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Champions Cup – Du pari fou à la magie : retour sur l’arrivée de Bordeaux à Chaban-Delmas

Publié le Mis à jour
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L’UBB reçoit les Harlequins, ce samedi (16h), en quart de finale de Champions Cup dans son antre de Chaban-Delmas. Les rugbymen bordelais se sont, au fil des années, appropriés cette enceinte, y écrivant leur propre histoire. Retour sur ce déménagement progressif de Moga à Chaban-Delmas avec ceux qui l’ont vécu.

Dans un mois, le stade Chaban-Delmas, anciennement parc Lescure, fêtera ses cent ans. Alain Giresse, "Le petit prince de Lescure", évidemment, mais aussi Zinédine Zidane ou Yoann Gourcuff. Au fil des générations, les footballeurs des Girondins de Bordeaux ont marqué de leur empreinte cette enceinte de 34 000 places. Dans l’aussi long que mythique couloir blanc menant à la pelouse, beaucoup de photos sont liées au ballon rond. Mais quelques clichés de ballon ovale commencent à se faire leur place. Il faut dire que depuis une dizaine d’années, le rugby est devenu maître des lieux.

À l’été 2011, pour sa première réception dans l’élite, l’Union Bordeaux-Bègles a délaissé son stade André-Moga de Bègles et a accueilli Bayonne à Chaban-Delmas. "Lors de la saison 2009-2010, un UBB-SUA avait eu lieu à Chaban, rappelle Vincent Etcheto, sourire aux lèvres pour évoquer cette époque. Je venais d’arriver et je trouvais que c’était un peu tôt, mais Laurent Marti avait des idées pour le futur. Il a été visionnaire en voulant remplir ce stade." Cette rencontre sera le record d’affluence en Pro D2 durant un an, avant que le Lou ne le batte avec une délocalisation à Gerland. Mais revenons à ce Bordeaux-Bayonne où 20 000 supporters ont garni les travées de Chaban. "Cela avait été grandiose car on sentait un soutien inconditionnel à Moga mais c’était, 5 000, 6 000 personnes. On trouvait ça fou d’aller à Chaban, on ne sentait pas les Bordelais prêts à être investis sur le rugby. Cela a été un pari réussi car l’engouement de la montée a permis de soulever les foules. Les gens ont été curieux et derrière on voit ce que ça a produit", se remémore Julien Seron, désormais entraîneur du RCN et en pleine préparation de l’acte deux de Classic’Aude. "Si on pense à notre premier match de Pro D2 l’année précédente, Moga n’était pas plein", se remémore Gerard Fraser, l’actuel entraîneur des arrières bayonnais.

Le public de Chaban-Delmas.
Le public de Chaban-Delmas. Icon Sport - Anthony Dibon

Pour cette première saison en Top 14, six rencontres sont délocalisées de Moga à Chaban, plus une autre contre les Wasps en Challenge Cup. Vincent Etcheto garde en mémoire ce succès bonifié (39-6) contre le Stade français. Il y a également cette victoire contre le futur champion toulousain. Bordeaux-Bègles, alors sur une série de plusieurs revers compte sur un stade à guichets fermés pour s’imposer. Mais le match resté dans toutes les mémoires a lieu la saison suivante. C’est ce succès 41-0 face au Toulon de Matt Giteau, Bakkies Botha ou Jonny Wilkinson. Sous la pluie, les Bordelais, ont envoyé du jeu à tout va devant 34 000 personnes séduites. Les "Et ils sont où les Toulonnais" avaient résonné dans les travées du stade dans les vingt dernières minutes. "Il y a eu cette communion sur et en dehors des terrains, rembobine Julien Seron. J’ai des images fortes en tête, Camille Lopez qui fait un match fabuleux et un public qui se retrouvait dans cette équipe rugby spectacle. Il n’y avait pas 30 000 aficionados mais des gens qui venaient voir un spectacle et un rugby porté par le mouvement. Alors, quand, en plus, ça gagne, ça fait venir encore plus de monde !"

Un jeu offensif pour séduire

Comme avancé par Julien Seron, tous s’accordent pour dire que le jeu proposé par l’Union Bordeaux-Bègles a attiré les foules à Chaban. "On était une équipe séduisante, portée sur le rugby spectacle, imprévisible, opportuniste et ça a plus", continue l’ancien demi de mêlée qui a connu la montée avec l’UBB puis deux saisons en Top 14 avec les Girondins (2010-2013).

