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« La technique prévaut sur le poids »

Par Simon Valzer
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    « La technique prévaut sur le poids »
Publié le Mis à jour
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L’œil de Didier Sanchez, consultant de la mêlée columérine. Analyse des coulisses d’un secteur du jeu finalement assez méconnu.

Quels sont les grands principes d’action des deux piliers ?

Ils sont sensiblement différents entre le pilier gauche et le pilier droit. L’objectif du pilier gauche, c’est de faire décoller le droitier adverse du sol. Son dos doit être plat comme une table, avec le bassin au même niveau et la tête relevée. Il doit regarder loin sous la mêlée, et chercher à se relever dès l’impact. Le droitier, lui, adopte une position différente. Ses fesses doivent être légèrement plus hautes que ses épaules pour être plus puissant à l’impact, car c’est lui qui va encaisser la plus grande part de la poussée adverse. Le fait d’être légèrement incliné vers le bas va lui permettre de contrer le gaucher adverse, qui va chercher à le relever. L’objectif du droitier, c’est de sortir le gaucher.

On vous a vu insister sur les liaisons entre le talonneur et ses piliers. Pourquoi ?

Personnellement, je préconise que le talonneur saisisse ses piliers juste sous leurs cous, et pas en écartant les bras pour aller les saisir au niveau des côtes. Pourquoi ? Parce que quand il a les bras écartés, il n’a plus de marge de manœuvre pour bouger ou manœuvrer ses piliers. Sans parler de l’éventualité où il tombe… là, il risque sa vie car il ne peut rien faire. Avec une prise courte, il libère ses épaules et peut les contracter. Pour un talonneur, les épaules sont des armes.

Quid des deuxième ligne ?

Ils jouent un rôle délicat dans la préparation car ils doivent caler la première ligne mais sans la pousser au moment du « Liez-vous ». Inversement, les première ligne ne doivent pas s’asseoir sur eux, sinon on crée un déséquilibre. Idem pour le huit, qui ne doit pas pousser l’attelage. Au commandement, l’arrière de la mêlée doit se lever comme un seul homme, mais sans perturber la première ligne. Sur le plan de la position, les deuxième ligne ont le même rôle que le pilier gauche : dos plat comme une table et ils relèvent la tête pour soutenir la première ligne. Quand ils poussent, ils doivent avoir leurs pieds sur la même ligne. Et pour y arriver, je leur demande d’ouvrir leurs hanches et d’écarter leurs appuis quand ils ont encore un genou au sol : de cette façon, ils sont plus stables et n’ont pas à faire un grand pas pour aligner leurs pieds avant de pousser.

Le numéro huit joue-t-il un rôle ?

C’est le stabilisateur de la mêlée. On lui demande donc d’écarter au maximum ses appuis et de coincer ses têtes d’épaules sous les plis fessiers des deuxième ligne, sans les pousser dans un premier temps.

On vous a vu râler quand la préparation de la mêlée était trop longue…

Plus vite on est prêt, mieux c’est. Le travail de l’impact commence bien avant qu’il n’arrive. Une mêlée doit s’assembler rapidement : déjà, le talonneur et ses piliers. Deux secondes. Ensuite, le talonneur, qui est le chef suprême de la mêlée, commande l’entrée de sa deuxième ligne. Deux secondes aussi. Pas plus.

Que pensez-vous de ces innombrables mêlées écroulées, et rejouées en Top 14 ?

Les arbitres doivent ordonner plus rapidement l’introduction. Il faut se mettre à la place des joueurs : quand une tonne rencontre une tonne, on ne peut pas tenir longtemps. Il faut ordonner l’introduction au bout de trois secondes et réintroduire le talonnage rapide du ballon. Souvent, les deux mêlées sont stables, mais personne ne peut lâcher un appui sous peine de céder. Par un talonnage rapide, le ballon sera plus vite digéré et l’on pourra lancer le jeu.

Qu’en est-il de la mode des grands piliers ?

Je pense que le rugby doit rester ouvert à tous. C’est la nature de notre jeu. Être grand ou lourd n’est pas un gage de performance. Un petit pilier peut empêcher un grand de s’allonger, et le contrer. à ce titre, je tiens à dire que la technique prévaut sur le poids : Jean-Pierre Garuet était le meilleur pilier du monde mais il n’a jamais pesé 140 kg. Pareil pour Califano, Ondarts ou Mas. L’important, c’est de travailler en fonction de son gabarit, et des autres. Hamadache ne peut pas travailler comme Domingo. Mais on peut avoir trois première ligne de tailles différentes, avec même 20 centimètres de différence. L’important, c’est qu’avant l’impact, leurs têtes doivent être sur la même ligne.

Quelle qualité physique inattendue doivent travailler les première ligne ?

La souplesse. Un pilier doit être capable de s’asseoir sur ses fesses, en gardant les talons au sol, comme ça (il se lève et s’exécute) Et j’ai 61 ans ! ça, c’est la souplesse des hanches, des ischio-jambiers. Si l’on est souple, on peut être stable au ras du sol. Raide, on se bloque et on se déséquilibre. C’est pour cela qu’Atonio a parfois tendance à lâcher : comme il n’est pas assez souple pour aller très bas, il tombe.

propos recueillis par Simon Valzer

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