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[DOSSIER XV DE FRANCE] Le poste d'ouvreur en question

Par Nicolas Zanardi
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Publié le Mis à jour
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La France est-elle bien pourvue au poste de demi d'ouverture ? Ou s'agit-il d'une illusion ? Éléments de réponse.

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L'illusion d'une ouverture

S’il est un secteur dans lequel la balance française des biens se trouve déséquilibrée, c’est celui de la charnière. Clairement, il n’y a personne pour apparaître légitime dans un XV Mondial. Le staff des Bleus regorge de solutions au poste de demi de mêlée, difficile d’en dire autant à l’ouverture. Mal devenu récurrent depuis trop d’années. À ce jour, toutes les grandes nations ont un numéro dix de dimension internationale installé et certains ont même l’embarras du choix... Ainsi, l’Angleterre, en même temps qu’elle confie les rênes de son jeu au surdoué George Ford, se permet de décaler au centre le génial Owen Farrell et de laisser le fantasque Danny Cipriani à la maison. Et nous, alors ? François Trinh-Duc, premier choix avoué de Novès, est trop souvent blessé. Jules Plisson, son suppléant en début de mandat, est beaucoup trop irrégulier pour s’imposer au plus haut niveau. Jean-Marc Doussain est considéré comme un recours. Du coup, c’est Camille Lopez, lequel évoluait dans le monde amateur à 19 ans, qui apporte le plus d’assurance. Derrière eux ? Pierre Bernard ou Jonathan Wisniewski semblent les seuls recours possibles. Le plus inquiétant : la situation ne devrait pas évoluer dans un avenir proche. Ces dernières saisons, si l’équipe de France des moins de 20 ans (malgré des résultats souvent décevants en Coupe du monde) a révélé des potentiels au talonnage, en deuxième et troisième ligne ou en n°9, elle n’a abrité aucun n°10 d’envergure. Le prochain pourrait être le Toulousain Romain Ntamack. Pourquoi une telle pénurie ? Peut-être la France paye-t-elle l’une de ses spécificités : de nombreux joueurs ont été balancés entre les n°9 et n°10. L’exemple le plus marquant est Frédéric Michalak, ce qui lui a sûrement coûté une carrière encore plus immense que ne fut la sienne. D’autres, comme Parra, Pélissié ou Serin, ont connu une formation d’ouvreur avant d’être replacés à la mêlée. Idem pour Doussain même s’il a désormais retrouvé son poste originel. Voilà qui peut expliquer le déséquilibre de la fameuse balance de la charnière...

 

Ntamack, un Ford à la française ?

Il s'agit de la première mesure forte de la FFR version Laporte au sujet de la formation : un joueur a connu un double surclassement avec les U20. D'autant plus interpellant qu'il s'agit d'un ouvreur et l'un des meilleurs espoirs du rugby français. Romain Ntamack a, ainsi, valeur de symbole.

Romain Ntamack, 17 ans et 9 mois, aurait-il affronté l’Écosse avec les moins de 20 ans tricolores sans la terrible déculottée reçue à Exeter, la semaine dernière ? Certainement : le staff des U20 avait demandé à celui des espoirs du Stade toulousain de tester, face à Bayonne, celui qui évolue d’ordinaire avec les Crabos des Rouge et Noir. L’hypothèse Ntamack pour guider le jeu des Bleuets malgré un double surclassement n’est donc pas une lubie, mais une volonté politique. Laquelle est une première.
En effet, sous les précédentes mandatures, jamais un joueur mineur n’avait évolué avec les moins de vingt ans ; la politique fédérale consistant à ne pas brûler les étapes. Il fallut donc l’arrivée de Bernard Laporte à la FFR pour assister à ce virage historique. D’autant plus facile que l’accord parental ne fut pas dur à obtenir : Émile Ntamack est tout sauf un inconnu à la FFR. Il a semble-t-il plutôt poussé auprès de Didier Retière pour le surclassement de sa progéniture… « Oui, Romain Ntamack était une attraction, convenait le manager des U20 Thomas Lièvremont. On n’en a pas trop parlé, ce qui lui a permis de se préparer sereinement. Mais c’est sûr que sa titularisation était un événement. L’essence des sélections de jeunes, c’est de former les joueurs, les faire progresser vers le niveau international. C’est pour cela qu’on préfère les confronter directement au haut niveau, et ne pas trop les protéger. Bien que surclassé, Romain avait été performant lors des oppositions réalisées avec les moins de 19 ans. Il était normal qu’on le voit. Il a répondu à nos attentes. »
Favoritisme ? Non. Le talent et la maturité du jeune Toulousain sautent aux yeux, et ce fut encore le cas vendredi soir contre l’Écosse. Même confronté à des adversaires plus âgés de deux ans, et face à un rythme supérieur à ce qu’il avait jamais connu, « RTK » ne s’est jamais « enlevé », faisant valoir une technique individuelle et une lecture du jeu largement au-dessus de la moyenne. Avec, surtout, une autorité naturelle : du haut de ses 17 ans, le jeune ouvreur avait déjà pris en main le captain run, jeudi, au grand étonnement du staff.. Bête de travail, Ntamack est tout bonnement programmé pour le haut niveau…

 

Objectif coupe du monde 2019

Au point d’être ostensiblement préparé la Coupe du monde 2019 ? Certains pousseront évidemment des cris d’orfraie quant à cette hypothèse, arguant que l’on ne saurait promettre à un gamin pas encore majeur de mener le jeu des Bleus au Japon, dans un peu plus de deux ans, alors qu’il n’aura que vingt ans ! Pourtant, l’idée de la FFR, en accord avec la DTN et le staff des Bleus, semble ancrée.
À force de critiquer la politique de la formation anglaise, les Français semblent finalement en avoir tiré les leçons. « Si des jeunes comme George Ford ou Owen Farrell ont été si précoces, c’est d’abord parce que l’Angleterre n’a pas hésité à les surclasser, mais aussi parce qu’ils se sont toujours entraînés au contact des pros qu’entraînaient leur père, confiait l’entraîneur du FCG, Bernard Jackman, vendredi soir. Si le rugby français se lance dans cette direction, cela ne peut être que bénéfique pour ses jeunes. »
Pourquoi la FFR serait-elle bête au point de ne pas tout mettre en œuvre pour que ses talents précoces, comme Romain Ntamack ou le Toulonnais Louis Carbonel (fils d’Alain), deviennent les grands numéros 10 désespérément attendus par le rugby français, sans parler du deuxième ligne grenoblois Killian Geraci, qui aurait pu connaître un tel double surclassement sans une blessure au doigt contractée avec son club contre le Stade Français ? En réalité, les surclassements seuls ne suffiront pas… D’abord parce qu’à leur âge, ces joueurs ne disposent pas encore de catégorie satisfaisante pour leur épanouissement : un souci structurel sur lequel planche Philippe Rougé-Thomas. Sans parler du problème culturel, qui persiste à voir dans le numéro 10 l’unique dépositaire de la stratégie d’une équipe, et donc le bouc émissaire idéal en cas de défaite.
Derrière le cas Ntamack, une nouvelle perception du poste d’ouvreur et des espoirs tricolores ne serait pas pour nous déplaire plutôt que d’assister, une fois de plus, au sacrifice de purs talents montés trop tôt en épingle…

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