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Adams, le fondateur

Par mo admin
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    Adams, le fondateur
Publié le Mis à jour
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De la province du Cap à la Gironde, Heini Adams, le demi de mêlée de l’UBB, a construit sa vie d’homme sans dévier du chemin balisé. L’association caritative qu’il a créée magnifie cette trajectoire.

Prétendre parler d’Heini Adams, du croyant qu’il a toujours été, du joueur époustouflant qu’il est devenu, de l’homme de bien qu’il aspire à être, ne saurait se concevoir sans consentir à un saisissant et vertigineux retour aux sources. Le personnage d’aujourd’hui est apaisé. Il porte sur le visage le masque naturel d’un sourire immuable. Il affiche ostensiblement «la positive attitude», un gentil virus dont il souhaite contaminer ceux qu’il côtoie. Les Girondins, conquis par tant de talent, de courage et de gentillesse condensés dans un corps d’un mètre soixante-huit et soixante-quinze kilos, ne s’y sont pas trompés en l’adoptant comme l’un des leurs. Mais ceux qui lui vouent une véritable admiration savent-ils par quels méandres leur « Kirikou » a dû passer pour s’ouvrir cet horizon paisible, si détonnant avec son enfance sud-africaine dans les quartiers défavorisés de la province du Cap. Il n’y a rien de plus naturel que de découvrir le rugby à l’école primaire quand de surcroît son papa est reconnu comme un excellent demi de mêlée du Worcester RC. Hélas, ce père, le petit Heini, ses deux sœurs et son frère n’auront pas eu le bonheur de grandir sous son ombre protectrice. Heini a 9 ans quand Nikki Adams décède. Seule, sans travail sous le régime injuste et cruel de l’apartheid, la maman ne pouvait payer les trente euros hebdomadaires pour permettre à son fils de participer aux tournois interécoles. Pourtant, la détermination du demi de mêlée est intacte : «Je me souviens avoir dit un jour à ma mère que mon rêve était de devenir joueur professionnel. Quand on est un enfant pauvre on rêve en grand.»

« Mon moteur, c’est mon origine, ma vie d’avant »

Lynn, l’épouse d’Heini, se souvient des douleurs et de la rudesse de cette enfance: «Nous nous sommes connus parce que mon père Damon jouait ouvreur au côté du père d’Heini. Jusqu’à douze ans Heini n’a pas eu l’électricité à la maison.» Une rencontre va bouleverser le destin du jeune sud-africain. «J’ai été Springbok et aujourd’hui je suis pro à l’UBB et tout ce que j’ai obtenu je le dois à mon entraîneur André Jacobs car ce rêve il l’a rendu possible en payant de son argent pour que je puisse continuer à jouer. Il avait eu une admiration pour mon père et à sa mort, il a fait une sorte de transfert en me prenant sous son aile. J’ai pour lui un immense respect parce que sans sa protection je ne serais pas là.» Lorsqu’on est black, petit, dans cette Afrique du Sud qui voue un culte aux forces de la nature, le chemin de la réussite devient particulièrement sinueux. Fort dans sa tête, Heini Adams a dû redoubler d’efforts : «J’ai beaucoup travaillé pour bien jouer. Mon moteur c’est mon origine, ma vie d’avant, ma jeunesse.»

