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Pelous : «On n’a jamais été la meilleure nation de la planète»

Par Jérémy Fadat
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Publié le Mis à jour
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Fabien Pelous a fait son retour au Stade toulousain en début de saison. Le directeur sportif revient sur ses souvenirs européens et sur son nouveau rôle au stade. Avant, en tant qu’ancien responsable de la formation fédérale et manager des moins de 20 ans, de s’épancher sur l’état du rugby français.

Vous retrouvez la Coupe d’Europe. Que représente-t-elle pour vous ?

Je l’ai connue en grande partie avec le Stade toulousain mais j’ai commencé avec Dax. Une longue histoire avec toujours, en filigrane, le haut niveau. Sur ces matchs européens, on passait un palier, plus intense qu’en phase finale du championnat. Sur la qualité du jeu et l’engagement. La Coupe d’Europe est devenue très populaire alors que j’en ai vu les balbutiements. Quand, en 1998, on va à Ebbw-Vale (pays de Galles, N.D.L.R.) après avoir gagné 114 à rien (108-16 en réalité, N.D.L.R.) à la maison, on perd là-bas (11-19)… On tombe dans un traquenard incroyable, un rugby à l’ancienne comme on en voyait trente ans plus tôt dans les séries régionales.

Y avait-il un parfum particulier dans la préparation des matchs européens ?

Oui, car la formule impose de réussir à chaque match. Tu n’y joues que des rencontres de phase finale, très tôt dans la saison, avec une grosse intensité. Voilà qui fait le charme de la compétition. Si tu perds des points en championnat, tu peux les rattraper plus tard. Là, il n’y a le temps pour rien.

Le rapport toulousain avec la Coupe d’Europe a toujours été singulier…

C’est le club qui a gagné la première édition. Puis, le début de la Coupe d’Europe correspond à l’hégémonie du Stade toulousain sur le rugby national, avec quatre Boucliers d’affilée dans les années 90. Il fallait un objectif plus grand et cette compétition est arrivée à point nommé. Elle a permis d’assouvir l’appétit toulousain à une autre échelle. Le club s’en est emparé et, pour son rayonnement, cela a été capital, notamment pour des sponsors comme Airbus qui ont une portée internationale.

Quel est votre meilleur souvenir européen ?

Mon premier titre à Dublin contre l’Usap (2003). J’ai senti une équipe, un club et une région mobilisés. C’est une des seules fois où toutes les énergies étaient vraiment réunies et il y avait une forme de logique. On était configuré pour ça, on l’a fait de manière propre et carrée. C’était un aboutissement naturel.

Et y a-t-il un pire souvenir ?

Oui, le pire de ma carrière. La finale perdue de 2008, à Cardiff contre le Munster, où le coup de pied au cul (sur Alan Quinlan, qui lui a valu un carton jaune, N.D.L.R.) a été préjudiciable pour l’issue. C’est le seul match pour lequel je me sens l’unique responsable de la défaite. Pour le capitaine que j’étais, ça a été dur à digérer. Et c’est encore douloureux.

Votre début de saison réussi change-t-il votre manière d’aborder la Coupe d’Europe ?

L’ambition a toujours été là. On est le Stade toulousain quand même. Il faut se donner la peine pour, selon la formule consacrée, aller le plus loin possible. Le club le fait depuis vingt ans et on reste dans la tradition. Je suis satisfait de l’état d’esprit sur ce début de saison, notamment celui d’entreprise qu’on a essayé d’impulser avec Ugo (Mola). Sur ce point, on a réussi. Le départ de Guy Novès n’a pas été facile à gérer, pour le club ou les joueurs. Sur le jeu, je ne sais pas si ça durera mais on fera tout pour… Les joueurs prennent du plaisir, les spectateurs et nous aussi. Le rugby est fait pour donner des émotions.

Vous aurez l’occasion d’en donner avec les Saracens ce samedi, le plus gros morceau d’entrée…

Un bon test (sourires). Surtout avec la confiance qu’on a pu acquérir et nos certitudes sur le jeu. J’espère qu’on sera une équipe adaptative par rapport à ce qu’ils vont nous proposer. Je crois qu’on n’est pas trop lisibles jusqu’à présent. Eux le sont un peu plus. À nous de demeurer mystérieux et de les contrer.

À titre personnel, après quelques mois, avez-vous trouvé votre place ?

Mon rôle me convient car il est transversal sur toutes les équipes. J’ai un regard particulier sur celle professionnelle mais je m’intéresse aussi aux Espoirs, aux Crabos et à l’école de rugby. Ce week-end, je ne vais pas à Londres justement pour voir les jeunes samedis. Mon événement, en tant que directeur sportif, ce sera autant le matin avec l’école de rugby que l’après-midi avec l’équipe pro. Mercredi dernier, j’étais à l’entraînement avec les gamins. J’ai également un rôle auprès du partenariat et je peux m’occuper du recrutement pour la saison prochaine. Cela me permet d’intervenir dans tous les rouages du club. Mais il a fallu aller vite car l’annonce du départ de Guy a été tardive. Notre arrivée a été bousculée et on devait parer au plus pressé sur l’organisation, la fin du recrutement dont celui d’un joker médical sur Yoann Huget…

Sur le recrutement, le Stade est-il encore attractif ?

