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6 Nations féminin – Nassira Konde (France) : "J’essaie de casser les clichés"

Par Marc Duzan
  • Nassira Konde face aux Italiennes
    Nassira Konde face aux Italiennes Icon Sport - Sandra Ruhaut
Publié le Mis à jour
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Nassira Konde (24 ans, 9 sélections) sera samedi l’un des plus beaux atouts offensifs de ce XV de France féminin, face à l’équipe d’Angleterre. Pour nous, la môme d’Aulnay-sous-Bois retrace son parcours atypique, parle de Haka, de RnB, de Virimi Vakatawa et, surtout, des clichés contre lesquels elle se bat.

Il y a plusieurs années que vous faites partie du groupe France mais on vous connaît finalement peu. D’où venez-vous, Nassira ?

Je suis originaire d’Ile de France. Je suis née à Bondy et j’ai grandi à Aulnay-sous-Bois (Seine Saint-Denis). C’est d’ailleurs là-bas que j’ai découvert le rugby…

Quel était votre rêve de gosse ?

Certainement pas rugbywoman ! (rires) Petite, je rêvais de percer dans la musique ou dans la danse. […] Mon frère fait beaucoup de piano et plus jeune, je l’accompagnais au chant. Moi, j’écoute un peu de tout : RnB contemporain, variété française…

Êtes-vous issue d’une famille rugby ou pas du tout ?

Je suis la seule sportive de ma famille, pour tout vous dire. Le rugby, je l’ai débuté au collège. J’étais en classe de sixième le jour où mon prof de sport m’a demandé de venir essayer.

Et ?

Ce fut un coup de foudre…

À ce point ?

Oui. Les gens avaient beau me dire que c’était un sport violent, je n’y voyais, moi, que la notion d’évitement. J’y ai tout de suite pris un plaisir incroyable.

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Quelle image aviez-vous de ce sport, avant d’y goûter ?

Le rugby, je le regardais de loin. Avec mon frère, on suivait les matchs des All Blacks et on rejouait le Haka dans le salon. Mais c’est à peu près tout…

Après ces débuts au collège d’Aulnay-sous-Bois, à quel âge avez-vous pris votre première licence ?

À 12 ans. Je jouais alors avec les garçons. C’était assez virulent mais à l’époque, il n’y avait pas d’équipe féminine autour de chez moi. Je n’avais pas trop le choix, en fait…

Comment les garçons vous ont-ils accueillie ?

Au début, c’était compliqué… Je jouais ouvreur, j’étais capitaine et les mecs se disaient : "Ça fait vraiment chier qu’une fille prenne toutes les meilleures places de l’équipe !" Au fur et à mesure, ils ont pourtant appris à m’accepter. Je suis devenue leur petite protégée.

Les Bleues ont largement fait le boulot contre le pays de Galles ! Elles s'offrent une finale pour le grand chelem samedi prochain à Bordeaux contre l'Angleterre \ud83c\udfc6

Le film du match > https://t.co/JZYiUVtAXd pic.twitter.com/6f5cmM72XB

— RUGBYRAMA (@RugbyramaFR) April 21, 2024

Qu’est-ce que vos entraîneurs disent de vous, en règle générale ?

Pas facile, comme question… Ils doivent dire que je suis une joueuse de duels et que j’ai plutôt une bonne lecture de jeu, je pense. Je ne suis pas dans le frontal, moi.

Il y en a, en équipe de France, qui sont dans le frontal ?

Bof… Même nos avants sont plutôt mobiles, en sélection…

Quels sont vos axes de progression, au juste ?

Il y en a quelques-uns. Pour l’heure, j’aimerais vraiment développer mon jeu au pied et continuer de m’affirmer au sein de cette équipe de France.

Qui est pour vous le trois-quart centre ultime ?

Virimi Vakatawa ! Je le regarde beaucoup jouer et j’essaye de m’en inspirer au maximum. Sa technique de passe quand il se fait plaquer, elle est hallucinante…

Et chez les filles, alors ?

J’aime le jeu de Gabrielle Vernier (l’autre trois-quart centre de l’équipe de France, N.D.L.R.). J’adore jouer à côté d’elle. Elle colle de gros plaquages en défense ; elle me rassure.

Si on vous avait dit, il y a quinze ans, que vous seriez un jour internationale de rugby…

(Elle coupe) Je vous aurais pris pour un dingue ! (rires) À l’époque, je faisais beaucoup de danse hip-hop. Mon truc, c’était les "battles" (des duels chorégraphiés, N.D.L.R.) contre d’autres filles et face à un jury. J’en ai gagné quelques-uns, je crois…

Parlez-nous un peu du choc face à l’Angleterre : cette équipe est-elle vraiment un Everest ?

Je ne dirais pas que les Anglaises sont intouchables. Elles ont fait, comme nous, de bons matchs dans ce Tournoi des 6 Nations mais je n’oublie pas que le jour où nous les avons croisées en Coupe du monde, le score avait été très serré (13-7, en 2022). Il faut y croire.

Quelle est leur grande force, néanmoins ?

