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Bastareaud : «L’impression d’être un bouc émissaire»

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    Bastareaud : «L’impression d’être un bouc émissaire»
Publié le Mis à jour
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Jusqu’alors indiscutable sous le maillot rouge et noir, le Varois a connu une baisse de régime lors du dernier exercice. Inquiétudes ? Déceptions ? Le centre aux 39 sélections, Mathieu Bastareaud, revient sur sa saison, son Mondial ou encore sa situation en équipe de France.

En quelques mots, comment jugeriez-vous votre saison ?

Elle a été très longue. Entre la saison 2014-2015 et la préparation de la Coupe du monde, je n’ai pas vraiment coupé. J’ai voulu arriver en forme à la Coupe du monde et cela m’a grillé la deuxième moitié de ma saison 2015-2016 avec le RCT. Pour autant, contrairement à ce qu’on a pu entendre, ce n’était pas ma plus mauvaise saison !

Qu’auriez-vous voulu mieux faire ?

Collectivement, nous aurions pu finir sur un titre. Personnellement, je pense à ce match contre Clermont (20e journée, N.D.L.R.), où je loupe un coup de pied de dégagement qui nous coûte un essai. Je me suis senti coupable et ce match m’a hanté toute la fin de saison. Plus généralement, j’aurais voulu être plus performant dans mon jeu, mais quand le physique ne suit pas, c’est impossible.

Justement, comment s’est passé le retour à la réalité, après une Coupe du monde qui s’est terminée de la pire des manières (défaite 62-13 contre les Blacks en quart de finale) ?

Je pense que nous avons laissé passer notre chance contre l’Irlande. S’ils étaient impressionnants, les Argentins étaient plus abordables que les Blacks. Nous avons forcément été très déçus, car nous avions de réelles ambitions. Mais honnêtement, à la suite de la Coupe du monde, j’avais hâte de revenir à Toulon. Je ne voulais pas cogiter et ça m’a fait du bien d’enchaîner.

Que retiendrez-vous de cette expérience ?

Cette Coupe du monde m’a appris à relativiser Aujourd’hui, victoire ou défaite, j’arrive à mieux évacuer un match. Je vais sur mes 28 ans (il est né le 17 septembre) et j’ai enfin passé un cap.

C’est-à-dire ?

À 19-20 ans, je ruminais, je refaisais le match. Désormais j’ai compris que cela ne servait à rien, il faut passer à autre chose. Le rugby professionnel va tellement vite qu’on ne peut plus tergiverser. Il n’y a plus de place pour le doute.

Comment avez-vous vécu les différentes critiques qui ont touché votre jeu ?

Depuis le début de ma carrière, j’ai toujours entendu les mêmes critiques et elles sont rarement constructives. Ce qui m’avait un peu gêné par rapport à l’équipe de France, c’est que j’avais l’impression d’être le bouc émissaire d’un système. Je l’ai mal pris mais, depuis, c’est évacué. Puis objectivement, quand on regarde les statistiques, je sors d’une saison à plus de 30 offloads (31 exactement), donc pour un mec qui garde tous les ballons, on a vu pire. Avant, les critiques pouvaient me toucher, je voulais toujours montrer que l’on se trompait sur mon cas. Désormais, je suis dans un âge où je n’ai plus rien à prouver à personne et mon palmarès prouve que je ne suis pas aussi mauvais qu’on peut l’entendre.

Ma’a Nonu a d’abord été un joueur reconnu pour sa puissance avant de faire évoluer son jeu pour devenir un cinq-huitième chez les All Blacks. Est-ce que cela vous inspire ?

Ma’a est la référence à son poste, et j’ai la chance de le côtoyer au quotidien. Ce serait bête de ma part d’essayer de le copier car chaque joueur a des qualités qui lui sont propres. En revanche, apprendre de son expérience, de sa façon de s’entraîner et d’appréhender le rugby, évidemment que ça m’intéresse. Observer Ma’a Nonu m’aide à me lâcher, à tenter des choses. Je ne dois plus avoir peur de l’échec !

Qu’est-ce qui a changé dans votre état d’esprit ?

