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Le cœur du banc

Par Emmanuel Massicard
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Publié le Mis à jour
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Longtemps mené au score, le XV de France a fait basculer la rencontre à dix minutes du coup de sifflet final. Porté par son banc et transformé par ses réservistes. Tout sauf un hasard.

La voie qui mène au succès ne se déroule pas toujours à sens unique, aussi rectiligne qu’une autoroute menant à la conquête de l’ouest américain. Les Bleus l’ont prouvé samedi, face à l’Irlande, quand la mêlée française, sur le gril une semaine plutôt, a fait imploser, en deuxième période, les plus solides certitudes des Verts de Joe Schmidt. Une, deux, trois mêlées fermées pour une rédemption collective et, finalement, une légende enrichie. « No scrum, no win » (*) ! Oui, oui, on sait : le rugby commence toujours devant. Et les « gros » déménagent les pianos… Les clichés, parfois d’une banalité confondante, ont la peau dure. Comme s’il était nécessaire d’en rajouter, c’est après cette fameuse série de mêlées que Machenaud récupérait le ballon échappé entre Goujon et Lauret, avant de s’enfuir vers l’espace libre et de servir Médard qui terminait en marqueur.

Une semaine après avoir beaucoup attaqué, tombant parfois dans le confus et manquant d’alternance, les hommes de Guirado ont gagné grâce à un essai de trois-quarts mais c’est le pack qui a tenu la barre en relevant le défi irlandais dans le combat d’avants, les duels et la guerre des rucks. Face à l’Italie, les Bleus avaient souffert dans ces secteurs et en mêlée fermée, même si les trois ultimes rendez-vous entre packs n’avaient déjà pas été en notre défaveur. Ce n’est sans doute pas un hasard.

Le banc a fait son ouvrage. Coaching gagnant. Contrairement à Saint-André qui s’est longtemps englué dans la gestion des hommes et des stocks, le nouveau sélectionneur et ses adjoints (Bru et Dubois) ont visé juste, d’entrée. À double titre. Novès ne parle jamais des remplaçants à propos de ses soldats du second temps qu’il présente comme « les joueurs qui sont susceptibles de rentrer ». Une nuance lourde de sens.

Inverser le cours de l’histoire

Ceux qui n’avaient vu la patte du manager dans la titularisation de Poirot et Atonio pour « piquer » l’orgueil de Slimani et Ben Arous sont tombés dans le panneau. Certes, la concurrence a fait son œuvre, réveillant les consciences et mobilisant l’ensemble des titulaires priés de ne pas compter leurs efforts sous peine de quitter la lumière. C’est sans compter le choix de « muscler » les débats au cours du deuxième acte quand les Irlandais, eux privés d’un banc suffisamment solide, lèveraient le pied. « Disons que nous imaginions pouvoir écrire le scénario de la rencontre selon cet ordonnancement-là », avouait Yannick Bru samedi soir, heureux de voir les Bleus accumuler de la confiance. « Nous pensions qu’il y avait quelque chose à faire en fin de partie, en apportant de la puissance quand les Irlandais, qui avaient joué le dimanche précédant, allaient commencer à sentir la fatigue arriver. » Les blessures prématurées de Sean O’Brien, Dave Kearney et Mike McCarthy ont précipité le mouvement. Rabah Slimani, Eddy Ben Arous, Paul Jedrasiak, Loann Goujon et Maxime Machenaud ont terminé l’ouvrage, apportant leur puissance autour de l’heure de jeu. Le deuxième ligne clermontois, ménagé après avoir beaucoup donné physiquement et émotionnellement face à l’Italie, a contribué à remettre les Bleus dans l’axe : touchant beaucoup de ballons, jouant debout et avançant au contact en mode « gros porteur ». Le demi de mêlée du Racing, lui, s’est attaché à poursuivre l’avancée, avec dynamisme et précision, appliquant la stratégie décelée depuis le banc selon les vœux du staff : revenir à la « source » en renversant le jeu. En une demi-heure, le XV de France a inversé toutes les données statistiques, en termes d’occupation du terrain et de possession du ballon.

Slimani et le mode d’emploi du remplaçant

Un rôle et des missions précises, taillées sur mesure selon les profils de chacun et les conditions de leurs entrées en jeu. Pour tous, figure une exigence : comprendre la situation, capter les consignes et tout donner, sans retenue. « Eddy et moi connaissons le vice des piliers irlandais et savions qu’il fallait les maintenir dans l’axe au maximum, éviter qu’ils partent sur le côté… Nous avions aussi vu le déroulé du match en essayant de bien l’analyser pour gagner en efficacité. Il faut rester « froid », concentré. Les données étaient claires et, à la mi-temps, le staff m’a simplement demandé de jouer comme je sais le faire ; il n’était pas question d’autre chose. Je savais que je n’avais pas le droit d’être moyen », détaille Rabah Slimani qui sait combien l’entrée en jeu est délicate. « On y est habitué, je ne peux pas dire le contraire. Chacun sait à quoi s’attendre. Pourtant, c’est un exercice particulier. Il n’y a aucun round d’observation contrairement au début de match où tu peux parfois prendre dix à quinze minutes pour entrer totalement dans la rencontre. Samedi, nous n’avions pas de temps à perdre et la moindre erreur pouvait nous coûter cher. »

Le sentiment de pression et d’urgence s’est intensifié à l’approche du « money time », porté à son paroxysme sur la série de mêlées jouées sous les poteaux irlandais. Slimani avoue alors : « On voulait ouvrir leur mêlée et nous avons tout donné. » Guirado, capitaine placé au cœur de l’action, a offert à ses réservistes l’occasion de renverser le cours de la rencontre comme il semblait écrit depuis quelque temps déjà. C’est l’histoire d’un pack et la saga d’un banc décisif. La course de relais que prophétisait Guy Novès, pendant la semaine à Marcoussis…

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