"C’est gagnant-gagnant, affirme Vincent Etcheto. Les joueurs étaient transcendés de jouer là et l’exigeant public prenait du plaisir. En tant qu’entraîneur de l’attaque, il n’était pas question de mettre le frein à main, c’était parfois à l’excès. Cela m’a marqué car avec cette équipe, que l’on gagne ou que l’on perde il y avait toujours de belles fins de match. C’était grâce à ce public qui nous portait. On a arraché des victoires grâce à ça ! Ou des points de bonus défensifs, mais je n’ai pas souvenir d’avoir beaucoup perdu à Chaban…" Le plan de jeu offensif prôné par le staff restait le même à Moga ou à Chaban-Delmas. "Être propulsé par 30 000 personnes sur un match de championnat classique, c’est quelque chose, reprend l’actuel manager de Narbonne. Dès le lundi, à l’entraînement, tu savais que le contexte du match allait être différent si tu jouais à Chaban ou à Moga."

Face aux Saracens, Louis Bielle-Biarrey a encore frappé \u26a1\ufe0f

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— RUGBYRAMA (@RugbyramaFR) April 7, 2024

La greffe a vite pris. Dès la première saison, l’UBB est la quatrième meilleure affluence du Top 14. La saison d’après, elle sera la deuxième, avant de devenir la meilleure du Top 14 lors de la saison 2014. Elle l’est toujours, saison après saison. L’affluence moyenne des rencontres à domicile de l’UBB était de 28 216 personnes lors de la saison 2023, chiffre dopé, certes, par une délocalisation au Matmut Atlantique. Depuis 2018, l’Union Bordeaux-Bègles a aussi été plusieurs fois la meilleure affluence rugbystique en Europe !

La réussite de Laurent Marti

Lors de sa deuxième saison en Top 14, en 2012-2013, huit rencontres de championnat ont été délocalisées, comme lors de la suivante. En 2015, dix rencontres se sont jouées à Chaban-Delmas, donc trois, seulement, à Moga. Cette alternance entre les deux stades symbolise cette période où l’UBB était encore un jeune club (fondé en 2006) et allait bientôt devenir un des cadors de la division. Tous saluent la réussite et l’audace de Laurent Marti. Au début, le pari Chaban était loin d’être gagné. Le maire de Bègles, Noël Mamère, voulait faire de Moga une enceinte de 18 000 places ; plusieurs projets immobiliers avaient été proposés pour réhabiliter Chaban-Delmas, les footballeurs de Bordeaux partant vers le Matmut Atlantique. Un stade en centre-ville, ce n’est pas dans l’air du temps… Pourtant, l’antre des Bordelais leur permettra de capter un public toujours plus nombreux et d’en profiter, les revenus liés à la billetterie permettant l’arrivée de meilleurs joueurs chaque saison.

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"Laurent, c’est un passionné de rugby mais un homme d’affaires avant tout, souligne Vincent Etcheto. Il savait qu’en développant cet outil de Chaban, un stade de centre-ville avec une histoire, et en ayant une équipe qui propose un jeu attractif, il pouvait capter ce public bordelais. Pourtant, ce n’est pas évident, car ce ne sont pas des supporters comme à Bayonne ou Toulon, ils viennent au spectacle. Il n’y a pas de feux d’artifice comme au Stade français, c’est nous qui le mettions sur le terrain. Pour la croissance du club, ça a été très important."

Moga pas délaissé…

Quatre années durant, les Girondins ont alterné entre les stades Jacques Chaban-Delmas et André-Moga (6 000 places entre les tribunes et les pesages). Lors de la saison 2012-2013, les joueurs de manager Raphaël Ibanez affichaient un bilan de six victoires pour deux défaites dans le stade bordelais mais seulement un succès pour quatre revers dans leur antre béglaise. Pourtant, les joueurs affirment qu’ils ne rechignaient pas à retourner dans le stade historique du CABBG, où ils s’entraînaient la semaine. "On y avait fait notre montée, donc le voir plein en Top 14, avec cette ambiance toujours là, c’était important pour nous. Nous n’étions pas déçus de revenir à Moga", avoue Gerard Fraser, parti ensuite finir sa carrière à Béziers puis au RO Grasse.

"Moga avait aussi son charme. Il était chargé d’histoire, on était proche du public, dans le club-house joueurs et supporters se mélangeaient et on se rappelait par où nous étions passés pour accéder au Top 14. Ça nous faisait du bien d’y retourner. Ça nous ramenait à la simplicité. Chaban c’était plus le show-biz", prolonge Julien Seron. Pierre Bernard est arrivé en Gironde en 2013. Il n’a pas connu la montée en Top 14, mais aimait lui aussi évoluer du côté de Bègles : "Quand on est un peu passionné de rugby, à Moga, il y a une histoire fantastique. Il y a beaucoup de choses qui s’y sont passées. L’ambiance et l’engouement y étaient certes différents. Mais pour avoir eu la chance de jouer le dernier match de Moga, c’était fantastique. Chaban c’est comme une arène, c’est fermé, il y a des douves entre la pelouse et les gradins. Moga c’est un stade à l’ancienne avec des tribunes sur le côté, des gens debout en pesage."