Au sein de la famille Adams, dans une vie de très peu, deux piliers de moralité ont soutenu le toit de l’éducation. Le respect est une première exigence sans la moindre concession. «Enfant je n’avais rien, soupire Heini, aujourd’hui les miens doivent respecter le bien matériel et les gens.» Au cœur de la structure familiale, la foi a également toujours occupé une place centrale. à des milliers de kilomètres de sa maison d’Esselen Park, la religion reste omniprésente. à son arrivée à Bordeaux il y a cinq ans, cette croyance clairement affichée sur les murs du vestiaire a créé un point de fragilité, mais très vite les coéquipiers d’Heini ont admis sa différence. «Sans Dieu pour moi rien n’est possible, confesse-t-il. La Bible est ma colonne vertébrale, sans elle je tombe. Avant les matchs je prie pour que Dieu me protège, protège l’équipe et le staff et leur donne la force.» Catholique pratiquant, Heini Adams doit bousculer sa nature discrète pour aborder ce pan intime de sa personnalité. Il hésite aussi avant de nous révéler, à notre demande, les détails émouvant et troublant de son rapport à son ancien coach Laurent Armand : «Quand il a eu son accident, à l’intérieur du club, un proche m’a demandé de prier pour lui. J’ai appelé le frère de Lynn qui participe à des sermons chaque semaine à l’église en Afrique du Sud. Durant un an, à l’office, ils ont prié avec force pour sa guérison. J’ai vu Laurent après la victoire sur Castres et j’ai été impressionné par ses progrès.»

Une famille girondine

Il suffit de prononcer une voyelle et deux consonnes : UBB, pour que le sourire d’Heini Adams dévore son visage. Il a participé intensément à la fantastique renaissance du rugby girondin et le président Laurent Marti n’oubliera sûrement jamais le rôle déterminant que le guide Heini Adams a tenu dans cette spectaculaire réussite. Non sans mal, car songez qu’en quatre saisons à l’Union, le demi de mêlée a joué 100 matchs alors qu’il n’en avait disputé que 35 en cinq saisons dans son pays. «L’UBB c’est ma famille, une nouvelle chance. J’ai beaucoup de respect pour le président Marti, mes coéquipiers et le public qui représente beaucoup à mes yeux.» Heini et Lynn, assistante sociale, ont fait le choix de s’installer définitivement en Gironde, et l’épouse nous a soufflé cette jolie anecdote : «En juin dernier, avec les enfants Heidri (la fille 9 ans) et Dane (le garçon 6 ans) nous nous sommes rendus en vacances en Afrique du sud. Au bout d’une semaine, Dane nous a demandé «quand revient-on à la maison ?»

J’ai beaucoup travaillé pour bien jouer. Mon moteur c’est mon origine, ma vie d’avant, ma jeunesse.»

Sans doute Heini pense-t-il déjà à sa reconversion au service des autres. Il en sera ainsi car l’altruisme est inscrit dans ses gènes. Il a servi les intérêts de trois ouvreurs promus au niveau national : Steyn, Lopez et aujourd’hui Bernard, comme il transmet actuellement, et sans calculs, son savoir et son expérience à son prometteur coéquipier Baptiste Serin en lequel il voit le futur numéro 9 de l’équipe de France.

Ce dévouement, il en témoigne surtout au sein de la Fondation André Jacobs qu’il a créée en Afrique du Sud pour venir en aide aux jeunes de 10 à 16 ans qui possèdent un talent sportif, artistique ou intellectuel : «Je veux rendre aujourd’hui ce que j’ai reçu d’André Jacobs et accompagner des enfants de milieux défavorisés, et ciblés selon des critères rigoureux, jusqu’à l’université. Il doit y avoir une démarche volontaire de la famille et de l’enfant. Nous voulons changer sa vie et son esprit, le sortir des griffes des gangs et de l’argent facile. Pour cela des moyens financiers sont nécessaires.»

En 2014, pour la troisième édition du Rugby Day organisé en Afrique du Sud et parrainé par le Grenoblois Gio Aplon, ils étaient 500 enfants à avoir répondu à l’appel de la Fondation. Et parmi eux de nombreux talents. à Bordeaux, Heini a trouvé des soutiens. Frédéric Nau, Didier Grandeau et Alain Joubert, partenaires de l’UBB, vont l’aider à décliner la Fondation AJ en une association Heini Adams dont Heini sera le président et qui sera dédiée à des enfants de France et possiblement des Fidji et des îles du Pacifique. La récente invitation des Barbarians s’est posée comme une merveilleuse parenthèse hélas immédiatement refermée à cause d’une blessure. Là où d’autres pesteraient contre un mauvais coup du sort, Adams positive. Comme par enchantement, son sourire vous inonde. G.P.

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