Abonnés

Urios : «Je ne me tromperai pas de vestiaire»

Par Simon Valzer
  • Urios : «Je ne me tromperai pas de vestiaire»
    Urios : «Je ne me tromperai pas de vestiaire»
Publié le
Partager :

Samedi soir, le technicien castrais retrouvera Oyonnax, club où il s’est « construit » pendant huit ans et qui quittera le Top 14 à l’issue de la saison. un moment fort, qui risque de raviver bien des souvenirs… entretien à cœur ouvert.

Avez-vous encouragé Montpellier samedi soir ?

Bien sûr, et je n’étais pas seul. Dans le vestiaire, chacun chantait « Ici, ici, c’est Montpellier ! » Donc merci Jake ! (rires).

Avec le recul, que veulent dire ces soixante-sept points inscrits face à La Rochelle ?

Ils reflètent l’esprit du groupe. Celui de ceux qui ont attaqué et de ceux qui sont entrés en jeu. Cela reflète aussi notre collectif, car nous avons pu voir de nombreux enchaînements. Mais la performance est à relativiser au regard des absences à La Rochelle. J’ai apprécié que l’équipe ne soit pas tombée dans un «hourra rugby». Elle est restée sérieuse jusqu’à la fin. J’ai trouvé le groupe affamé. Cela n’a pas toujours été le cas. En début de saison, nous étions un peu faciles, pas très exigeants avec nous-mêmes. Aujourd’hui, nous avons changé. Le groupe a envie de gagner des choses. L’émulation entre les joueurs est forte, et accrocher une place de remplaçant tient de l’exploit.

Comment voyez-vous cette fin de saison ?

Maintenant, nous avons les cartes en main. Nous ne les avons pas toujours eues, mais c’est enfin le cas. Nous possédons un point d’avance sur l’UBB, et en cas d’égalité de points, le goal-average nous est favorable. Il nous restait trois finales, nous en avons gagné une. Après, il y a ce match à Oyonnax, qui sera particulier…

Appréhendez-vous votre retour là-bas ?

(Il souffle) Forcément. Mais en même temps, je suis content d’y retourner. Après, il y aura un mélange d’émotions fortes. C’est normal, après tout ce que nous avons vécu là-bas… C’était tellement incroyable, je ne vivrai peut-être plus jamais de moments pareils. ça, je ne peux pas l’oublier. Je suis d’autant plus fier que je retourne à « Oyo » en étant à la tête d’une équipe castraise en course pour la qualification.

Craignez-vous des réactions de supporters ?

Je n’espère pas… On ne peut quand même pas me tenir responsable de ce qui est arrivé cette année, pour la simple et bonne raison que, l’année dernière, je m’étais engagé avec Castres très tôt, afin de laisser le temps au club de s’organiser. À l’époque, j’avais pris un risque énorme. J’ai fait exactement ce que j’avais dit : tenir l’équipe jusqu’au bout, ne prendre que trois joueurs alors que j’aurais pu en prendre d’autres et j’ai été très clair avec mon staff. Alors bien sûr, on peut faire des raccourcis entre ces départs et la situation d’Oyo. Mais ce serait se cacher la vérité. Et puis de toute façon, je n’empêcherai pas la connerie des gens.Si certains veulent m’insulter… Moi, cela me renforcera. Mais je suis très heureux de retrouver Oyonnax et Mathon. Je peux vous dire que je ne me tromperai pas de vestiaire, parce que nous avons un objectif précis. Je serai prêt.

Vous avez passé huit ans à l’USO.Comment avez-vous vécu la lente descente aux enfers du club ?

