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Grand Chelem 1977 : Paco, après la crise...

Par midi olympique
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Publié le Mis à jour
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Nous poursuivons notre feuilleton historique sur le plus fameux des Grands Chelems français. Il y a quarante ans, le match de Dublin fut celui de la dernière levée, et d’une passe superbe de Paco pour Bastiat. Un Paco une semaine plus tôt terrassé par une crise d’appendicite.

Ce dernier essai de la marche triomphale du grand chelem 1977, il aurait presque pu le marquer lui-même : « On m’a dit que j’aurais pu y aller seul, mais il restait trente mètres à faire et je n’ai pas voulu prendre ce risque.Aguirre m’avait retrouvé en soutien après une percée et j’ai décidé de faire une longue passe à Bastiat sur l’aile car j’ai eu le sentiment de ne pas pouvoir aller au bout. Un ailier revenait à mes côtés et j’ai senti que Jean-Pierre était moins en danger que moi… » Le talonneur Alain Paco se contenta donc du rôle de passeur décisif, ce qui lui permet de rappeler qu’il a joué ses premiers matchs d’élite à l’ouverture avant que Raoul Barrière ne le replace en première ligne. Jean-Pierre Bastiat déclara un jour qu’il était « aussi souple qu’un singe du Cirque Médrano ». Paco valide : « De la souplesse, il en fallait avec ces mêlées qui étaient moins codifiées qu’aujourd’hui. Elles étaient parfois très très basses, au ras du sol et elles s’écroulaient. Il fallait des reins et des cuisses solides pour supporter tout ça. »

Il aime aussi expliquer aux plus jeunes que l’équipe dont il était issu, l’AS Béziers, n’était pas une horde de forts des halles, mais une vraie machine de guerre avec des mécanismes, des combinaisons, des principes et du talent, beaucoup plus que certains jaloux le disaient.« Tous nos avants savaient toucher le ballon, ça donnait des enchaînements de qualité. » Après cet Irlande - France, Raymond Sautet écrivit dans Midi Olympique : « La passe fut beaucoup plus longue qu’elle n’y parut à la télévision. Bastiat se trouvait à huit mètres du Biterrois. Au petit écran, la distance fut considérablement réduite par l’usage du téléobjectif. Ce mouvement eut beaucoup plus d’ampleur et de majesté que n’a pu le rapporter la télévision. »

Même sans cet essai offert à son numéro 8. Alain Paco serait resté associé à cet Irlande - France car il fut aussi celui qui faillit déclarer forfait et briser la pureté de ce grand chelem : le seul jamais réussi par quinze joueurs, sans remplacement en 320 minutes. Paco avait préparé le rendez-vous dans une clinique de Béziers, victime d’une crise aiguë d’appendicite : « On m’en parle souvent. La douleur m’avait réveillé en pleine nuit. On m’avait soigné en disposant énormément de glace sur mon ventre. Puis, l’inflammation a cessé. »

En ces temps pas si reculés, on ne s’embarrassait pas avec les procédures. Le médecin du XV de France, Jean Pène (radiologue à Bordeaux), s’était peut-être fendu d’un coup de fil, mais tout avait été traité « en famille » par le médecin de l’AS Béziers, le docteur Michel Babeau. Quarante ans après, non seulement, il exerce toujours, à Saint-Chinian, mais il s’occupe de l’US Carcassonne, en Pro D2. « Je me souviens qu’il s’était remis très rapidement. À l’époque, on utilisait la glace pour refroidir le foyer de la douleur et pour surseoir à l’opération. La glace avait des effets antalgique et anti-inflammatoire. Maintenant, on ferait des échographies, des prises de sang, des célioscopies pour voir s’il y a une infection. Et Alain n’aurait sûrement pas joué ce match. » On a beaucoup dit que Fouroux et les autres joueurs avaient tout fait pour que Paco joue coûte que coûte, pour construire la légende. L’intéressé minimise. « Oui, il y a eu quelques coups de fil amicaux, nous étions si proches, si unis depuis trois ans. Mais si j’avais dû déclarer forfait, un autre aurait joué à ma place… »

« Le chœur des esclaves » dans les vestiaires

Finalement, il fut bien d’attaque pour défier l’Irlande à Dublin encadré par Paparemborde et Cholley. Dans le vestiaire, Jacques Fouroux fait diffuser le « Chœur des Esclaves » de Nabucco de Verdi pour couvrir le bruit de la foule et du train qui passait sous les tribunes. Au comble de l’excitation, Cholley endommagea le plafond. Dans cette équipe de « bons clients », Alain Paco faisait partie des plus timides. Il n’était pas non plus un distributeur de marrons, ni un fêtard compulsif : « Je n’aimais ni sortir ni boire. En fait, le rugby de maintenant m’aurait parfaitement convenu. » Alain Paco était le fruit parfait de ce rugby concocté par Raoul Barrière à Béziers. « Je n’étais plus un talonneur à l’ancienne. J’intervenais sur toute une série de combinaisons et d’enchaînements. » L’arsenal de Béziers était sans doute supérieur à celui de l’équipe de France qui ne se réunissait que les jeudis qui précédaient les matchs. « Les combinaisons y étaient moins nombreuses et moins sophistiquées qu’à Béziers, nous n’avions pas assez temps. »

Alain Paco a-t-il été sensible au fameux charisme du capitaine Fouroux ? « à Béziers, nous étions habitués aux matchs de phases finales. Personnellement, je n’avais pas besoin de ça pour me motiver. Mais ceux qui jouaient dans des clubs moins gâtés étaient sensibles à cette motivation avant les grands rendez-vous. C’était aussi une question de personnalité, certains étaient meilleurs après avoir été secoués. »

L’essai de Bastiat fit basculer le match, de 9-6 à 15-6. sur leur pelouse particulièrement spongieuse, ces Irlandais n’avaient pas les moyens de revenir.

« Mais sur le moment, je n’ai pas pensé au côté historique, aux statistiques. Nous avons fait une belle soirée avec des Irlandais très sympas, sans pouvoir leur parler.Nous ne pratiquions pas l’Anglais et nous le regrettons aujourd’hui. Nous sommes passés à côté de certaines amitiés. Mais nous nous comprenions par des sourires… »

L’appendice endormi par le froid se rappellerait à son bon souvenir trois semaines plus tard : « Je ne voyais ça que comme une simple inflammation. Je ne pensais pas que ça se terminerait par une opération très sérieuse trois semaines plus tard. En fait, j’ai frôlé la péritonite. Quand il a mis mon appendice dans le haricot, il a explosé immédiatement. Je suis passé à côté d’un truc très sérieux. » 

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