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Jean Galia : le père fondateur

Par Didier Navarre
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    Jean Galia : le père fondateur
Publié le Mis à jour
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La Fédération française de rugby à XV l’a radié en 1933. Quelques mois après, il crée la Ligue de rugby à XIII. Au cours de ces années 30, il a fait trembler le rugby à XV.

À quoi pense Jean-Galia en ce premier jour de l’année civile 1934 ? L’ancien capitaine de l’équipe de France de rugby à XV est au stade Pershing de Paris, assiste à la première rencontre de rugby à XIII sur le sol français entre l’Australie et l’Angleterre. Une rencontre dominée par les Australiens sur le score sans appel de 63 à 13. Invité par Harry Sunderland, directeur de tournée de l’équipe australienne et John Wilson, secrétaire de la rugby league anglaise, Jean-Galia tombe sous le charme de cette nouvelle pratique rugbystique. « Un rugby pareil, ça ne se décrit pas. Ca se déguste comme un mets rare. Aussitôt qu’on l’aborde, on reste éperdu d’admiration », tel est la pensée de maître Jean qui à l’issue de ce débat entre Australiens et Anglais a une idée derrière la tête, celle de créer une Ligue treiziste en France. Quelques mois avant, la fédération de rugby à XV l’a radié, il compte bien lui rendre la monnaie de la pièce.

Le meilleur avant d’Europe

Quel incroyable destin, celui de ce Catalan, fils de maraîcher d’Ile sur-Tet qui a vu le jour le 20 mars 1905. Très tôt, il a montré de solides aptitudes pour les diverses pratiques sportives. Très éclectique, il a excellé en aviron. Boxeur de talent, il fut champion de France amateur dans la catégorie poids lourd. Dans le rugby à XV, il a été particulièrement gâté. Militaire à Toulouse, il a participé à l’éclosion sportive du second club toulousain dans la ville rose, celui du Toec. Contacté à la fin des années 20, par le mécène quillanais Jean-Bourrel, il a participé aux trois finales du championnat de France (1928, 1929, 1930) du club de la Haute-Vallée et connu la joie du sacre du sacre en 1929 face à Lézignan. Ce deuxième et troisième ligne (de 1 mètre 80 et 85 kilos) talentueux a également connu les joies de la sélection nationale à dix neuf reprises entre 1927 et 1931. Dans le concert international, les Britanniques l’ont même élu le meilleur avant d’Europe. Après l’épisode quillanais et la mise en sommeil de ce dernier, le Catalan a rejoint Villeneuve sur-Lot avec son fidèle coéquipier et ami Ernest Camo. Dans la sous préfecture lot et garonnaise, Jean Galia a pignon sur rue. Outre le talentueux joueur, il est un fin homme d’affaire. Dans ce domaine, il a parfaitement réussi et gère avec succès deux salles de cinéma : le Ciné Palace et l’Olympia. À Villeneuve, il a de légitimes ambitions, celles d’un sacre de champion de France. Pour mener à bien cet objectif, il a enrôlé ses amis catalans de l’US Perpignan : Aimé Barde, Serre Martine. Il espère recruter le talentueux François Noguères, ce qui fait jaser du côté de Perpignan et de son président Marcel Laborde. Entre ce dernier et Jean Galia, c’est un véritable bras de fer qui s’engage pour la signature de François Noguères. Celui ci finit par parapher son nom en faveur de Villeneuve. Ce transfert déclenche l’ire des dirigeants perpignanais et des responsables fédéraux. Ces derniers par un étrange tour de passe-passe lié à un télégramme destiné à François Noguères et signé Jean, concluent que Villeneuve use d’arguments financiers pour recruter leurs joueurs. En ce mois de janvier 1933, la fédération procède à l’exclusion du club de Villeneuve-sur-Lot et à la double radiation de François Noguères et Jean Galia.

Les Galia boys

En ce début d’année 1934, Jean Galia n’a qu’une idée, celle de créer la Ligue treiziste. Or, comment faire sans ressources financières et aucun joueur ? L’homme d’affaire a un atout celui du dialogue. Dans ce domaine, il est très convaincant. Début mars, il a mis sur pied une tournée en Angleterre et part à l’aventure avec dix-sept compagnons : François Récaborde, Jean Duhau, François Nouel, « Bob » Samatan, Joseph Carrère, Maurice Porra, Georges Blanc, Charles Petit, Charles Mathon, Laurent Lambert, Antonin Barbazanges, Henri Dechavanne, Gaston Amila, « Lolo » Fabre, Jean Cassagneau et Jean Marie Vignale. Dix-sept pionniers à qui Jean -Galia a promis qu’ils ne regretteraient d’avoir pris part à cette entreprise. Cette tournée se compose de six rencontres. Les « Galia Boys » s’imposent qu’à une seule reprise face à Hull (26-23) et s’inclinent respectivement face à Wigan, Leeds, les London Highfields et Salford. Cette tournée des « frenchies » est au final un véritable succès populaire. Le rugby à XIII séduit petit à petit la France. Jean -Galia surfe sur la voie du succès et en profite pour mettre en place le 6 avril 1934 la Ligue treiziste dont le Nantais, François Cadoret en est le premier président. Neuf jours après, c’est le premier match officiel de l’équipe de France face à l’Angleterre au stade Buffalo à Paris. Sous le capitanat de Jean-Galia, les Tricolores s’inclinent 21 -32, mais le public est particulièrement satisfait la prestation tricolore et laisse une juteuse somme dans les caisses de la Ligue. L’année après, douze clubs participent au premier championnat de France remportée par Villeneuve. L’autre compétition domestique, la Coupe de France est remportée par Lyon face au XIII catalan (22-7). Une formation lyonnaise commandée par Charles Mathon. Au fil des années, la Fédération française de rugby à XV privée de rencontres internationales majeures voit le nombre de ses clubs se réduire comme peau de chagrin. Du côté de Dax, Cavaillon, Avignon, Brive, Béziers, Albi, la Rochelle, on franchit le Rubicon. En 1939, la FFR comptabilise 471 clubs sur 784 en 1934.

Dans cette décennie des années 30, le rugby à XIII est euphorique. Les stades sont pleins, son équipe nationale rivalise avec les Anglais, Australiens et Gallois Or, le régime de Vichy va en décider autrement. Le gouvernement au sport présidée par Jean Borotra et le colonel Pascot officialisent la dissolution de la Ligue treiziste, le 19 décembre 1941. La Ligue voit ses comptes et ses biens confisqués. Elle renaît de ses cendres à la libération en 1946, mais sous l’appellation de jeu à XIII. Quant au fondateur, Jean Galia, il est resté fidèle à la discipline qu’il a créée en 1934. Propriétaire de trois cinémas à Toulouse, il est devenu le président du Toulouse-Olympique qui fut à deux reprises (1945-1946) finalistes du championnat de France. Le 17 janvier 1949, en pleine force de l’âge, il décède dans son appartement toulousain du boulevard de Strasbourg, victime d’une crise cardiaque. Il n’avait que 44 ans. Mais, son empreinte est profondément ancrée dans l’histoire du rugby à XV et XIII français.

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