Avec beaucoup de tristesse et de l’incompréhension. À notre départ, le club avait un beau projet sportif qui n’était pas terminé, et venait de passer tout près d’une demi-finale de Top 14. Franchement, je ne pensais pas que cela pouvait arriver. Je ne sais pas comment ils en sont arrivés là. Mais il ne faut pas imputer la faute à une seule personne, plutôt à un enchaînement d’erreurs, même si je suis mal placé pour parler. C’est triste. Sur le plan sportif, le projet était huilé. Humainement, les liens étaient forts. Très forts. D’ailleurs, nous avons tous eu du mal à redémarrer avec nos nouveaux clubs, joueurs comme entraîneurs. Ici, Antoine Tichit ou Benjamin Urdapilleta ont eu des difficultés à repartir. Avec le temps, cela s’est effacé mais le début fut très difficile. Ce qui symbolise un peu tout ça, c’est le dérapage de Silvère (Tian, N.D.L.R.). À mon sens, il montre que les joueurs n’étaient plus eux-mêmes.

Avez-vous été surpris par cette réaction de Silvère Tian ?

Oui et non… Silvère est impulsif, mais de là à atteindre cet extrême… Je suis aussi surpris que personne n’ait pu le maîtriser. Tout comme je suis surpris de cette sanction qui, à mon sens, ne sert à rien parce qu’elle ne tient compte de rien.

La trouvez-vous insuffisante ?

Au contraire, je la trouve très dure ! On brise la carrière d’un joueur, mais pourquoi ? Certes, il faut être très dur sur le comportement des joueurs car les arbitres sont de moins en moins respectés. D’ailleurs, on voit de plus en plus de joueurs qui contestent les décisions, qui parlent à l’arbitre… Et je ne parle même pas des simulations, qui sont de plus en plus fréquentes. Pour en revenir à Silvère, j’aurais préféré qu’on lui réduise sa peine de moitié, et qu’on l’envoie dans les écoles de rugby, ou qu’il devienne arbitre pour qu’il prenne conscience de la solitude inhérente à ce poste. Au moins, cela lui aurait servi. Là, cela ne sert à rien.Il est puni, point.

Ces comportements vous inquiètent-ils ?

Oui, au plus haut point. Je pense que l’on devient de plus en plus individuels. Les joueurs doivent défendre leur image, et cela génère des comportements qui sont contraires au rugby. De la même façon que certaines équipes ne jouent pas la mêlée, ou refusent de défendre le maul… Ce sont pourtant l’essence même de notre sport.

Quelle fut votre réaction en découvrant ce déplacement à Oyonnax pour l’avant-dernière journée ?

Le calendrier ne pouvait pas être pire. Ma première réaction a été d’espérer que ce match ne soit pas capital pour le maintien. Bien sûr, Oyo ne va pas nous donner le match, mais le mal est déjà fait. Je n’ose même pas imaginer si le match avait compté pour une qualification ou, pire, un maintien… Déjà l’année dernière, quand Castres est venu à Mathon pour assurer son maintien, on avait dit que j’étais capable de faire perdre l’équipe… Benji Urdapilleta s’était blessé à la mise en place, on m’avait soupçonné de ne pas l’aligner exprès… Bref. De toute façon, je ne me laisserai pas déborder par mes sentiments, même si cela risque d’être un moment très fort pour moi. Je me suis construit à Oyo, je ne l’oublierai jamais. Mais aujourd’hui je suis Castrais et je ferai tout pour mener ma mission à bien.

Quels étaient vos axes de recrutement en vue de la saison prochaine ?

Il fallait oxygéner un groupe qui n’avait que peu évolué ces dernières années. Nous l’avons donc fait en recrutant des joueurs de très haut niveau, mais aussi des jeunes pour rajeunir l’effectif. On trouve aussi des revanchards, car je crois au recrutement des mecs de la rue, qui ont connu la difficulté. Ce sont souvent eux qui font le ciment d’un groupe. Je crois beaucoup à cela, parce que c’est aussi ainsi que je me suis construit personnellement.

Vous recrutez également des joueurs de Pro D2, ou d’autres qui ne sont pas titulaires en Top 14. Ne craignez-vous pas de perdre en qualité ?