Je suis un joueur plus mature. Je vais démarrer ma dixième saison de Top 14 et j’ai suffisamment d’expérience pour ne plus me cacher derrière mes qualités physiques. C’est à moi de me mettre en danger.

En parlant de mise en danger, comment avez-vous appréhendé la finale de Top 14 ?

J’étais motivé comme jamais. J’avais l’impression qu’en remplaçant Ma’a au dernier moment, je devenais un boulet pour l’équipe, ce qui m’avait un peu vexé. J’avais le sentiment qu’on faisait jouer le remplaçant du remplaçant de 18ans, qui n’avait jamais joué de matchs couperets.

Justement, comment avez-vous vécu d’être remplaçant lors des autres matchs de phases finales ?

Avec l’effectif que nous avions et les grands joueurs laissés sur le carreau, je n’avais pas à me plaindre, j’étais déjà très content d’être dans le groupe. Plus jeune, je pouvais râler ou bouder quand j’étais remplaçant, mais à l’époque j’étais un gamin. Maintenant c’est derrière moi.

Vous avez vécu la fin de l’ère Laporte, parlez-nous de lui…

S’il a été très dur avec moi, plus même qu’avec les autres, il m’a fait grandir dans ma façon de voir et d’appréhender le rugby. Il a fait de moi un homme et un compétiteur. C’est quelqu’un qui m’a marqué.

Comment s’annonce cette saison 2016-2017 sur le plan collectif ?

Honnêtement ? Nous allons dans l’inconnu, avec un nouveau staff et de nouveaux joueurs. Nous sortons d’une saison blanche, et nous sommes conscients qu’il va y avoir un peu plus de pression sur nous cette année.

Avez-vous échangé avec Diego Dominguez ? Savez-vous ce qu’il attend de vous ?

Depuis la saison dernière, nous échangeons régulièrement et je sais qu’il attend beaucoup de moi. Il souhaite que je retrouve la confiance que j’ai pu avoir par le passé. Mine de rien, quand tu enchaînes les saisons, qu’il y a la déception de la Coupe du monde et mes performances irrégulières, la confiance baisse.

Et que peut-il vous apporter ?

Sa façon d’aborder le rapport aux joueurs. Bernard n’était pas un très gros communicant et je me livrais peu sur mes méformes. Je me suis plus confié à Diego depuis son arrivée. Lorsqu’il accompagnait Bernard, il me disait souvent que je n’étais qu’à 30-50 % de ce que je pouvais faire et il a toujours essayé de me décomplexer.

N’est-ce pas le moment de devenir un cadre de l’équipe ?

Si les coachs ou le capitaine me demandent de m’investir plus dans le groupe, je le ferai volontiers, mais je ne forcerai pas le destin. Honnêtement, je préfère montrer l’exemple sur le terrain que faire de grands discours.

Avec l’arrivée de François Trinh-Duc et le replacement de Matt Giteau, vous serez cinq centres. Comment abordez-vous cette concurrence ?

Je l’ai toujours connue et elle ne m’a jamais dérangé. Hier je côtoyais Bryan Liebenberg, Stéphane Glas, Geoffroy Messina… Aujourd’hui ce sont Matt Giteau, Maxime Mermoz ou Ma’a Nonu. Blessures, méformes, tout va très vite et la concurrence ne fait qu’avancer le RCT. Quoi qu’il arrive, je ne dois pas « être meilleur qu’untel ou untel », une concurrence sous cette forme n’est pas un bon moteur pour moi. Simplement, il faut que je sois bon pour l’équipe. De toute façon, il y aura de la rotation, les saisons sont longues.

Vous allez démarrer votre sixième saison à Toulon. Vous sentez-vous bien ici ?

Je n’ai jamais été aussi épanoui dans mon rugby qu’à Toulon. Certes, au moment de ma prolongation, j’ai hésité à rentrer en région parisienne (il était alors en contact avec le Racing 92), mais en discutant avec mes proches, nous avions convenu qu’il était préférable, pour moi, de rester ici. J’ai alors prolongé jusqu’en 2021. Ma famille me manque, mais je ne suis pas à plaindre. Elle aurait pu me rejoindre, mais nous avons très vite oublié l’idée, notamment pour mon frangin. Il a 16 ans, des potes, sa copine et ce serait égoïste de ma part de le priver de tout ça. Puis je sens que le président et le club me font confiance et je pense que Toulon sera mon dernier gros challenge.

