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Novès : « Le vrai risque, c'est de ne pas faire de passes »

Par Léo Faure
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    Novès : « Le vrai risque, c'est de ne pas faire de passes »
Publié le Mis à jour
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Arrivé mardi soir en Argentine, Guy Novès a livré ses premières attentes de cette tournée mercredi matin, à l'hôtel Hilton où logent les Bleus. S'il ne veut pas s'éterniser sur le contexte particulier et les absences, en raison des demi-finales du Top 14, le sélectionneur prévient tout de même que la manière vaudra plus cher, à ses yeux, que le résultat sec.

Quel discours tenez-vous à vos joueurs, au début de cette Tournée au contexte très particulier ?

Je ne sais pas si la Tournée est particulière. On peut la ressentir ainsi parce qu'elle vient après une Coupe du monde, donc avec des délais particuliers. Moi, cette Tournée, c'est d'une part la première que je vis avec mon staff. D'autre part, quels que soient les individus qui constituent notre groupe, nous sommes là pour défendre les valeurs françaises dans un pays ami, momentanément ennemi sur le terrain. Nous préparons l'équipe à affronter l'Argentine dans des conditions particulières. C'est vrai. Mais le moment est agréable à vivre pour un joueur de rugby. Nous allons essayer d'en tirer des enseignements constructifs, tout en tenant compte des conditions. J'espère que cela nous lancera dans notre quête d'un rugby toujours meilleur.

 

Personnellement, comment vivez-vous cette première Tournée ?

J'arrive juste… En quittant le groupe deux ou trois jours, Yannick et Jeff ont pris leurs habitudes, avec toute la liberté que je leur accorde. Je vais reprendre le rythme. Mon excitation, c'est de savoir ce que nous livrerons dimanche, quel sera le visage de l'équipe de France. Le fait de donner l'opportunité à tous ces jeunes joueurs de s'exprimer sur le terrain, c'est quelque chose qui me procure un énorme plaisir. Mais je sais que la pression du match va arriver. Il y aura les petites habitudes, l'atmosphère, les moments où je vais grimacer et serrer les dents, les moments où je vais sourire…

 

Le spectre du classement World rugby, qui définira les chapeaux du tirage au sort de la prochaine Coupe du monde, pèse-t-il sur cette Tournée ?

Il y a quelques secondes, nous parlions de l'obligation de se déverrouiller et de pratiquer un rugby ambitieux. Comment voulez-vous y parvenir si, de l'autre côté, je mets la pression du classement sur la tête du joueur ? Moi, je pense que notre objectif de progression dans le jeu doit être supérieur à l'objectif simple de résultat. Obtenir un résultat avec un rugby pauvre, cela vous satisfait sur le moment mais il n'y a rien devant vous. Je suis sûr qu'il faut casser cette manière de penser. Avoir pour seul objectif la victoire pour soigner le classement World rugby, je pense que c'est une erreur. Surtout, ce classement évalue les nations à égalité. Mais cet été, toutes les grandes nations évoluent avec leur meilleur effectif. D'autres ont une main dans le dos.

 

Cette situation, si vous ne voulez pas en rajouter, semble tout de même vous agacer…

Non parce que je la connaissais, au moment où j'ai signé. J'essaye de trouver des intérêts à cette Tournée, comme celui d'agrandir notre groupe, qui était relativement réduit pendant le Tournoi et que j'aimerais garder globalement réduit. Parce que nous avons peu de temps pour travailler. Il y a une dizaine de joueurs qui auront l'occasion de démontrer leur potentiel pendant cette Tournée. C'est là où l'intérêt est énorme. S'il y a le résultat au bout, ce sera merveilleux. S'il n'y a pas de résultat au bout mais qu'on parvient à se dire que nous disposons de quatre, cinq ou six joueurs supplémentaires pour la suite, cela aura pour nous une forme d'intérêt.

 

Peut-on totalement s'affranchir du résultat ?

On représente l'équipe de France et malgré tout, le résultat est important. On représente une équipe nationale, en Argentine devant une nation qui a fini quatrième de la dernière Coupe du monde. Les Pumas joueront chez eux, prépareront le Four Nations, seront avec leur meilleure équipe. De notre côté, nous arrivons avec de jeunes joueurs. Est-ce que le résultat doit être la cible prioritaire ? Je n'en suis pas convaincu. Les 23 qui entreront sur le terrain le feront pour gagner le match, pour montrer qu'ils sont meilleurs que les joueurs en face. Je peux vous le garantir, dans le comportement, ils seront dignes de ce maillot. Ensuite, chacun jouera avec ses talents…

 

Comment aider ces jeunes à s'en sortir ?

Il faut les accompagner et les décomplexe. Mais il faut aussi bien leur faire prendre conscience que cela va aller beaucoup plus vite que ce qu'ils connaissent. Que cela tapera plus fort. Que dès qu'ils échapperont un ballon, il sera exploité par les Argentins avec toutes les qualités qu'on leur connaît. Au travers des rendez-vous individuels et collectifs que nous pouvons avoir avec nos joueurs, nous sommes obligés de les prévenir.