Nous perdrons des joueurs importants dans chacune de nos lignes, voire des joueurs de classe mondiale comme Richie Gray. Mais, in fine, l’ensemble des joueurs de chaque ligne sera supérieur à celui de cette année. Nos première, deuxième et troisième ligne seront meilleures l’année prochaine. Je perds Richie Gray, mais je le remplace par Loïc Jacquet et Steve Mafi. Victor Moreaux va continuer à progresser, tout comme Christophe Samson et le potentiel de la seconde ligne sera supérieur dans son ensemble. C’est le principe de la star équipe. Je crois davantage à l’homogénéité et à la cohésion plutôt qu’aux gros coups sur le marché des transferts. Nous chercherons encore un à deux joueurs si nous jouons la Champions Cup.

Quid du recrutement de trois préparateurs physiques ?

Les actuels partent de leur propre chef parce que nous ne sommes pas en osmose sur le fonctionnement, et c’est mieux ainsi car un staff doit fonctionner ensemble. Ma première priorité, c’était de trouver des personnes différentes de moi, qui auraient un nouveau point de vue. Ma seconde était de trouver des gens qui avaient l’expérience du haut niveau, qui ont gagné des titres car je n’en ai jamais gagné en Top 14. Vincent Giacobbi a passé dix ans en Afrique du Sud, et quatre ans aux Saracens qui sont à la pointe de la prépa physique. Greg Marquet vient du Stade toulousain, une grande structure avec laquelle il a gagné des titres, et enfin Julien Rebeyrol de Carcassonne qui va apporter son envie auprès de nos jeunes car je veux que la formation passe un cap.

En début de saison, beaucoup pensaient que votre travail serait facilité par l’échec de la saison dernière, ainsi que le fort vécu du groupe. Qu’en pensez-vous ?

Je ne suis pas d’accord. Car le groupe n’était pas si meurtri que ça. Ce maintien a été tellement improbable que les joueurs se sont dit que s’ils se mobilisaient à temps, ils s’en sortiraient. Et puis nous arrivions d’Oyonnax, qui n’était pas considéré comme un grand club… Donc il a fallu faire adhérer tout le monde à ce projet, le tout avec une méthode et un cadre très différents. Certains joueurs étaient contents de nous voir venir, d’autres moins. Ce fut le plus dur : parvenir à se comprendre.

Est-ce que le CO a le visage que vous vouliez lui donner ?

Oui. Aujourd’hui, nous sommes au cœur de ce que nous voulions faire. Au-delà d’être dans la course à la qualification, sportivement, nous y sommes : je voulais une équipe qui n’abandonne jamais, qui défend fort et qui est solidaire. Il y a aussi nos jeunes, comme Babillot, Moreaux, Vialelle, Béziat qui sont de bons joueurs, ou les 1996 sur qui nous nous appuierons bientôt. Et puis nous ne sommes que sur la première année du projet.

Quels sont vos modèles d’équipes ?

J’aime beaucoup Exeter, qui nous ressemble beaucoup. Cette équipe est partie de la deuxième division et a monté les échelons à force de travail et sans star. Aujourd’hui, elle est en finale de Premiership. Nous sommes pareils : ce n’est pas parce que nous n’avons pas autant de moyens que d’autres que nous n’avons pas autant d’ambitions. Je veux être champion de France moi ! En foot, je suis fasciné par l’Athletico de Madrid, qui travaille en collectif et qui ne lâche pas.

Quels managers vous influencent ?

Tous ceux qui réussissent, dans l’entreprise ou les autres sports. Je lis beaucoup, je suis très curieux. L’épopée des Verts me fascine. J’ai aussi appris que Claudio Ranieri avait utilisé des statistiques pour recruter. Ils avaient besoin d’un récupérateur, ils ont donc pris N’Golo Kante qui disposait des meilleures statistiques dans ce secteur. Cette approche m’interpelle, même si je sais que les chiffres ne font pas tout, et que l’aspect humain et primordial.

Vous êtes hors-jeu !

Cet article est réservé aux abonnés.

Profitez de notre offre pour lire la suite.

Abonnement SANS ENGAGEMENT à partir de

0,99€ le premier mois

Je m'abonne
Voir les commentaires
Réagir
Vous avez droit à 3 commentaires par jour. Pour contribuer en illimité, abonnez vous. S'abonner

Souhaitez-vous recevoir une notification lors de la réponse d’un(e) internaute à votre commentaire ?