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Le rugby vit au-dessus de ses moyens

Par Arnaud Beurdeley
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L’économie du rugby Le récent projet de fusion - aujourd’hui avorté - entre le Stade français et le Racing 92 pose question : le rugby des clubs vit-il au-dessus de ses moyens ? Comment et pourquoi en est-on arrivé là ? Et quid de l’avenir ? Éléments de réponse…

La fusion avortée entre le Racing 92 et le Stade français aura au moins eu ça de bon : mettre en lumière la fragilité économique du rugby. Ou comment expliquer que deux grands clubs, se classant parmi les plus gros budgets du Top 14, ont cherché à s’unir pour stopper une hémorragie financière. Pour les Soldats roses, le déficit se situe cette saison à plus de huit millions d’euros quand il est de cinq chez le voisin francilien. En 2014, avant l’entrée en vigueur du nouveau contrat télé à 70 millions d’euros par an, le déficit cumulé des clubs de Top 14 atteignait un record de 34 millions d’euros dont trois quarts étaient le fait de trois clubs : le Racing 92, le Stade français et le Castres Olympique. Trois cadors du championnat. « Notamment en raison de la masse salariale, les grands clubs dépensent plus que leurs recettes (billetterie, sponsoring, produits dérivés, N.D.L.R.) », note Christophe Lepetit, économiste du Centre de droit et d’économie du sport (CDES) de Limoges. « Ces déséquilibres d’exploitation structurels, que le foot compense par exemple par les transferts, sont dans le rugby pris en charge par les actionnaires. » Et parfois, ceux-là se lassent. La famille Savare, depuis 2011, y a laissé plus de quarante millions d’euros. Le chiffre est colossal, l’asthénie inévitable. Jacky Lorenzetti demeure discret sur le sujet mais, lui aussi, éponge les dettes chaque fin de saison depuis dix ans.

 

Le rugby des clubs risque-il son « jeudi noir »

Las, les clubs parisiens ne sont pas des cas isolés. N’en déplaise à la Ligue nationale de rugby qui se gargarise un peu plus chaque année d’un budget à la hausse, de recettes toujours plus larges que les épaules de son président, le rugby des clubs est sous oxygène, la faute à un modèle économique basé trop souvent sur le mécénat. Le président du RCT Mourad Boudjellal, qui fait des bénéfices grâce aux produits dérivés et une affluence confortable, a beau claironner que son club se situe dans une « économie réelle », il n’en demeure pas moins dépendant des subventions publiques.

La course à l’échalote fait des ravages. À trop vouloir aller plus haut, plus vite, plus fort, le rugby des clubs risque-il son « jeudi noir » ? « Non, répond encore Christophe Lepetit. Le rugby est probablement, plus que le football, dans une économie réelle. Seulement, comme dans toute activité économique, après une forte période de croissance, il y a toujours une phase de consolidation. Le rugby est en plein dedans, il cherche un second souffle. Les instances ont mis en place des outils de régulations pour ne pas suivre l’exemple de son meilleur ennemi, le football. Et puis, pour indication, le sponsoring représente encore en moyenne la moitié des recettes des clubs. Le rugby n’est pas encore télé-dépendant. »

 

À qui la faute ?

Il y a encore dix ans, quand le rugby surfait sur la vague, les sponsors, justement, venaient associer leur image à un sport « noble ». Sauf que depuis quelques années, les sacro-saintes valeurs ont pris un sérieux coup dans la tronche. En quelques mois, d’affaires de dopage en nuits sauvages, le rugby a condensé quelques-unes des plus belles contre-publicités : Axa a quitté le giron, Dan Carter a été lâché par Land Rover et Moët & Chandon. D’autres s’interrogent. Et ce ne sont pas les récents événements, ni la profonde crise de gouvernance, illustrée par cette guerre puérile entre la Ligue et la Fédération, qui vont les rassurer. Les présidents des clubs professionnels peuvent remercier BeIN Sport d’avoir fait monter les enchères lors du dernier appel d’offres pour les droits TV du Top 14. L’exercice en cours ne vaut assurément pas le prix payé par le diffuseur. « Peut-être, mais le rugby est assuré de disposer de confortables revenus liés aux droits télés puisque le contrat est sécurisé jusqu’en 2023, juge Christophe Lepetit. Mais, c’est ici la seule certitude du moment. »

Paradoxalement, il n’y a jamais eu autant de milliardaires à la tête des clubs français. Un lien de cause à effet ? À coup sûr. Aujourd’hui, c’est à celui qui aura la plus grosse… équipe. Qu’importent les conséquences. Alors justement, parlons-en des outils régulations mis en place. Le Salary Cap ? Que ceux qui ne le contournent pas lèvent la main. Le système des Jiff ? Il a surtout fait flamber les salaires de cette caste. Un exemple ? Clément Ric, pilier droit de son état, c’est aujourd’hui deux millions d’euros sur quatre ans à Lyon. Les vaut-il seulement ? À qui la faute ? À ceux qui ont enfanté ce système ? À ceux qui offrent ces salaires que l’économie du rugby ne peut pas supporter ? Aux joueurs qui se vendent au plus offrant, abandonnant l’amour du maillot pour celui de la monnaie sonnante et trébuchante ? Tous ces acteurs ont leur part de responsabilité sur ce train de vie à la dérive.

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