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Sexton : « gagner à Paris n’est jamais facile »

Par Marc Duzan
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    Sexton : « gagner à Paris n’est jamais facile »
Publié le Mis à jour
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Ces derniers temps, l’état de santé de Jonathan Sexton a déchiré l’Irlande. Récemment, Brian O’Driscoll lui-même a demandé au numéro 10 irlandais de changer de technique de plaquage. Alors, Sexton met-il sa vie en danger ? Les commotions cérébrales doivent-ils mettre un terme à sa carrière ? Dimanche matin, le meilleur numéro 10 d’Europe a tenu à nous répondre.

Comment avez-vous vécu ce match ?

C’était terrible. Les conditions climatiques étaient catastrophiques. Comment voulez-vous faire du jeu sous des averses pareilles ? Même dans le Connemara en automne, il ne pleut pas autant ! (rires) Vous savez, gagner à Paris n’est jamais facile. Nous n’y sommes même parvenus que deux fois dans toute l’histoire du Tournoi des 6 Nations (2000 et 2014, N.D.L.R.). Alors sous des trombes d’eau pareilles…

La mêlée a-t-elle joué un rôle important dans le résultat de ce match ?

Oui. Elle en fut même un facteur décisif. Au départ, nous avons bien résisté dans ce secteur de jeu. Nous avons même mis les Français à la faute, ce qui est plutôt rare. Mais la succession de mêlées en fin de match nous a coûté cher. Nos avants avaient jusque-là été héroïques ; ils avaient fourni des efforts incroyables pendant plus d’une heure. Cet effort était peut-être celui de trop…

Qu’avez-vous pensé de l’équipe de France ?

Elle est bien meilleure que lors de la dernière Coupe du monde. En quelques mois, l’état d’esprit de cette équipe a carrément changé. Elle est plus fraîche, plus vive, plus combative. Il y a un état d’esprit et sur le terrain, ça se sent. Il y a du talent, aussi. Virimi Vakatawa, Jonathan Danty ou Teddy Thomas en sont pétris. Ces mecs-là sont là pour quatre ans. Au moins.

Avez-vous ciblé Thomas et Vakatawa sur des chandelles ?

Mais non… (rires) Honnêtement, nous avions prévu de garder le ballon, d’enchaîner les temps de jeu jusqu’à qu’une porte s’ouvre. Mais ce ballon était une savonnette. Avec Conor (Murray), nous avons donc décidé de changer de stratégie. […] C’est du rugby international. Tu ne peux pas demander à tes avants d’enchaîner les temps pendant une heure et demie dans des conditions pareilles. Ça les tue.

Vous avez joué face à Jules Plisson et François Trinh-Duc. Lequel des deux est-il le meilleur ouvreur ?

J’admire François Trinh-Duc. Je l’ai toujours dit. Mais Plisson m’a beaucoup impressionné la saison dernière. Quand tu laisses Morne Steyn sur le banc de touche, tu possèdes d’indéniables qualités…

Qu’avez-vous pensé de l’entrée en jeu de Maxime Machenaud ?

En portant le ballon autour des rucks, il a concentré les défenseurs et changé le cours du match. […] Franchement, les Français ont tellement de richesses à ce poste… Si Max se blesse, Bezy, Parra, Doussain ou même le jeune Bordelais (Serin), que je trouve excellent, peuvent le remplacer. C’est unique au monde.

Vous avez joué deux ans en France. Pensez-vous que le Top 14 prépare bien au rugby international ?

Difficile à dire… Pour en avoir parlé avec les Bleus, beaucoup d’entre eux s’apprêtent à jouer avec leurs clubs, ce week-end. Moi, je vais profiter de ces deux semaines pour soigner ma blessure, me reposer, profiter de ma famille, étudier les Anglais à la vidéo… Les clubs et la Fédération française devraient trouver un accord. Ça urge. Mais ce n’est pas mon business…

Pensez-vous que Yoann Maestri vous ait ciblé, sur le plaquage à retardement dont vous avez été victime en début de rencontre ?

Je ne sais pas… Je n’ai pas encore revu les images… Yoann est un bon mec, qui parle couramment anglais. On a longuement échangé au banquet d’après-match. Ce qui se passe sur le terrain, reste sur le terrain. Fin de l’histoire.

Vous avez quitté la pelouse du Stade de France dix minutes avant le coup de sifflet final. Pourquoi ?

Mon cou est bloqué. Je souffre en fait de la même blessure que celle m’ayant poussé à quitter l’Aviva, dimanche dernier contre Galles (16-16). C’est la faute de Max Machenaud ! (rires)

Pourquoi ?

En essayant de le plaquer, ma tête s’est retrouvée coincée. Je passerai un scanner ce lundi. J’espère que ça ira.

Que vous a dit Virimi Vakatawa, quand vous avez quitté le terrain ?