 

Dans quelle mesure la présence de Gérald Bastide, qui a connu beaucoup de ces jeunes avec les moins de 20 ans, peut-elle peser sur votre gestion humaine ?

L'intérêt d'un coach, ce n'est pas simplement d'être efficace auprès de ceux qu'il connaît. Il ne peut pas simplement se focaliser sur les gamins qu'il a eus en moins de 20 ans. L'obligation de Gérald, c'est de faire progresser le XV de France dans le secteur défensif. Tout le XV de France, pas seulement ses jeunes. J'espère qu'il ne fera pas de différence, qu'il fera passer ses messages auprès de tous les joueurs. C'est aussi

 

Peut-il aider ces jeunes à s'intégrer ?

Sur le plan technique, il y a des bases dont il connaît le travail avec ces gosses. Mais, je le répète, ce qui me porte, c'est qu'il amène tout le groupe au niveau exigé.

 

Les récents barrages du Top 14 ont donné lieu à de ternes spectacles. Est-ce inquiétant pour vous sélectionneur, qui souhaitez mettre en place un rugby de mouvement ?

Les barrages, ce sont des matchs de phase finale. Je ne suis pas sûr que cela représente la vérité de tout le Top 14. La phases finales sont un moment très particulier. Le coach que j'ai été en Top 14 pendant de nombreuses années peut vous dire que, pour arriver à ce qu'une équipe soit à la fois efficace et spectaculaire dans un match de phase finale, il faut qu'elle maîtrise son rugby depuis de nombreuses années. Le serpent de mer, c'est l'obligation de résultat en Top 14. Il faut se maintenir, ou être européen parce qu'il en va de la bonne santé du club. Tous ces aspects sont évidemment néfastes quand on aspire à pratiquer ce rugby que nous avons vu gagnant à la dernière Coupe du monde. Ce rugby à la fois spectaculaire et efficace, on ne le retrouve pas toujours en Top 14, en tout cas pas souvent en phase finale.

 

Cela vous inquiète-t-il pour votre projet de jeu, que les joueurs français soient si fermés en Top 14 ?

C'est une philosophie. Si nous souhaitons mettre en place ce rugby spectaculaire, c'est qu'on pense qu'il peut nous amener à gagner. Quand j'ai démarré au Stade toulousain, on disait « jeu de mains, jeu de Toulousains ». La vérité, c'est que nous étions arrivés à installé cette philosophie : quand les autres disaient « faire une passe, c'est prendre un risque », nous leur répondions que « le vrai risque, c'est de ne pas faire de passe ». Cet état d'esprit, il ne faut pas simplement le dire. Il faut le travailler, l'intégrer et qu'il devienne naturel. Quelque fois, dans le Top 14 d'aujourd'hui, ce rugby-là n'est pas toujours atteint, compte-tenu de la pression engendrée par la quête du résultat. Je le comprends. A Toulouse, il nous est arrivé de faire de belles phases finales mais il nous est aussi arrivé de faire des phases finales pauvres, en termes de jeu, parce que la pression du résultat engendre une peur sur les humains.

 

Avec le XV de France, comment effectuez-vous ce travail de déverrouillage des joueurs ?

Avec si peu de temps de travail en commun, le déverrouillage est compliqué à atteindre. On tend vers ça. Si Jeff Dubois est là, c'est qu'on a envie de cette liberté. Pendant le Tournoi, que ce soit lors de nos victoires ou nos défaites, il me semble que nous avons essayé de pratiquer un rugby plaisant. Nous sommes l'équipe qui a le plus franchi. Malheureusement, nous n'avons pas été assez efficaces et c'est une question que nous approfondissons. Mais nous tendons vers ce rugby de mouvement. Nous choisissons aussi des joueurs qui ont des profils pour pratiquer ce rugby, qui auront des facilités pour l'intégrer. Ils n'ont d'ailleurs pas le choix. Ce rugby, c'est notre souhait, presque au-delà du résultat. Mais pour que cela fonctionne, il faut y croire. Il faut en être convaincu. Et la dernière Coupe du monde nous donne raison.

 

Le bon exemple d'évolution du jeu, est-ce l'Argentine ?

 

Je l'ai dit dès ma prise de fonctions, sans nécessairement penser à cette Tournée. Mon premier match avec l'équipe de France, en tant que joueur, c'était en Argentine il y a quelques années. Ou quelques mois ? Plutôt quelques années, je le crains… (il rigole) A l'époque, on passait notre temps à se dire : « ça va être facile, c'est l'Argentine ». A chaque fois, pourtant, c'était dur. Mais on ne comprenait pas. La fois d'après, on se disait encore que cela allait être facile. Cette mentalité a changé. Aujourd'hui, l'Argentine est un exemple au niveau du rugby. La Fédération a donné à la sélection un objectif de représentation nationale très important. Tout le monde s'est investi là-dedans, jusqu'à engager la quasi-intégralité de l'équipe nationale en Super rugby. Vous rendez-vous compte ? Ils sont un club international. Ce sont les seuls. Ils sont allés au bout du bout de leur idée. Tout est en place. C'est un exemple, clairement, parce que les Pumas sont la priorité absolue.

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