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Laurent Labit : Paroles de coach

Par Arnaud Beurdeley
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    Laurent Labit : Paroles de coach
Publié le Mis à jour
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Finaliste de la Champions Cup et champion de France en juin dernier, Laurent Labit était un entraîneur au sommet. Quelques mois plus tard, il est un entraîneur sous pression. L’affaire des corticoïdes, l’élimination de la Champions Cup, après seulement trois matchs joués, un système de jeu qui tarde à retrouver son efficacité, le dossier «Goosen», son équipe est dans l’œil du cyclone. Au cœur de cette période trouble, l’entraîneur des trois-quarts du Racing 92 a accepté de se confier sur la réalité de son quotidien, de son métier. Il explique, notamment, comment il lutte à chaque instant contre cet ascenseur émotionnel qui peut faire des ravages dans le sport professionnel. Témoignage.

L’illusion du début

« Quand on débute une carrière d’entraîneur, on ne soupçonne pas tout ce que cette profession peut engendrer. Au départ, c’est la passion qui te guide, l’envie de partager, de transmettre. Le plaisir, c’est de créer des séances d’entraînement, de faire de la vidéo. Mais, très vite, on prend la pression en pleine gueule. Ce métier, c’est du stress en permanence. Heureusement, j’ai eu la chance de débuter dans des conditions exceptionnelles grâce au président Patrick Bardot (ancien président de Montauban, N.D.L.R.). Débuter en Pro D2, c’est une bonne école. C’est le meilleur moyen d’appréhender la pression, le stress, les objectifs. Quand j’entends parfois des réflexions sur les salaires, ça me fout un peu les boules. Toute la pression que l’on subit et la somme de travail que l’on réalise, je pense que ça justifie nos revenus. »

 

Les remises en question

« Dans une période comme celle que l’on vit actuellement au Racing, les questions affluent. Est-ce qu’on a fait les bons choix ? Oui ? Non ? Pourquoi ? Avec une finale la saison dernière le 24 juin, on s’attendait à avoir une saison difficile, mais pas autant que ce que l’on vit quand même (sourire)… Nous n’avons pas été épargnés. Par-delà les résultats sportifs, il y a eu l’affaire des corticoïdes, qui a fortement impacté les joueurs et le club dans son ensemble. Aujourd’hui, il y a l’affaire Goosen. Franchement, on n’avait pas besoin de tout ça. Mais, malgré tout ça, on doit faire front. On explique régulièrement à Jacky (Lorenzetti), pourquoi on est en difficulté, pourquoi on a voulu faire évoluer notre jeu : pour être moins prévisible, pour avoir un jeu adapté à la pelouse synthétique que nous aurons à l’Arena, mais lui, il s’en fout. Ce qu’il veut, c’est qu’on gagne, qu’on se qualifie. Et je le comprends. »

 

Les angoisses

« Le simple fait de constituer une équipe, de laisser des joueurs sur le côté, de faire des choix, c’est une forme de pression. Presqu’une angoisse. Je suis dans la passion, dans l’affect. Quand je dois dire à Marc Andreu, qui est depuis longtemps avec moi, ou encore Rémi Tales, qu’ils ne vont pas jouer, ce n’est pas facile. On a vécu des moments ensemble qui rendent les choses vraiment difficiles. Pour moi, c’est même le plus dur, bien plus que la pression du résultat ou la pression du président. Humainement, c’est complexe. Mais, ce qui peut vraiment m’empêcher de dormir, c’est tout ce qui touche au terrain, au jeu, à la stratégie. Ça, ça peut me ronger. Le reste, non. »

 

La peur d’être viré ?

« Jacques Brunel, qui est quelqu’un qui m’inspire beaucoup et pour qui j’ai un immense respect, m’avait dit un jour : « Ma fierté, c’est que je ne me suis jamais fait virer. Je suis toujours parti à la fin de mes contrats. » J’avoue que ça fait rêver. C’est un de mes objectifs. Avoir cette liberté, c’est du travail. Ça se gagne. Je pense que si le président Lorenzetti nous voyait absents deux jours par semaine pour faire des conférences ou être consultant à la télévision, on ne ferait pas long feu. De toute façon, je n’ai pas de plan de carrière. D’ailleurs, quand notre mission s’achèvera au Racing, ça ne me gênerait pas de repartir en Pro D2 pour reconstruire un projet ou même travailler avec des jeunes. Ce qui me plaît dans ce métier, c’est ce qui se passe sur le terrain. »

 

Sa thérapie

« Avec Laurent (Travers), nous travaillons depuis presque dix ans avec un coach mental (Richard Bador), à raison de deux séances téléphoniques par semaine. D’ailleurs après l’interview, j’ai rendez-vous avec lui (entretien réalisé lundi dernier). Et en ce moment, les séances sont un peu plus longues que d’habitude (sourires). Ça va faire dix ans qu’on fait ça. Pour moi, c’est une aide précieuse. Avec lui, j’évoque toutes les difficultés qu’on peut rencontrer, que ce soit les entretiens avec les joueurs, les causeries, les débriefings de match, les choses à ne pas dire. J’ai encore plus besoin d’échanger avec lui pendant des périodes comme celle que l’on vit en ce moment. Pour moi, c’est comme une vidange émotionnelle. Et puis, il nous conseille des éléments de langage pour éviter les pièges. Déjà que nous ne sommes pas bien aujourd’hui, si moi ou Laurent nous communiquons mal, on peut mettre les joueurs encore un peu plus au fond du seau. »

 

Le jardin secret

« Quand je rentre à la maison, le rugby reste sur le pas de la porte. Ma femme, mes enfants sont au-dessus de tout ça. Le dimanche, c’est sacré. Ma façon de fonctionner énerve d’ailleurs « Toto » ou même le président (Lorenzetti). Il est rare que je réponde au téléphone le dimanche, sauf en cas d’urgence. Ça ne veut pas dire que je ne pense pas au rugby mais c’est une façon de décompresser. Et quand je pars en vacances une semaine, je suis capable de couper totalement le téléphone. Ça, « Toto », il ne le supporte pas (rires). Mais je n’oublie pas qu’on a la chance d’exercer un métier qui est notre passion. J’ai commencé le rugby à l’âge de 6 ans, ça fait aujourd’hui quarante-deux ans que je suis dans le rugby. Pouvoir faire ça tous les jours, c’est formidable. C’est une richesse incroyable. J’espère pouvoir le faire encore longtemps. »

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