La saison dernière, une pige au Japon avait été évoquée. Est-ce définitivement derrière vous ?

J’avais émis l’idée d’aller découvrir le rugby japonais mais ce n’était pas concret. Au final, plus que le Japon, j’avais le désir d’aller à l’étranger pour découvrir un autre rugby, une autre culture. Mais, au vu de mon âge, ça semble utopiste. Aujourd’hui, si je devais faire un seul souhait, ce serait de refaire une année, en fin de carrière, à Massy. J’y ai passé trois années exceptionnelles et c’est le club qui m’a ouvert les portes du haut niveau. Comme Damien Traille avec Pau, je me sens redevable.

Concernant l’équipe de France, vous étiez l’un des cadres de Philippe Saint-André, or vous n’avez jusqu’à aujourd’hui jamais été appelé par Guy Novès. Comment le vivez-vous ?

Sur le coup, ça m’a blessé. Avec tout ce que j’ai pu entendre sur moi j’aurais bien aimé répondre sur le terrain et je n’en ai pas eu l’occasion. Chaque joueur aspire à être appelé en équipe de France, mais des choix sont faits et je n’en fais pas parti.

Depuis le début de son mandat, Guy Novès fait appel à des joueurs plus mobiles et la liste Élite, où sont présents Fofana, Mermoz, Fickou et Lamerat, ne fait que confirmer cette tendance. Pensez-vous avoir votre chance à un moment ?

Pour être honnête, cela fait un moment que je ne me pose plus la question. Guy Novès ne fait pas appel à moi et mon profil ne l’intéresse pas, c’est comme ça. Je ne pense pas que la porte soit définitivement fermée, mais si je veux garder une infime chance, je dois continuer à faire évoluer mon jeu.

L’équipe de France reste-t-elle un objectif ?

Un objectif oui, une priorité non. « Mathieu Bastareaud » c’est un nom qui ne résonne pas de la même manière en France et à l’étranger… Avez-vous le sentiment d’être moins protégé par le système français ? Je pense que ça fait un petit moment que les supporters réclament le retour du french flair et souvent, pour ne pas dire tout le temps, je suis cité comme l’antithèse de ce jeu de mouvement. Mais lorsque j’entends les commentaires d’anciens joueurs ou de chroniqueurs qui me caricaturent comme un joueur qui enterre tous les ballons, je ne suis pas étonné d’être critiqué sur mes qualités à l’impact.

Et comment pouvez-vous faire évoluer cette tendance ?

Je ne serai jamais Ma’a Nonu, mais j’aimerais prouver que je peux devenir un joueur faisant vivre le ballon. Je dois essayer d’élargir encore ma palette. Je pense d’ailleurs l’avoir déjà fait mais peut-être pas suffisamment. Je ne veux plus être un simple perforateur, mais devenir un « joueur de ballons » au sens noble du terme. De plus, j’aimerais bien faire une « spécifique » sur le jeu au pied, pour me sentir à l’aise dans cet exercice, même si c’est un secteur dans lequel je vais essayer de me faire oublier un peu du côté du RCT (rires).

Pour autant, chaque joueur a ses qualités…

Oui mais le grand public réclame le retour du French Flair, donc je dois me perfectionner dans des domaines précis. Aujourd’hui, un centre doit savoir tout faire et je pense que chaque rugbyman a pour but ultime de n’avoir aucune lacune, même si pour certains cela prend plus de temps. Je me bats avec mes armes mais je suis lucide : je n’ai pas le talent d’un Matt Giteau, d’un Wesley Fofana ou d’un Gaël Fickou. Quand on voit ce que Gaël est capable de faire, c’est impressionnant. À son âge, j’avais d’autres qualités, mais on ne me demandait pas de faire 36 000 passes. Les exigences du poste ont évolué et je regrette de ne pas avoir, à son âge, insisté un peu plus sur les skills. Je suis resté dans un confort, et on me le reproche aujourd’hui.

Propos recueillis par Pierrick Ilic-Ruffinatti

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