« Viri » est un bon pote. Nous nous sommes côtoyés quelque temps au Racing. J’ai toujours su qu’il deviendrait un très grand joueur. Vakatawa a des appuis extraordinaires. Je trouve dommage que le Racing ne l’ait pas gardé. Alors, quand j’ai quitté la pelouse, il m’a juste dit : « Bon match et prends soin de toi, mon ami. On se parle plus tard. »

Mathieu Bastareaud, votre grand rival, vous a-t-il manqué au Stade de France ?

Pas vraiment, non. La dernière fois que j’ai croisé sa route, ça m’avait coûté cher. Mathieu est le mec le plus difficile à plaquer au monde. J’en ai d’ailleurs beaucoup rigolé avec lui, après le dernier match de Champions Cup. En fait, Bastareaud est un joueur dur, mais pas violent. Il ne calcule pas ; il n’avait pas fait exprès de me mettre K.-O. Et puis, Danty aurait pu me faire tout autant de mal samedi ! Ce n’est pas un cadeau non plus !

Vous avez souffert de nombreuses commotions cérébrales dans votre carrière. N’avez-vous pas peur pour votre santé ?

Je vais vous dire, les médias irlandais en ont fait des tonnes et se sont trompés, sur mon cas. Contre les Wasps, il y a trois semaines, je suis sorti du terrain par précaution. J’avais un coup sur la tête mais je n’avais pas de symptômes de commotion cérébrale. Et le week-end dernier, face aux Gallois, c’était le cou, pas la tête. On ne peut pas dire n’importe quoi, ce n’est pas juste ! On ne peut pas décider à ma place si je dois arrêter ma carrière ou pas !

Vous semblez agacé

Oui. Je suis professionnel depuis dix ans. Je n’ai eu que deux commotions cérébrales depuis mes débuts. La vérité est là. J’aime le rugby. C’est mon plaisir, ma passion, mon bonheur. Je ne changerais de métier pour rien au monde.

Vous avez néanmoins deux enfants. N’est-ce pas inquiétant ?

On pense toujours à la blessure. Le rugby est le plus brutal de tous les sports de contact. Il y a toujours des risques. Mais les gens voulant que je mette un terme à ma carrière sont-ils plus éclairés sur le sujet que ne le sont mes médecins ? Connaissent-ils mon corps mieux que je ne le connais, moi ?

Quand on voit votre deuxième ligne Mike McCarthy allongé sur la pelouse, n’est-on pas en droit de penser que le rugby moderne est trop risqué ?

Mike est un homme de caractère. Il s’est blessé en heurtant un de ses coéquipiers. Il y a dix ans, il se serait relevé et aurait continué le match. Là, il va passer des tests, être entouré de très bons médecins et sera probablement apte dans trois semaines. Vous savez, je ne pense pas qu’il y ait plus de commotions cérébrales que jadis. C’est juste que les gens y attachent plus d’importance. Le protocole, qui est une bonne chose pour la santé des joueurs, met le doigt sur des choses que l’on ne voyait pas avant mais qui existaient bel et bien.

Pour vous protéger, Brian O’Driscoll vous a récemment demandé de plaquer moins haut. Allez-vous l’écouter ?

J’ai joué des années avec Brian. Il plaquait lui aussi très haut… Je peux vous montrer des vidéos où vous me verrez plaquer aux chevilles. C’est un faux débat. Je suis plutôt grand, pour un demi d’ouverture (1,88 m). Pour moi, il serait plus risqué de plaquer bas et prendre un genou en pleine face. Ce genre de débat, c’est du buzz pour le buzz. À mes débuts, on disait que je butais mal. Six mois plus tard, j’étais le meilleur buteur du monde. Puis on a dit que je ne plaquais pas, avant d’affirmer que je plaquais trop… Ainsi va le sport et les commentaires qui l’accompagnent. C’est le jeu.

Avez-vous suivi le début de saison du Racing ?

Oui. Les recrues néo-zélandaises, que ce soit Masoe, Rokocoko ou Carter, ont donné à cette équipe une dimension nouvelle. J’ai aussi l’impression que le projet de jeu a évolué. C’est plus ouvert, plus dynamique, plus spectaculaire.

Avez-vous gardé des amis, dans les Hauts-de-Seine ?

Beaucoup, oui. En revanche, j’ai été déçu du comportement de certains membres du club à mon égard ; ils ont parlé en mal de moi dans la presse. Je ne comprends pas ce genre d’agissements. Personnellement, je n’ai jamais parlé des méthodes d’entraînement du Racing dans les journaux… (il coupe) Une équipe gagne et perd ensemble. Rien ne doit jamais briser son équilibre. J’ai été déçu. Terriblement déçu. On m’a fait passer pour quelqu’un que je n’étais pas (un de ses coéquipiers l’avait comparé à Zlatan Ibrahimovic). Je n’ai jamais triché avec le Racing . Et par respect pour ce club que j’aime, je fermerai toujours ma gueule.

Vous êtes hors-jeu !

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