saison 2024-2025. Or, je ne crois pas que l’Angleterre ait suffisamment de qualité dans ses rangs pour ignorer les joueurs à l’étranger. Ils doivent changer la règle. Je sais que Steve Borthwick (le sélectionneur du XV de la Rose, N.D.L.R.) veut la changer. Il ne le dira jamais publiquement, mais il le faut !"

Plus récemment, c’est Courtney Lawes, futur joueur du CAB, qui s’est exprimé. "Je pense qu’ils pourraient changer la règle, a-t-il commenté. Ils devraient le faire parce que les joueurs vont en France et s’y améliorent, alors on perd ces talents pour l’Angleterre." Et d’ajouter de façon véhémente : "La chose principale, c’est qu’on veut que l’Angleterre se porte bien. Si tes meilleurs joueurs évoluent à l’étranger, vous ne faites que vous nuire à vous-même (avec cette règle), a insisté le deuxième ou troisième ligne aux 105 sélections. On gâche ces talents à ne pas les sélectionner."

Le rugby offre des carrières courtes et c’est important de penser à soi, parce que quand ça s’arrêtera, l’argent s’arrêtera aussi.

Déjà l’an passé, au printemps 2023, Courtney Lawes, pas franchement connu pour user de la langue de bois, avait incité les jeunes joueurs anglais à s’envoler vers d’autres horizons en raison de la crise économique frappant les clubs anglais. "Je comprends tout à fait que, si les offres (financières) sont bien meilleures dans un autre pays ou dans une autre équipe, il faille faire ce choix, avait-il dit. Le rugby offre des carrières courtes et c’est important de penser à soi, parce que quand ça s’arrêtera, l’argent s’arrêtera aussi." Et de conclure ainsi : "Faites ce qui est le mieux pour vous, serait mon conseil pour les jeunes gars."

Force est de souligner qu’il a, depuis, été entendu par de nombreux joueurs. Beaucoup moins par la Fédération et la Ligue anglaise, totalement inflexibles. À tel point qu’Owen Farrell (32 ans), futur Racingman pourrait ne jamais reporter le maillot de l’Angleterre si celui-ci venait à terminer sa carrière en France. Si tel devait être le cas, il se consolerait alors simplement avec la Tournée des Lions britanniques en Australie (20 juin-2 août 2025), maillot pour lequel les internationaux évoluant hors des frontières restent sélectionnables.

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Les commentaires (7)
pasali Il y a 1 mois Le 25/03/2024 à 23:28

Pourquoi ? On le sait pourquoi EUREUR

Allphi Il y a 1 mois Le 25/03/2024 à 13:33

Les clubs anglais sont au bord du gouffre financier! Attention que ça n'arrive pas en france. Le problème c'est que l'on oublie la formation.....vue à court terme.

JiHache Il y a 1 mois Le 25/03/2024 à 13:06

So what ? Ce sont des professionnels. Je ne vois pas bien où est le problème, ni ne comprends le pourquoi des commentaires désobligeants. Allez voir le club de votre village si vous ne voulez voir que du rugby amateur ... ce qui est parfaitement honorable aussi.

Tchavo Il y a 1 mois Le 26/03/2024 à 05:52

Oui , absolument , ce sont des professionnels , fini le temps ( béni ) où un joueur signait une licence à un club pour une place à la mairie ou pour bénéficier d'une mutation afin de se rapprocher de ses racines .
Exemple : Jean François Imbernon ( 2 grands chelems ) travaillait aux services techniques de la compagnie des eaux à Perpignan .