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Smit et Boudjellal s’affrontent

Par Marc Duzan
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    Smit et Boudjellal s’affrontent
Publié le Mis à jour
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John Smit, le directeur sportif des Sharks, et Mourad Boudjellal, président de Toulon, parlent du choc Nord - Sud qui opposera les Varois aux Sud-Africains. Les patrons des deux formations lancent le match hors du terrain.

Comment cette idée d’affrontements entre les champions du Nord et du Sud a-t-elle germé ?

John Smit : La perspective d’une confrontation Nord - Sud n’est pas nouvelle. Nous ne sommes pas les premiers à l’évoquer. En revanche, nous sommes très peu à l’avoir mise en pratique. à mon sens, le seul match de ce type remonte à 1997, lors d’une rencontre entre Brive et les Auckland. Les gens sont friands de ces matchs de gala. Ils vont en avoir pour leur argent. Le public français se fera une idée précise de ce que sont les Sharks et le Super Rugby.

Mourad Boudjellal : Cela fait plusieurs mois que je souhaite mettre au point cette affiche. Aujourd’hui, la grande question que l’on se pose dans le rugby, c’est qui du Top 14 ou du Super 15 est le plus fort ? Ce n’est pas de savoir qui entre Toulouse et un club italien est le meilleur ! Et il faut trouver les dates pour organiser de tels matchs. Sans cette affiche, l’impact mondial du rugby est limité. C’est dommage de s’en priver... Pour tout vous dire, le détonateur de ce choc a été le tweet de John Smit. C’est lui qui est à l’origine de tout.

John, pourquoi avoir choisi les réseaux sociaux pour contacter Mourad Boudjellal ?

J. S. : Je ne voulais pas qu’il puisse dire non. Je savais qu’en le confrontant aux yeux du monde, en plaçant ma requête sur la place publique, Mourad Boudjellal n’aurait pas d’autre choix que de relever le défi. Il en avait envie. N’avait-il pas été question d’un match entre les Chiefs et le RCT, quelques mois plus tôt ?

M. B. : Je n’allais pas m’enlever, c’est clair ! Pas question. L’idée était bonne. Mes joueurs avaient été déçus de ne pas pouvoir se mesurer aux Chiefs, je souhaitais donc tout faire pour mettre sur pied un tel match. Smit m’a offert une opportunité, je l’ai saisie.

«Les Toulonnais sont tous les bienvenus ! Je tiens d’ailleurs à leur signaler que s’ils sont intéressés, nous débutons le Super 15 le 14 février !»

John SMIT

Que savez-vous à propos de votre adversaire ?

J. S. : En tant que Sud-Africain, je suis les résultats de Toulon de près vu le contingent de mes compatriotes qu’il y a depuis quelques années. Le RCT et ses Springboks ont une vraie cote de popularité en Afrique du Sud. Et puis, j’ai failli venir à Toulon en juin 2013. Il s’en est même fallu de très peu pour que je devienne le talonneur du RCT. Mais les Sharks m’ont proposé de devenir leur manager. J’y ai vu une possibilité réelle de reconversion et j’ai donc préféré dire non à Toulon. L’après rugby n’est jamais facile à négocier pour un joueur même quand on a cinquante sélections chez les Springboks... Quand j’ai confié mon dilemme à Mourad, il n’a pas fait de difficulté et m’a laissé m’engager aux Sharks. Je l’en remercie.

M. B. : Les Sharks sont l’ancienne équipe de Frédéric Michalak, c’est une des grosses formations d’Afrique du Sud. D’ailleurs quand ils vont venir à Toulon, nous allons faire disparaître les passeports de quelques-uns de leurs joueurs pour qu’ils ne rentrent pas en Afrique du Sud. S’ils pouvaient poursuivre leur carrière à Toulon...

Bakkies Botha sera-t-il l’agent infiltré des Sharks, la semaine précédant ce match ?

J. S. : Je l’espère ! Bakkies, j’attends ton coup de fil ! Ce mec est probablement le joueur le plus loyal que j’ai pu croiser dans ma carrière. Il combat jusqu’à la mort, sur un terrain de rugby.

M. B. : Cela m’étonnerait que Bakkies appelle John, parce qu’il a une vraie peur physique de moi. Nous avons eu par le passé deux ou trois discussions assez musclées et j’ai pu me rendre compte que je l’impressionnais. Il me craint, même !

Sincèrement, pensiez-vous tous deux qu’un retour à la compétition était possible, l’an passé, pour Juanne Smith ?

J. S. : Ce qui est arrivé à Juanne est un conte de fées. Personne d’autre que lui n’a autant mérité une telle happy end. Il est un homme tellement attachant. Juan était l’un de nos fers de lance, lors du titre de 2007. Il était l’un de nos deux preneurs de balle en touche (avec Victor Matfield, N.D.L.R.) et, surtout, notre meilleur franchisseur. Sa blessure fut donc un gros coup dur pour les Springboks. Notre Mondial 2011 aurait probablement été tout autre, si Juan Smith avait pu faire partie de l’aventure…

M. B. : J’avoue que je ne pensais pas qu’il afficherait un tel niveau. Je pensais qu’il pourrait être un très bon joueur au RCT, autrement je ne lui aurais pas proposé de contrat, mais d’être le joueur qu’il est aujourd’hui et à son âge ! Cela a été une bonne surprise. Quand je vois les fins de carrières que l’on a offert à lui, mais aussi à Botha ou à Wilkinson, je crois que Toulon va devenir un lieu de pèlerinage pour les grands joueurs blessés. Franchement, les doutes sur Juanne Smith se sont dissipés rapidement. Dès que je l’ai vu s’entraîner, j’ai compris qu’il pourrait nous amener les titres que l’on attendait. C’était intuitif.

