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C’est l’amour vache !

Par Jérôme Fredon
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    C’est l’amour vache !
Publié le Mis à jour
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Australiens et Néo-Zélandais entretiennent depuis toujours une rivalité ancestrale. La finale du Mondial 2015 va exacerber la passion entre ces deux rivaux intimes.

Comme beaucoup de voisins, ils aiment se détester et se toiser d’un œil torve. Entre l’Australie et la Nouvelle-Zélande, c’est « je t’aime, moi non plus ». Mais les deux géants du Pacifique ont plus en commun que ce qu’ils veulent bien reconnaître. Unis lors des deux conflits mondiaux au sein de forces communes venant en aide à leur ancienne mère-patrie britannique. Regroupés sous la bannière de l’Anzac, Aussies et Kiwis ont fièrement combattu et payé un lourd tribut sur les fronts de la Somme, des Dardanelles et du Pacifique. Le souvenir de ces milliers soldats des antipodes tombés sur le champ de bataille est honoré lors d’un jour férié commun. Célébré le 25 avril, l’Anzac day commémore le débarquement des troupes australiennes et néo-zélandaises à Gallipoli, en Anatolie. Plus de 10 000 jeunes Aussies et Kiwis en pleine fleur de l’âge périrent au cours de cette sanglante bataille face aux troupes ottomanes. Gallipoli est depuis devenu l’événement fondateur des deux jeunes démocraties. Ce front commun s’est même déjà retrouvé dans le rugby. Au début du XXe siècle, Australiens et Néo-Zélandais ont uni leurs forces au sein d’une sélection australasienne.

Comme deux frères, l’Australie et la Nouvelle-Zélande passent le plus clair de leur temps à se chamailler. Rien ne leur fait plus plaisir que de surpasser et avoir le dessus sur leur frangin même pour les sujets les plus futiles. De la nationalité de l’acteur de Gladiator, Russell Crowe à la paternité de la Pavlova, dessert emblématique et servi lors du réveillon de Noël, tout est bon pour se chercher des noises.

Les deux frères ennemis du Pacifique ont trouvé dans le sport le terrain d’expression idoine à cette rivalité ancestrale. Qui se ressemble, s’assemble… Les Australiens et les Néo-Zélandais partagent une passion exacerbée pour la pratique sportive. Ils se disputent le leadership mondial dans de nombreuses activités comme le cricket, le rugby à XIII ou le netball. Chaque rencontre entre Aussies et Kiwis est l’occasion de stimuler la fibre patriotique et de moquer l’autre.

Noms d’oiseau et religion

La rivalité entre les deux voisins atteint des proportions inégalées à l’occasion de l’ultime rencontre de ce Mondial 2015. La révélation par la presse britannique des plans de Michael Cheika pour battre les All Blacks a fait monter la pression d’un cran autour de cette finale inédite. Les noms d’oiseaux utilisés des deux côtés de la mer de Tasman pour qualifier les perfides adversaires ont depuis hier refleuri sur la toile. La concurrence opposant les « bogans » (les Néo-Zélandais disent des Australiens que ce sont des « bouseux », mal éduqués et peu sophistiqués) aux « sheep shaggers » (littéralement « niqueurs de moutons », comme les Aussies surnomment aussi les Kiwis) n’a jamais été aussi exacerbée. C’est oublier les nombreux ponts bâtis entre les All Blacks et les Wallabies depuis leur première confrontation en 1903. Les échanges d’entraîneurs et de joueurs entre les deux nations se sont accélérés avec l’avènement du professionnalisme. Quatre membres du groupe de Michael Cheika lors de ce Mondial (Quade Cooper, Dean Mumm, Will Skelton, Joe Tomane) sont nés en Nouvelle-Zélande. L’ancien demi de mêlée des Auckland Blues, Steve Devine est à notre connaissance le dernier All Black à avoir vu le jour en Australie.

Au pays du long nuage blanc, le rugby fait figure de véritable religion. Aucune équipe dans le sport mondial n’arrive à la cheville des All Blacks en termes de succès. En 112 années d’existence, les Kiwis présentent une stat démente de 78,49 % de victoires. Le moral des Kiwis est intimement lié aux fortunes de sa sélection nationale. Toute victoire des All Blacks est considérée comme acquise. A contrario, tout revers est jugé inacceptable. Le moindre accroc des « Men in Black » suffit à déclencher une vague d’hystérie collective.

Les Australiens ont un rapport beaucoup plus distant vis à vis du rugby. Le XV déchaîne moins les passions sur l’île continent que le XIII, le footie ou le football. Les images de gradins à moitié vide pour des matchs de Super Rugby sont ici monnaie courante. En fait, les Aussies ne s’intéressent véritablement au XV que lorsque les Wallabies entrent en action. Et encore, les maillots noirs sont souvent plus portés que la tunique or et verte des Australiens dans les tribunes de l’ANC stadium Sydney et du Suncorp Stadium de Brisbane. Parfois, les Wallabies peuvent avoir le sentiment de disputer leur test de la Bledisloe Cup en Nouvelle-Zélande.

Pour le vainqueur, c’est l’assurance de pouvoir chambrer

Pour toutes ces raisons, les Australiens ont longtemps été intimidés par leurs frangins néo-zélandais. Au fil des ans, la défaite a souvent été le lot des Wallabies. Mais pas toujours. Avant cette finale, le bilan est largement en faveur de la Nouvelle-Zélande avec 105 succès. Contre 42 aux Australiens et 7 matchs nuls. Les Wallabies ont connu des nombreuses saisons blanches et sèches face aux All Blacks, comme les 10 revers de rangs concédés entre 2008 et 2010 ou les 7 défaites consécutives entre 1967 et 1974. Les Néo-Zélandais ont très peu partagé la Bledisloe Cup avec leurs frères australiens. Les Wallabies n’ont jamais dominé les All Blacks plus de trois matchs d’affilée. Mais sous le commandement de John Eales, ils ont connu une période dorée à la fin des années 1990 et au début du nouveau millénaire. Les All Blacks ne se sont inclinés qu’à une seule reprise lors de leurs 12 dernières confrontations. Les partenaires de Richie McCaw conservent jalousement le trophée au siège de la NZRU à Wellington depuis 2002. Mais toutes ces années de joug kiwi seront oubliées si les Wallabies s’imposent cet après-midi.

La Bledisloe Cup pèse peu à côté de la conquête d’un titre mondial. Quel que soit le résultat, ce choc des titans sera au cours des prochaines semaines et des prochains mois le sujet numéro un de conversation entre Australiens et Néo-Zélandais. Ce combat de chefs promet dès lundi de nombreux embouteillages à la machine à café. Pour le vainqueur, c’est l’assurance de pouvoir chambrer son frérot au moins jusqu’en 2019. La perspective d’un revers est source d’angoisse et de palpitations des deux côtés de la mer de Tasman. Le vaincu risque d’avoir du mal à s’en remettre.

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