Je le pense : on reste un club ambitieux. Nous n’avons pas le recrutement tapageur, même si ce n’est pas péjoratif, des autres grands clubs. On ne va pas chercher Ma’a Nonu ou Dan Carter mais je crois qu’on demeure attractif par nos titres. L’idée est d’aller chercher d’autres trophées après trois ans sans titre. Il faudrait que ça arrive assez vite.

Carter ou Nonu ne vous auraient pas intéressé ?

Franchement ? Un, peut-être. L’autre, je ne suis pas sûr. Car on veut faire des choses qui ont du sens pour nous. Prendre un joueur pour l’image, ce n’est pas notre philosophie. Que certains le fassent, aucun souci. On peut aller chercher un joueur de ce calibre mais à condition qu’on en ait besoin.

Votre rôle auprès de la formation fédérale et des moins de 20 ans vous manque-t-il ?

Non car je suis au contact du terrain et garde ma responsabilité au niveau de la filière en tant qu’élu, même si je n’ai plus de rôle effectif auprès des moins de 20 ans. L’avantage d’être dans un club est que, quand on a une idée, on peut l’enclencher de suite. À la Fédération, on s’adresse à la masse et lorsqu’on veut bouger les lignes sur les pôles comme on l’a fait, cela demande beaucoup d’énergie et d’argent. Si on veut ajouter une personne par pôle, il en faut dix à trouver, engager et former. Dans un club, si tu as besoin d’une personne, tu fais quelques entretiens d’embauche, et feu. L’accès est plus direct.

Quel est votre avis sur l’échec français au Mondial ?

On s’est beaucoup emballé derrière. Il y a deux choses. Ce n’est pas une honte de perdre en quart face aux Blacks, qui constituent certainement la meilleure équipe de tous les temps. Mais c’est l’ampleur du score et le manque d’émotions qu’a pu dégager notre équipe de France qui pèse. Quelque chose n’a pas marché durant la compétition, et même avant. Mais quand on n’est pas à l’intérieur du groupe, on ne connaît pas les vraies raisons. C’est le plus frustrant car on voudrait que notre équipe de France représente le rugby français, enthousiaste et passionné. On n’a jamais ressenti cette passion.

Le jeu qui a gagné au Mondial fut séduisant et offensif. N’étions-nous pas à contre-courant ?

Certainement. C’est un parti pris ou ce sont les joueurs qui ne se sont pas adaptés au discours. Je n’en sais rien. On a l’impression que tout le monde est responsable. Le staff, la formation, le Top 14 et même le cantinier de Marcoussis… Chacun en a pris pour son grade. Il faut mettre un peu de raison là-dedans. J’ai entendu des solutions aussi farfelues les unes que les autres. Il y a une commission qui va se réunir et j’espère qu’elle va apporter des réponses pour que tout le monde travaille ensemble.

Vous faites référence aux intérêts divergents entre Fédération et Ligue. Pensez-vous que la solution réside dans le fait de trouver une communion de travail entre les différents représentants du rugby français ?

J’en suis persuadé. On est dans la méfiance les uns par rapport aux autres. Mais je suis certain que le rugby français doit se construire avec tout le monde. Sinon, on n’y arrivera pas. Et que la solution viendra des objectifs communs que l’on va mettre en place. Pas de la négociation des objectifs individuels.

Sentiez-vous cet échec venir ?

Le problème du rugby français est qu’il est capable de réaliser des exploits. Sauf que le niveau de l’équipe de France est entre la troisième et la septième place mondiale, selon les générations. On n’a jamais été la meilleure nation de la planète. L’objectif, c’est pourtant ça. Ce n’est pas de gagner une seule Coupe du monde. Il faut se trouver régulièrement parmi les deux meilleures nations pour prétendre à la remporter tout le temps, comme les Blacks ou les Boks. Nous, face à l’histoire, on se contente de réunir les conditions de l’exploit plutôt que de se présenter à une édition en tant que favori.

