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Jean Fabre : « J’ai senti venir quelque chose »

Par Jérôme Prévot
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    Jean Fabre : « J’ai senti venir quelque chose »
Publié le Mis à jour
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Jean Fabre fut le président de la renaissance du Stade Toulousain. Il aurait dû être celui de la FFR avant d’être victime d’un coup fourré d‘anthologie. En 2010, dans « Midi Olympique » il nous avait déjà accordé un entretien pour reparler de tout ça. Il avouait alors « une erreur majeure » en parlant de son alliance surprise avec Albert Ferrasse. Quatre ans après, et vingt-quatre ans après les faits, il nous a rappelé le contexte de cette fameuse crise fédérale.

Pouvez-vous nous rappeler le contexte de cette fameuse crise ?

Il faut bien comprendre qu’à l’époque, le système de la FFR était verrouillé par le fait du mode de scrutin. Les voix des clubs absents lors de l’Assemblée Générale étaient portées par les présidents de chaque comité. Le pouvoir de l’époque semblait donc immuable. Et puis, il y a eu ce déchirement entre Ferrasse et Fouroux, son fils spirituel, un événement imprévisible, voire inimaginable. Je me suis lancé dans la bataille à partir de là en me bagarrant pour faire changer le mode de scrutin. Je voulais que les clubs puissent voter par correspondance et qu’un homme n’est pas plus de trois procurations.

Pour quelles valeurs vous battiez-vous ?

Je représentais les clubs et je le crois une nouvelle vision du rugby, incompatible avec la façon dont il était géré à l’époque. La FFR se refermait sur elle-même en refusant d’évoluer sur plusieurs dossiers, le professionnalisme, on en était aux dessous-de-table, la formule du championnat, mais aussi la Coupe d’Europe ou les Jeux Olympiques. Je voulais déjà un Top 12 dans l’Elite et je voulais que les joueurs pratiquent un professionnalisme de proximité, différent du professionnalisme pur et dur du foot.

Mais vous avez fait finalement alliance avec Albert Ferrasse que vous combattiez dans les années 80. C’était quand même une surprise.

Mais j’avais de la sympathie pour l’homme et puis je reconnaissais qu’il avait fait des choses. Il avait créé la Coupe du Monde, il avait fait entrer la France à l’International Board, il avait amené Roger Bourgarel en Afrique du Sud. J’avais fusionné ma liste avec la sienne et je trouvais logique qu’il reste pendant six mois à la présidence de la FFR. Mais nous avions gagné les élections sur mes idées et elles avaient été plébiscitées par le congrès de Blois.

Mais ne vous êtes pas allié avec lui pour bénéficier des grands électeurs qu’il contrôlait encore ?

Non, ne pensez pas ça. Pour les élections de 1991, nous avions réussi une mobilisation exceptionnelle des clubs qui avaient pu voter pour nous. Le système des grands électeurs était resté à la marge. Nous avions fait venir 1 200 clubs environ alors que d’habitude, il y en avait six cents qui se déplaçaient, pas plus pour mille absents. Le rapport de force était devenu défavorable à Ferrasse, s’il n’était pas venu sur notre liste, il n’aurait pas pesé assez lourd pour rester au Comité Directeur.

Mais pourquoi Jacques Fouroux s’était-il retiré ?

Il a vu qu’il ne gagnerait pas, tout simplement. Mais Robert Paparemborde était proche de lui. Il a repris ses idées et ses soutiens quand il a monté sa liste.

Mais finalement, on ne comprend plus pourquoi Fouroux et Ferasse se sont brouillés…

L’impatience naturelle de Fouroux, sans doute et puis le fait que Ferrasse était quand même entouré d’une vraie confrérie, des gens conservateurs. Dans l’équipe Fouroux il y avait quand même des hommes qui comprenaient que le rugby allait évoluer, des Micoud, des Boujon qui ne se sentaient pas spécialement proches de Ferrasse.

Qu’est ce qui vous différenciait de la tendance Paparemborde-Fouroux ?

Pas mal de choses. Robert Paparemborde allait beaucoup moins loin que moi sur bien des aspects. Ceux dont je viens de vous parler. Il restait proche du système. Il était pour le maintien des grands électeurs par exemple. Et puis, il était vraiment anti-Ferrasse. Il voulait l’éliminer légalement, mais l’éliminer quand même.

Et le jour de l’élection, qu’est il vraiment arrivé ?

Nous sommes passés au vote. J’ai demandé un vote à main levée. Ils ont refusé. Nous sommes passés au vote secret et là, le nom de Bernard Lapasset est sorti. C’est pittoresque, car il n’était même pas candidat. Avant le vote, j’avais demandé s’il y avait un candidat et personne n’avait bronché. Mais la tendance Ferrasse et la tendance Paparemborde ont fait alliance contre moi. Il y a eu des tractations secrètes entre les deux parties. J’ai démissionné sur le champ imité par Max Guibert qui m’avait toujours soutenu et par Michel Crauste qui venait de la liste Ferrasse mais qui n’a pas supporté ce qui s’est passé. Certains de mes alliés comme Jacques Talmier et Daniel Ferragu sont restés pour combattre de l’intérieur.

Ce coup fourré, l’avez-vous venir ?

Je me doutais qu’il allait se passer quelque chose. Ils avaient lancé une campagne de dénigrement contre moi pendant les six mois. Je n’étais pas de leur monde, ils ont retrouvé les vieux réflexes. Peu de temps avant, après une réunion, je les avais vus un par un en leur rappelant leur engagement. Beaucoup avaient regardé leurs godasses. Les Ferrassiens ont trahi les idées plébiscitées par les élections et le congrès de Blois, pire encore, ils ont trahi leur signature puisqu’ils avaient paraphé le fameux protocole.

Vos idées n’ont donc pas été concrétisées ?

Non, le système des grands électeurs a perduré, même si mon ami Daniel Ferragu l’a combattu tant qu’il a pu. Ce système était tellement énorme que quand je l’avais décrit à Nelson Paillou, président du CNOSF, forte personnalité de l’époque, il ne m’avait pas cru. Et puis, je me souviens qu’il y a quelques années, Pierre Camou a aussi voulu le supprimer et son Comité Directeur l’a mis en minorité. Ce n’est pas rien.

Regrettez-vous d’avoir fait confiance à Albert Ferrasse en 1991 ?

Il est évident que vu la façon dont ça s’est passé, j’agirais différemment mais dans le contexte de l’époque, je pensais pouvoir faire confiance au président.

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