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Halfpenny : « Deux titres à reconquérir »

Par Vincent Bissonnet
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    Halfpenny : « Deux titres à reconquérir »
Publié le Mis à jour
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Sa terrible blessure l’ayant privé du mondial, sa saison presque blanche, son combat pour revenir, ses ambitions pour cette année et son avenir : la star galloise Leigh Halfpenny se confie à l’heure de la reprise du Top 14.

Cinquante jours après, la douloureuse défaite en finale trotte-t-elle encore dans les têtes ?

Le dénouement de cette saison a été très dur à digérer. Pendant plusieurs jours, ce match m’a hanté, je l’ai ressassé, refait encore et encore. Tout était réuni pour que ce soit magnifique : une atmosphère incroyable, un stade unique, des dizaines de milliers de supporters… Ce genre de déconvenues marque profondément une équipe. La déception ne part jamais vraiment. En tant que compétiteur, il faut savoir tirer profit des erreurs commises pour être encore meilleur tout en laissant la frustration derrière nous pour avancer. Tous les changements opérés au club et les vacances ont aidé. Qui dit nouvelle saison dit nouveau départ.

Comment expliquer la déroute du RCT, équipe pourtant habituée à disputer des finales ?

Il y a énormément d’expérience dans cette équipe mais ça n’empêche pas que nous avons commis trop de fautes dans la gestion de notre match. C’est ce qui a permis de maintenir le Racing dans la rencontre. C’est aussi simple que ça. Quand tu te trompes autant, tu ne peux pas gagner.

Avez-vous repensé à cette transformation qui heurte le poteau et aurait pu donner dix points d’avance aux vôtres ?

C’est la cruauté de ce sport au haut niveau : à quelques centimètres près, tout aurait pu être différent. Je m’en suis voulu, oui. Pas tellement sur le coup car pendant le match, je me suis efforcé de rester concentré pour ne plus manquer de coups de pied. Mais après, j’ai repensé à ce ballon qui a touché le poteau. C’est rageant.

Le rôle de buteur comporte cette dualité terrible. Comment la supportez-vous ?

C’est le revers de la médaille de la responsabilité de buter. Mais j’aime tellement ça. Et depuis toujours. Il n’y a rien de mieux que la pression que tu ressens quand tu vas tenter le coup de pied. C’est un privilège, pas un poids d’être un buteur. Ça me donne tellement d’émotions. Même quand ça ne sourit pas.

Comment avez-vous traversé la saison dernière, marquée par une absence de dix mois en raison d’une rupture des ligaments du genou droit ?

J’ai connu plusieurs blessures dans ma carrière, c’était incontestablement la plus douloureuse. La convalescence a été pleine de hauts et de bas. Devoir subir une deuxième opération m’a tout particulièrement mis un gros coup au moral. J’étais proche de pouvoir rejouer mais je ressentais encore une gêne. J’ai passé des examens et à la lecture des résultats, il n’y a pas eu le choix : le cartilage était trop fragile. J’avais tellement envie de retrouver la compétition et j’en étais privé, je devais repartir en rééducation, quitter le groupe, encore… Mais je n’ai pas lâché et j’ai finalement été récompensé de ma course contre-la-montre en revenant pour les demi-finales. J’étais si heureux d’être de nouveau sur les terrains. Ça paraît tout banal mais quand tu as été aussi longtemps absent, tu te rends compte de la chance que c’est.

Revenons sur cette blessure survenue contre l’Italie. Avez-vous pris conscience que votre Coupe du monde était terminée avant d’être commencée…

J’ai immédiatement senti que c’était sérieux. J’ai senti mon genou se tordre et j’ai entendu quelque chose se casser en même temps. Quand j’étais au sol, en pleine agonie, je me souviens m’être dit : « Ça y est, ton Mondial est fini. » Les résultats sont arrivés assez rapidement. Quand j’ai eu le verdict par téléphone, sur le chemin du retour, j’ai senti mon estomac se nouer. Il y avait encore un mince espoir que je sois apte et il venait de s’envoler. C’est arrivé au pire moment. C’était le dernier match de préparation. Il a tout ruiné. J’avais tant donné avec mes coéquipiers pendant toute la préparation pour être au meilleur de ma forme. Nous avions poussé notre corps et notre mental au-delà des limites. Cette blessure m’a fait vivre la saison la plus dure de toute ma carrière, et de loin.