On entend beaucoup de critiques sur la formation et sur le travail de nos jeunes à Marcoussis…

On est dans l’opposition dont je parlais et pas dans la construction dont on a besoin. Le travail des clubs et celui de la filière de haut niveau sont complémentaires. La filière travaille sur l’amélioration de l’individu et les clubs donnent accès à une compétition domestique. Telle qu’elle est construite, la filière n’est pas inintéressante. De 15 à 18 ans, les meilleurs joueurs de chaque région sont réunis pour se développer. En moins de 19 ans, ils sont trois semaines par mois à Marcoussis, en étant libérés le week-end, puis une semaine en club. Et en moins de 20 ans, c’est le contraire pour que ces joueurs puissent s’affirmer dans les clubs et avoir accès à l’équipe professionnelle. À 20 ans, ils sont au club. Mais ils ne sont souvent pas tout à fait prêts pour disputer le Top 14.

Que faire de ces jeunes alors ?

Il faut que les meilleurs gagnent leur place.

Et les autres ?

Mais c’est quoi le but ? D’avoir 100 % de Français qui jouent dans le championnat ? Non, le but est de construire ensemble, entre la filière et les clubs, des choses cohérentes pour qu’il y ait une place réservée pour ces jeunes et en même temps être performant en allant recruter. Les Nonu ou Carter amènent de la notoriété et un certain savoir-faire. Il ne faut pas se braquer dessus. On peut y arriver avec les règles en place, en durcissant certaines et en réajustant d’autres.

Par quelle voie pour protéger l’équipe nationale ?

L’an prochain, quatorze Jiff figureront par feuille de match. Voilà une solution, même s’il faut que les règles soient un peu plus incitatives. L’équilibre est trouvé mais encore trop saupoudré.

Vous avez côtoyé ces jeunes générations. Ont-elles les moyens de nous sortir du marasme sportif ?

Tous les ans de bons joueurs sortent et joueront de plus en plus s’ils ont l’occasion de se montrer. Pour l’instant, on a eu des générations avec quelques bons éléments. Sur celle qui arrive en moins de 20 ans, il y en aura un plus grand nombre. Mais sur les quatre ans durant lesquels je suis resté, il y a au moins un international en puissance par poste. Donc une équipe de France potentielle pour dans cinq ou six ans.

Vous gardez ainsi espoir ?

Bien sûr. Qu’est-ce qui nous différencie des autres ? Les Blacks ont une meilleure formation que nous, ils l’ont toujours eu. Si on arrive à mettre deux heures de rugby par jour dans toutes les écoles de France, je pense qu’on va améliorer la formation. Mais c’est un peu utopique… Or, tu ne peux intervenir que là où tu as la main. Ce n’est pas le cas à l’école. Des classes de rugby ont été favorisées par la FFR, puis à partir de 14 ans, on a les pôles où, chaque après-midi, les gamins font du rugby. Qu’il y ait des choses à améliorer, je veux bien l’entendre. Mais pour moi, la filière est assez cohérente. On veut former de bons joueurs de rugby mais aussi des hommes. Sur les 200 qui entrent dans les pôles espoirs, 30 % vont devenir pros. On ne va pas sacrifier les autres 70 %. On doit leur donner une formation scolaire. Je n’ai entendu personne le dire après le Mondial… C’est la faute de la formation ? Peut-être mais on ne va pas casser huit douzaines d’œufs pour en sortir une. L’actuel format de la formation est accessible à tous et assez élitiste pour être efficace. Qu’on ne me dise pas qu’on ne sort pas de bons joueurs.

Vous connaissez bien Guy Novès. Par son caractère et son CV, peut-il parvenir à faire évoluer notre rugby ?

Par son CV, non. Mais par son caractère, oui : il est fédérateur. Mobiliser son équipe autour d’objectifs, c’est sa vie. Il saura le faire. Les questions de compétences, personne ne se les pose. Pour en avoir succinctement discuté avec lui et après avoir lu ce qu’il dit dans Midi Olympique, il a envie de donner un souffle nouveau. Comme on l’a fait à Toulouse avec Ugo. Parfois, un simple changement, c’est bien. Cela mobilise des énergies qui étaient là mais qui ne s’exprimaient plus. Et je suis persuadé que celui-là va avoir des effets bénéfiques.

Avec en toile de fond la campagne pour la présidence de la FFR. L’affrontement qui devrait avoir lieu entre Bernard Laporte et l’équipe dirigeante actuelle est-il une bonne chose ?

Pour l’instant, il n’y a pas d’affrontement vu qu’il n’y a qu’un candidat. Il y a des arguments avancés par un camp et, à l’heure actuelle, il n’y a personne en face.

Ce camp doit-il donc se mobiliser rapidement ?

Je n’en sais rien.

Par votre statut d’ancien capitaine du XV de France et votre parcours à la Fédération, vous êtes-vous posé la question d’un engagement dans la campagne ?

Pas du tout. Je ne suis pas dans la démarche politique du rugby. J’ai eu l’opportunité de travailler pour la formation fédérale et me suis régalé. Là, je peux bosser pour mon club avec des idées fortes. J’avais envie de connaître ça. L’aspect politique des choses, j’avoue m’en tenir plus éloigné pour l’instant.

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