« Je voudrais Bismarck Du Plessis. Son contrat est déjà prêt ! »

Mourad BOUDJELLAL

Selon vous, Bryan Habana est-il meilleur au centre ou à l’aile ?

J. S. : Les gens connaissent Bryan comme un finisseur, mais pour l’avoir très souvent vu évoluer au centre sous le maillot des Stormers, je peux vous assurer qu’il est également redoutable à ce poste-là. Bryan a du feu dans les jambes et met beaucoup de détermination dans tout ce qu’il entreprend.

M. B. : Tant qu’il nous marque des essais, son poste m’est égal.

En 2007, votre boss en équipe nationale n’était autre que Jake White, le nouvel entraîneur de Montpellier. Quel est votre avis sur lui ?

J. S. : Je ne vous apprendrais rien en vous disant que je suis très proche de Jake. Il m’a toujours défendu lorsque j’étais son capitaine (les médias sud-africains ont longtemps plaidé pour la titularisation de Bismarck du Plessis). […] Il ne va pas révolutionner le rugby de Montpellier, mais d’abord lui donner des clés pour arrêter de perdre : une grosse défense, une touche conquérante, un jeu au pied pertinent et, surtout, une agressivité que lui seul peut transmettre lors de ses causeries d’avant-match. Avant d’être un technicien, Jake est un meneur d’hommes.

Et vous, Mourad ?

M. B. : J’ai beaucoup de respect pour l’homme. Il faisait partie de mes premiers choix pour la succession de Bernard Laporte. Il fait partie des tops managers au niveau mondial. Je pense que Mohed Altrad ne s’est pas trompé même si, selon moi, Jake White est plus un entraîneur qu’un consultant. Comme consultant je ne vois pas bien ses qualités... Comme entraîneur et manager oui !

Seriez-vous favorable à un championnat du monde des clubs ?

J. S. : Ce serait une idée fantastique. Penchons-nous sur le sujet, uniformisons nos calendriers, créons des choses attractives et modernes. Car le rugby doit être en perpétuelle évolution. Et un championnat du monde des clubs disputé tous les quatre ans, entre deux Coupe du monde, serait un bel investissement pour notre sport.

M. B. : Je serais pour une Coupe du monde des clubs avec les champions néo-zélandais, sud-africains, australiens, anglais, français, irlandais, écossais et gallois. Avec quarts, demies et finale ! Pourquoi ne pas l’imaginer tous les ans ? Cela pourrait devenir la plus belle des compétitions : si le rugby a d’abord existé par le prisme des nations, il existe de plus en plus par celui des clubs.

Le Top 14 est-il plus fort que le Super 15 ?

J. S. : On me pose souvent la question, que ce soit en Europe ou en Afrique du Sud. J’ai joué en Top 14 (à Clermont-Ferrand), en Angleterre (aux Saracens) et en Super Rugby (aux Sharks). J’ai également participé à la Coupe d’Europe des clubs. Ces quatre compétitions sont différentes, sur de nombreux points. Dans l’hémisphère Nord, les terrains sont relativement lourds en hiver, ce qui conduit les équipes à s’orienter vers un jeu plus stratégique, davantage axé sur la conquête territoriale et le combat d’avants. Au Super Rugby, tout est, en revanche, basé sur la vitesse du jeu et les transmissions de balle. Quoi qu’il en soit, notre match contre Toulon sera la meilleure façon de confronter nos deux mondes. Personnellement, j’ai hâte…

M. B. : C’est le Top 14 mais grâce à l’arrivée des joueurs du Sud. C’est paradoxal. S’il n’y avait que des joueurs de l’hémisphère Nord dans notre championnat, je ne suis pas sûr que l’on pourrait dire la même chose.

Laquelle de vos deux équipes possède-t-elle le plus gros budget ?

J. S. : Malheureusement, je crois que nous ne pouvons pas combattre avec Toulon dans ce secteur-là. Notre budget est dérisoire par rapport à celui du RCT. Nos pauvres rands (la monnaie sud-africaine) ne peuvent lutter avec les euros des Toulonnais !

M. B. : Le RCT n’est pas le club avec le plus gros budget du monde. C’est un club qui génère une vraie économie. Si nous avons un gros budget, c’est la conséquence d’un très bon travail d’équipe. Après, le prix d’une place de cinéma n’est pas le même en France ou en Afrique du Sud. La vie est plus chère chez nous.

Quel joueur de l’équipe adverse souhaiteriez-vous enrôler dans votre équipe ?

J. S. : Les Toulonnais sont tous les bienvenus ! Je tiens d’ailleurs à leur signaler que s’ils sont intéressés, nous débutons le Super 15 le 14 février !

M. B. : Bismarck Du Plessis. Son contrat est déjà prêt !

John, Mourad, pourriez-vous travailler ensemble dans le futur ?

J. S. : Je pense que ce match entre le RCT et les Sharks est le début d’une grande et belle amitié entre nos deux clubs. Qui sait ce que l’avenir nous réserve ?

M. B. : À Toulon, tout ce qui s’est appelé Smith a bien marché. Nous en avons eu beaucoup, c’est déjà un bon premier signe.

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