Quatre ans après la pénalité manquée en demi-finale de la Coupe du monde face à la France, vous voilà de nouveau maudit pour une Coupe du monde…

C’est le sel de notre jeu. Tu sais que tout peut s’écrouler d’une seconde à l’autre. Ce Mondial n’était pas encore le mien…

Comment avez-vous tenu, psychologiquement, au cours des semaines suivantes ?

Pleurer ne sert jamais à rien. J’ai donc évité de trop réfléchir, de penser à ce qui s’était passé. Je me suis évertué à être le plus positif possible en me tournant vers l’avenir. J’étais obsédé par la nécessité de tout faire pour revenir à mon niveau et même devenir plus fort. J’ai donc profité de cette coupure pour multiplier les ateliers, développer mes skills, améliorer mes passages de bras… Tout ce qui pouvait me permettre d’être plus complet, en somme. Si je n’avais pas vu cette blessure comme une opportunité de progresser, elle m’aurait été insupportable.

Gilles Allou, un des préparateurs physiques, nous a confié avoir été impressionné par votre débauche d’énergie et votre abnégation pour revenir…

Chaque jour, je me lève avec un objectif en tête : être un meilleur joueur quand j’irai me coucher le soir. Pour y arriver, il n’y a qu’un chemin : travailler le plus possible. J’aime le sentiment du devoir accompli et des choses bien faites. Je ne sais pas si je suis un perfectionniste mais je ne veux rien laisser au hasard. Jamais.

Vous êtes-vous surpris durant cette épreuve ?

En tout cas, je pense que c’était le meilleur des tests sur le plan psychologique. Il faut du mental pour franchir toutes les barrières d’une blessure, surtout quand ça prend autant de temps. Avec le recul, je me rends compte que cette expérience, si douloureuse sur le moment, a été enrichissante dans un sens. Je me sens plus fort maintenant.

En quoi votre parcours a-t-il forgé cette personnalité et ce tempérament ?

J’ai constamment été le plus petit ou presque, dans chacune des équipes que j’ai connues. Il a constamment fallu que je me batte, que je me dépasse pour m’imposer et prouver ma valeur. Surtout quand j’entendais que mon entraîneur ne croyait pas en mes chances de devenir professionnel (à 18 ans, il a été sorti du centre de formation des Ospreys, N.D.L.R.). C’est pourquoi, dès le plus jeune âge, je me jetais à corps perdu sous les ballons hauts ou en défense face à des gabarits bien plus costauds. J’ai toujours adoré ce challenge : être le petit qui, pour exister au milieu des grands, devait repousser ses limites. J’ai beaucoup bossé pour gagner en puissance, en musculation pure. C’était stimulant. Ça m’a appris la valeur et la nécessité du travail.

Depuis trois semaines, vous avez retrouvé une vie normale de rugbyman, au contact des autres. Comment le vivez-vous ?

Quel plaisir de revenir à l’entraînement sans appréhension, sans retenue. Je suis content de m’entraîner de nouveau avec tout le groupe après des mois à travailler de mon côté. Je sens tout le monde très motivé pour repartir de l’avant. Ça se ressent dans les séances de physique, dans les ateliers de technique et dans l’écoute apportée aux discours des entraîneurs. De toute manière, il faut être attentif et concentré car, avec le changement de staff, il y a un nouveau plan de jeu à intégrer en peu de temps.

Toulon est un club à part, pour le meilleur comme pour le pire. Les remous autour du staff cet été l’ont encore montré…

Le RCT est un club qui suscite beaucoup de passion. Sincèrement, je prends énormément de plaisir et je ne vois que des bons côtés à évoluer dans ce club et au sein de cette équipe véritablement unique.