Les Anglaises s’appuient sur un paquet d’avants très impactant. Mais nous ne faisons aucun complexe. Notre équipe est, elle aussi, très complète.

Quel bilan tirez-vous des quatre premières rencontres disputées par votre équipe dans ce Tournoi des 6 Nations ?

Je retiens les quatre victoires qui nous offrent aujourd’hui une belle finale face à l’Angleterre. Au fil de la compétition, on est monté crescendo et sur le terrain, on se trouve aujourd’hui plutôt bien. On est connectées. On sait où on va.

Nassira Konde célébrant la victoire face aux Italiennes avec Charlotte Escudero et Assia Khalfaoui.
Nassira Konde célébrant la victoire face aux Italiennes avec Charlotte Escudero et Assia Khalfaoui. Icon Sport - Baptiste Fernandez

Quel est votre plus beau souvenir de rugbywoman ?

Les jeux olympiques de Tokyo, il y a quatre ans. Participer aux JO, c’est le rêve de tout athlète. Et les terminer avec une médaille d’argent autour du cou, c’est l’extase…

Que vous a apporté la pratique du rugby à 7, dans votre carrière ?

Une "caisse", déjà. C’est un sport particulier, le 7. Les efforts y sont doublés… Le moindre retard coûte un essai… Cette discipline m’a appris à ne rien lâcher. Elle m’a beaucoup renforcée, mentalement.

Quelle est votre statut, Nassira ? Vous êtes rugbywoman professionnelle ? Semi-pro ?

Je suis sous contrat fédéral depuis 2017. Avant d’arriver dans le XV de France Féminin, j’étais avec France 7. Mais je poursuis aussi un cursus universitaire, à côté. J’aimerais devenir, un jour, nutritionniste.

Que vous apporte ce statut de joueuse professionnelle, dans votre préparation ?

De la stabilité, du confort… Je n’ai pas à me soucier d’autres choses que de mon sport, en fait. J’espère que le professionnalisme deviendra un jour la norme dans tous les clubs de rugby féminin. Aujourd’hui, plein de filles enchaînent trois entraînements par jour et travaillent à côté. Elles débutent leur journée à 6 heures le matin et la terminent à 22 heures le soir. On est encore trop peu à avoir la chance d’être pros.

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Quel est le niveau du championnat domestique, en France ? On le dit assez intimiste…

Il y a peu de monde dans les stades, mis à part au moment des phases finales. Pour autant, je me dis que maintenant que nous remplissons les stades avec l’équipe de France, la deuxième étape sera naturellement de remplir nos tribunes en championnat. Franchement, il y a du potentiel ; il y a de grosses affiches et du spectacle, le week-end.

Il se passe quelque chose de fort, autour du rugby féminin en France : le stade Chaban-Delmas sera plein samedi, les audiences télés cartonnent… Êtes-vous parfois arrêtée par les gens, dans la rue ?

On n’en est pas encore là, non ! (rires) Ces derniers temps, les gens m’ont un peu plus reconnue parce que j’apparaissais sur la campagne de pub de la FFR, dans le métro parisien. Un jour, à Nation, des gens ont fixé la photo, se sont tournés vers moi et m’ont demandé : "Mais c’est toi, non ?"

Comment le vivez-vous ?

Je suis heureuse et fière que les gens s’intéressent enfin au rugby féminin. Parce que nous sommes également capables de montrer du beau jeu. Après notre match à Paris face à l’Italie (38-15), plein de gens m’ont d’ailleurs dit avoir kiffé le spectacle et ça m’a fait chaud au cœur.

Vous êtes très active sur le réseau social Tik Tok, où vous comptez derrière vous une communauté de 61 000 personnes. Comment expliquez-vous une telle popularité ?

Je poste beaucoup de vidéos, en fait. Je danse, je fais des sketchs, je rigole avec les copines… Les gens aiment bien, je crois.

Le rugby féminin a longtemps été entouré de nombreux clichés…

(Elle coupe) Et ça continue, croyez-moi…

Quels sont-ils ?

(Elle soupire) On m’a déjà souvent dit que le rugby féminin était lent. C’est faux. Pour dire ça, les gens s’appuient inexorablement sur la comparaison avec les garçons… (elle soupire) C’est ridicule… Ce n’est peut-être pas aussi rapide mais c’est un autre rugby que nous proposons, voilà tout. On est moins dans le frontal, plus dans l’évitement.

Vous battez-vous au quotidien contre ce genre de commentaires ?

Oui, parce que j’en ai beaucoup entendu. C’est aussi pour ça que je fais toutes ces vidéos sur les réseaux sociaux. Moi, je vis le rugby au quotidien. Je sais ce qu’il se passe à l’intérieur d’une équipe. Et j’essaie donc de casser les clichés, de montrer une belle image de notre sport. […] Sur Tik Tok, je réponds à ceux qui attaquent notre discipline avec le plus d’humour et de légèreté possibles. C’est plus efficace que de crier ou se battre…

Et ça fonctionne, vous pensez ?

Depuis quelque temps, les commentaires sous mes vidéos sont bien plus positifs qu’ils ne l’étaient au départ. Ça veut dire que le message passe… Enfin…

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