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Jacquet : « Je ne jouerai pas pour ma gueule »

Par Simon Valzer
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    Jacquet : « Je ne jouerai pas pour ma gueule »
Publié le Mis à jour
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Éternel remplaçant à Clermont, le deuxième ligne connaît, à 31 ans, une véritable renaissance à Castres où il s’est déjà affirmé comme un titulaire en puissance. Enfin épanoui, il évoque le passé sans retenue ni regrets. Rencontre.

Cinq matchs, cinq titularisations sur six journées, vous semblez plutôt à l’aise dans le Tarn…

C’est vrai ! Je suis très content d’avoir la chance de jouer autant. J’en profite à fond, car il y a de la concurrence au poste. Je préférerais d’ailleurs que nous ayons moins de blessés, même si leur malheur fait en quelque sorte mon bonheur. Avant d’arriver ici, je ne savais pas à quoi m’attendre. J’étais dans le flou. J’avais juste envie de bien jouer, de me dépasser. Changer de club m’a fait du bien, cela m’a apporté de l’excitation, de l’envie. Tout ça, c’est bon pour la tête. Physiquement je ressens un peu plus de fatigue mais c’est de la bonne fatigue ! Je ne vais pas me plaindre. Quand la tête va, les jambes suivent toujours…

Ce début de saison vous conforte-t-il dans votre décision d’avoir quitter Clermont ?

Vous savez, je ne suis pas venu là avec des certitudes. Je me suis mis en danger, j’ai tout quitté avec ma famille. C’était l’aventure, mais je suis heureux de la tournure des événements. Mais je ne suis pas du genre à me demander si ceci ou cela me conforte : même avec un mauvais début de saison, je n’aurais pas regretté mon choix. Le tout, c’est d’avancer.

Quitter Clermont fut-il difficile ?

J’étais en fin de contrat, tout comme Jamie Cudmore. L’ASMCA ne voulait en prolonger qu’un, voire aucun en cas de recrutement. Je savais que la saison allait être délicate, alors j’ai commencé à prospecter. Le club en a fait de même, et je connaissais déjà le nom de mon remplaçant (Sitaleki Timani, N.D.L.R.) quand les dirigeants m’ont annoncé qu’ils ne me conservaient pas. J’ai eu de la tristesse en quittant Clermont. Mais la page a été vite tournée, car je n’aurais pas été conservé.

Quel regard portez-vous sur vos années clermontoises ?

C’est un mélange de plusieurs sentiments. Déjà, une immense fierté. L’ASMCA, c’était le club de mes rêves. Avoir participé, même modestement, à l’histoire de ce club fut fantastique. Ensuite, il y a aussi des regrets car cette histoire, je l’ai souvent vue des tribunes. Mais ces moments m’ont forgé le caractère. On ne grandit pas qu’avec des choses positives. Aujourd’hui encore, cette expérience me sert à ne rien lâcher quand c’est dur.

Ne vous êtes-vous pas laissé berner par votre rêve de jouer à Clermont ? Pourquoi ne pas être parti plus tôt ?

Cette question revient souvent, c’est vrai. Aurais-je dû partir avant, pour jouer davantage ? Je ne sais pas. Je me dis qu’à certains moments de ma vie, j’ai fait des choix qui ont été guidés par mon amour pour le club, ou par rapport à mon ressenti. J’ai peut-être moins grandi sur le plan rugbystique, mais pas sur le plan mental. Mon beau-père m’a dit un jour que la vie n’est jamais une ligne droite. Mais que l’important, c’est d’avancer. Je ne veux pas vivre dans l’amertume ou les regrets.

Quelles différences voyez-vous entre les deux clubs ?

Castres est un club qui vise le top 6, et qui fait de son mieux en Coupe d’Europe. À Clermont, le moyens sont tels que l’on démarre la saison avec l’objectif de gagner les deux compétitions. Bien sûr qu’il faut avoir de l’ambition, sinon on n’avance pas. Mais mine de rien, cela génère pas mal de pression. Ici, je la ressens moins. J’ai commencé à me sentir plus libéré à partir du moment où je me suis engagé à Castres. À partir de là, j’ai retrouvé du plaisir. Aujourd’hui, je ne pense plus à la faute qui pourrait m’envoyer au frigo pendant deux semaines, ou ce qu’il faut faire pour plaire à l’entraîneur, comme c’était peut-être le cas inconsciemment à Clermont.

Quid des différences dans les méthodes de management de Franck Azéma et de Christophe Urios ?

Le discours de Christophe très centré sur l’humain, les émotions, les sensations des joueurs pour les transcender. C’est ainsi que des équipes plus modestes arrivent à renverser des montagnes. Entre son discours, très humain, et celui de Joe El Abd, plus technique et pointu sur la touche, j’ai trouvé ce que je cherchais.

Justement, vous êtes un joueur réputé comme technique et aérien mais pas nécessairement rude. Or, on sait qu’Urios aime cette qualité chez ses joueurs. Vous a-t-il demandé d’évoluer sur ce point ?

Christophe ne m’a pas demandé de me transformer. Bien sûr qu’il faut travailler le reste, et se montrer complet. Mais il demande aux joueurs d’être excellents dans leurs domaines respectifs. Après, la complémentarité fait le reste. À Clermont, c’était différent. Il y avait tellement de concurrence qu’il fallait être excellent partout, et la moindre erreur était pointée du doigt. À Castres, on ne nous demande pas de rectifier nos défauts, mais plutôt d’améliorer nos qualités. Je ne serai jamais Rodrigo Capo Ortega, c’est comme ça. Mais le but, c’est d’être complémentaire.

Quels sentiments vous animent à l’approche de ce match ?

De l’émotion. Quand le calendrier est sorti, c’est la première date que j’ai regardée. Je suis impatient de retourner dans ce stade, dans cette ville où j’ai passé 14 ans de ma vie. J’y ai énormément de souvenirs, mes deux enfants sont nés là-bas… Il y aura de l’émotion, mais ce sera un grand moment de ma carrière de joueur. Jouer là-bas avec un autre maillot que l’ASMCA, ça va faire bizarre. Je n’ai pas d’appréhension, plutôt de l’excitation. J’ai envie d’en profiter sans me laisser polluer par des mauvais sentiments.

Avez-vous peur de passer à côté ?

J’ai juste envie de prendre du plaisir et de faire un bon match face à mes anciens collègues. Si je me loupe parce que j’ai tenté des choses, tant mieux. Je ne veux simplement pas être inhibé et attendre que les mecs en face me défoncent.

Au fond de vous, avez-vous envie de montrer ce dont vous êtes capable à votre ancien club ?

À 31 ans, je n’ai rien à prouver à personne. Mais j’ai aussi tout à prouver tous les week-ends. Ma carrière ne va pas se jouer samedi. Un bon match ne prouvera pas que j’ai eu raison de partir, comme un mauvais ne prouvera pas qu’ils ont eu raison de me dégager parce que je suis nul. Et puis ce n’est pas avec un tel état d’esprit que j’aiderai mon équipe. La force de Castres, c’est le collectif. Je ne vais pas sortir de ce cadre pour ma satisfaction personnelle. Je ne jouerai pas pour ma gueule.

Avez-vous parlé de ce match avec Danie Kotze ?

Très souvent oui… Danie partage le même point de vue. Il a envie de faire un bon match, mais pas n’importe quoi. Lui non plus n’a rien à prouver. Ce n’est pas son match non plus, c’est le match de l’équipe de Castres. Nous aurons juste plaisir à partager une bière avec les collègues après le match, et parler du passé. Ce qui est important, ce sont les joueurs qui ont le même maillot. Pas les autres.

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