L’ancien demi d’ouverture trouve même un avantage à l’enceinte béglaise : "Le vestiaire de Moga, c’était celui qu’on avait la semaine, on le connaissait par cœur. Ceux issus de petits clubs comme Félix (Le Bourhis), Julien (Rey) et moi, nous avions connu ça jeune, ça donc c’était sympa de se rappeler ces années-là. Les vestiaires de Chaban n’étaient pas exceptionnels. D’ailleurs, ils n’ont pas changé de ce que je vois à la télé… "

… mais Chaban est magique

Quand l’UBB a débarqué à Chaban-Delmas, les Girondins de Bordeaux y jouaient encore. Ils ont pris leurs quartiers au Matmut-Atlantique le 23 mai 2015. Francis Gillot a été l’entraîneur des footballeurs girondins de 2011 à 2014. Il est surpris d’apprendre la raison de notre appel. "Tout se passait bien. C’était bien huilé, on ne se croisait jamais", lâche-t-il. "Avec la pluie, des fois, ils avaient peur que l’on abîme la pelouse. Mais il n’y avait pas de jalousie", poursuit Vincent Etcheto. Désormais le rugby a de meilleurs résultats que le foot en terres girondines. Pierre Bernard a une explication : "Quand les Girondins étaient à Chaban, ils étaient en haut de l’affiche. Maintenant qu’ils l’ont quitté, ils sont en Ligue 2. Et l’UBB, qui y a déménagé, est en haut de l’affiche désormais. C’est dur à expliquer mais il y a une vraie force à Chaban pour l’avoir vécu !" Son ancien entraîneur ne le contredit pas : "C’est un stade mythique pour tous les Bordelais. Il y a une magie quand on rentre dans ce stade ! Cette arène transcende !" Julien Seron y va aussi de sa déclaration d‘amour envers l’enceinte bordelaise. "Tu t’habitues aux bonnes choses ! On se transcendait, on avait un surplus de motivation. On n’attendait qu’une chose, c’était de jouer à Chaban. Il y avait une magie Chaban", confesse-t-il.

Mahamadou Diaby et Romain Buros communiant avec le public du Matmut Stadium.
Mahamadou Diaby et Romain Buros communiant avec le public du Matmut Stadium. Icon Sport - Anthony Dibon

Pierre Bernard confie avoir un peu préparé l’interview : "Je me suis replongé dedans, en grand passionné de rugby que je suis." Il propose alors une comparaison pour comprendre cette magie Chaban : "Ça me rappelle quand les Blacks font le Ka mate ou le Kapa o Pango. Ces années-là, entre Chaban et Moga, c’était un peu ça. Les affiches de gala étaient à Chaban. On n’avait pas des atouts incroyables mais Chaban nous transcendait ! Dans les 30 premières minutes le match n’était pas plié, mais presque."

Toutes les voix s’accordent sur un point : il manque à l’UBB un titre à célébrer dans son antre. Avec Matthieu Jalibert à la baguette, il faudra que la magie Chaban opère une fois de plus face au sorcier Marcus Smith en quart de finale de Champions Cup. 17 000 billets avaient trouvé preneur lors de la mise en vente des places. En Top 14, l’UBB aura l’avantage de jouer une potentielle demi-finale à domicile… mais au Matmut Atlantique. En 2015 et en 2019, l’UBB était absente à ce stade de la compétition pour disputer une demie dans cette même enceinte. Les Unionistes y avaient établi le record d’affluence en mars dernier, lors de la réception de La Rochelle. Mais ils avaient été giflés 36-6. Ces mêmes Rochelais s’étaient qualifiés en finale de Champions Cup l’année dernière aussi grâce à un succès acquis en demi-finale contre Exeter… au Matmut Atlantique. Affront sur la côte Atlantique ! L’UBB a récemment battu le Stade toulousain dans cette même enceinte située en périphérie de la ville lors de la 19e journée de Top 14. Après cette victoire l’UBB s’est-elle enfin appropriée le grand stade blanc ? Pas de là à voir plus grand selon Pierre Bernard, qui termine en poussant un cri du cœur : "Je trouverais dommage que l’UBB aille jouer définitivement au Matmut. L’UBB c’est Chaban !"

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Les commentaires (1)
LouGascoun Il y a 18 jours Le 11/04/2024 à 17:23

En 2006, je me rappelle d'un begles-fleurance du gers à Musard. On n'était pas tres nombreux dans le stade.