Vous aviez une année en option avec le RCT et avez reçu de nombreuses offres, des Wasps, de Cardiff, des Ospreys… Pourquoi avoir décidé de poursuivre l’aventure sur la rade ?

Déjà parce que j’ai adoré mes deux premières années à Toulon, sur le terrain comme en dehors. Tout simplement. Mais surtout, je n’ai presque pas joué la saison dernière. Je ne pouvais pas partir dans ces conditions. Mon aventure n’était pas finie, je me devais de rester pour apporter encore à ce club. Je veux donner le meilleur de moi-même pour rendre la confiance qui m’a été accordée.

Vous allez encore devoir effectuer un choix cette saison, avec la fin de votre contrat qui se profile : rester en France ou retourner au Royaume-Uni ?

Oula, c’est encore très loin. Rien n’est acté. Je ne réfléchis pas encore à cette question. Je suis à 100 % concentré sur la reprise de la saison et sur la construction de l’équipe. J’aurai le temps de penser à mon avenir plus tard.

Au pays de Galles, tout le monde n’attend qu’une chose : votre retour.

Ah bon (rire) ? Franchement, je n’en suis pas là. Laissez-moi le temps de revenir sur le terrain. Quand le moment sera venu, je me pencherai sur ce dossier. Ce qui est sûr, c’est qu’il y aura beaucoup de choses à prendre en compte.

La tournée des Lions britanniques et irlandais en Nouvelle-Zélande, en juin prochain, est-elle dans un coin de votre tête ? En sachant qu’elle pourrait entrer en collision avec une finale de championnat…

C’est encore loin, ça aussi. C’est une ambition suprême d’intégrer les Lions. Avant tout, il me faut prouver que j’ai retrouvé mon niveau avec Toulon et ensuite regagner ma place au sein de la sélection galloise.

Votre légende s’était en grande partie forgée lors de la tournée victorieuse en Australie, il y a trois ans…

C’est un grand honneur de participer aux tournées des Lions. C’est une aventure hors normes, elle fait partie des meilleurs instants de ma carrière. Le défi est prenant : tu dois bâtir une équipe en une poignée de semaines avec des joueurs de grand talent venant de quatre pays. En plus, il y a une telle effervescence autour avec des dizaines de milliers de supporters qui nous suivent partout. C’est un privilège d’en être.

Que serait une saison réussie à vos yeux ?

L’équipe doit tout mettre en œuvre pour être la meilleure en France comme en Europe. Gagner le Top 14 et la Champions Cup, voilà notre objectif. Le club a remporté ces deux titres mais les a perdus depuis. À nous de les reconquérir.

Comment vivez-vous votre notoriété grandissante et toutes les attentes, vous qui êtes d’un naturel discret ?

Je ne cours pas après la gloire, c’est sûr. Je suis du genre à rester dans l’ombre, à la jouer profil bas, vous voyez. Tout est venu avec les sélections et les tournées… Ma vie a changé mais comment pourrais-je me plaindre ? Par exemple, quand je vois l’engouement qu’il y a autour de chaque entraînement ouvert à Toulon, ces dizaines de dédicaces et de photos qui te sont demandés, comment ne pas apprécier ? C’est une chance d’évoluer dans cette atmosphère, de sentir une telle attente des supporters. Le RCT est vraiment un club à part.

Cet été, une fois n’est pas coutume dans la principauté, ce sont vos homologues du ballon rond qui ont été au centre de toutes les attentions.

Oui, personne ne les voyait aller jusqu’en demi-finale. C’était une aventure géniale. Ils ont rendu fiers tout le peuple gallois, c’était de la folie. Nous ne sommes plus les seuls à faire vibrer le pays, tant mieux.

Vous avez d’ailleurs pratiqué le football pendant plusieurs années…

Oui, mon cœur a longtemps balancé entre le foot et le rugby. Jusqu’à mon adolescence, j’ai hésité. J’ai toujours été fan de Ryan Giggs notamment. En tant que supporter de Manchester United et que Gallois, il ne pouvait pas en être autrement.

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