Abonnés

« Les Saracens sont des joueurs intelligents »

Par Léo Faure
  • « Les Saracens sont des joueurs intelligents »
    « Les Saracens sont des joueurs intelligents »
Publié le Mis à jour
Partager :

Dimitri Yachvili - Consultant BeIn Sports et ancien N°9 international, analyse le jeu des Saracens au sortir d’une éclatante victoire en finale de Champions Cup face à Clermont.

Le rugby hyper-programmé que pratiquent les Saracens est-il un passage obligé, aujourd’hui ?

Effectivement, on voit qu’ils programment tout sur plusieurs temps de jeu, suivant les zones du terrain et le lancement : mêlée, touche ou renvoi. En revanche, dans chaque programmation et dans chaque combinaison, il y a trois, quatre ou cinq options de jeu différentes. Différentes sorties de balle sont possibles et l’incertitude, du coup, est constante.

La différence entre les deux équipes est-elle collective ou individuelle ?

Les Saracens, ce ne sont que des joueurs intelligents, qui font le bon choix pour mettre le bon joueur dans le bon intervalle. Et ce sont des joueurs qui sont tous capables de faire le geste juste, celui qui va faire la différence. À ce jeu, Wigglesworth et Farrell sont excellents. Ils mettent systématiquement le bon joueur dans l’intervalle, comme on l’a vu sur l’essai de Kruis puis celui de Goode. Il y a des redoublés, deux leurres et tout est parfaitement exécuté. Mais il est marquant de voir que Clermont, qui est la meilleure équipe française actuelle, ne franchit pas cette marche. Au niveau du rythme, ils ont été dépassés. On voyait les mecs s’étirer au bout de cinquante minutes, avec des crampes. C’est la preuve qu’ils ne pouvaient simplement pas rivaliser.

Pourquoi un tel écart ?

Les Saracens prônent ce jeu tous les week-ends depuis le mois d’août, dans leur championnat. En France, on se contente d’un rugby de défi physique. On l’a vu sur les séquences des Clermontois : un jeu trop stéréotypé, où ils ont cherché l’affrontement. Sauf que les Saracens sont hyperefficaces à l’impact. Et là encore, ils les ont largement battus dans ce secteur.

Pour vous, le responsable est premièrement notre championnat ?

Le constat m’a semblé assez clair : la meilleure équipe française a pris 28 points contre une équipe qui est troisième en Angleterre ! Et ce alors que les Clermontois se sont livrés à 100 %, qu’ils ont tout donné. Personne ne s’est sorti. Mais sur des postes clés, certains joueurs ont été dépassés.

Lesquels ?

Camille Lopez a fait une super saison avec Clermont et une belle demi-finale contre le Leinster. Mais samedi, il n’a pas pesé. Et sa pénalité ratée en était trop importante, en fin de match, parce qu’elle leur aurait donné une possibilité de gagner malgré tout. Il doit la mettre. Les grands joueurs sont présents dans les grands rendez-vous. De l’autre côté, je n’ai aucune action négative de Farrell qui me revient en tête. Ça fait un écart. On parle de Lopez, mais d’autres pourraient souffrir le même constat. Il n’est pas le seul à être passé à côté. Ce n’est pas contre lui. Simplement, quand on affronte le champion d’Europe, on se rend mieux compte de la faiblesse de notre championnat et de nos lacunes. Surtout dans ce contexte : je le répète, les Clermontois ont tout donné. Pas un seul ne s’est échappé. Mais la barre était trop haute.

Surpris ?

Surpris, non. Pour connaître très bien le championnat anglais et la Coupe d’Europe, ils sont beaucoup plus proches des standards du rugby moderne. Je n’ai pas été surpris. Je vois le rythme qu’ils mettent à leur rugby, et celui qui préside chez nous. Il n’y a rien à voir.

C’est une révolution globale de notre rugby que vous prônez, au-delà de cette simple défaite ?

Il y a un peu de ça. Je pensais vraiment que Clermont serait capable de proposer un autre jeu, plus de variation et de se projeter vers l’extérieur. Ils avaient déjà trouvé ces solutions en poule, face à l’Ulster et Exeter. Ils étaient capables d’autre chose. Je pense qu’ils ont été pris par l’événement. Un jour de finale, le sac à dos émotionnel est plus lourd. La révolution à Clermont, ce n’est pas celle du rugby. C’est celle de ce contexte des finales perdues qui pèse et dont il faut s’affranchir. On nous dit : « Clermont est maudit en finale ». Mais samedi, Clermont a surtout perdu contre meilleur que lui.

Dans la semaine, David Strettle disait qu’il fallait prendre les Saracens à leur propre rugby, par du jeu au pied de pression. Était-ce la bonne solution ?

Samedi, les Saracens n’auraient fait que jouer au pied ?

Depuis leurs quarante mètres, systématiquement…

À part les Blacks, quelle équipe joue depuis ses quarante mètres ? Les Saracens ne font pas du jeu au pied d’occupation. Ils font du jeu au pied de pression. À la réception, un joueur allait au ballon en cherchant les bras du réceptionneur. Un autre entrait dans le camp des Clermontois pour bloquer la passe. C’est bien construit. En France, on ne fait que du jeu au pied d’occupation, sans trop de but ni de pression. C’est dommage.

Ils ont aussi posé beaucoup de problèmes par leur jeu dans le dos, avec des leurres pour arrêter la défense et un joueur en profondeur pour chercher les extérieurs…

Ça, pas beaucoup d’équipes n’y arrivent. Les structures offensives des Saracens se rapprochent souvent du rugby à XIII. Leur construction reprend les mêmes logiques. Il y a des leurres et d’autres joueurs plus en profondeur. Ensuite, c’est au porteur de balle de faire le bon choix. Mais le plus important, c’est que les joueurs à plat, considérés comme des leurres, s’attendent à être servis à tout moment. Dans leur implication sur la course, le comportement n’est donc pas le même. C’est du bon travail. Le problème, en France, c’est qu’on considère encore qu’un leurre est un passage à vide… C’est une connerie.

Est-ce dans ces situations, pour faire le choix du bon joueur, que Farrell est le plus impressionnant ?

Farrell, mais aussi Wigglesworth. Et ça va même plus loin. Schalk Brits ou Maro Itoje sont aussi capables de faire le bon choix et le bon geste, pour gérer ce genre de situation. Comme je le disais : les Saracens, ce sont avant tout des joueurs intelligents.

L’occupation territoriale est à 69 % en faveur des Saracens…

La preuve que, contrairement à ce qu’on peut entendre, les Saracens ne font pas que jouer au pied. Ils le font depuis les quarante mètres. Mais ensuite, quand ils enclenchent, ils sont capables de tenir le ballon sur de très longues séquences.

Avec une telle statistique, le score est-il finalement bienveillant pour Clermont ?

Il est au moins logique. C’est dur, parce que les Clermontois ont vraiment tout donné. Ils ont été vaillants. Mais ils ont aussi été dépassés, techniquement et sur la vitesse.

propos recueillis par Léo Faure

Vous êtes hors-jeu !

Cet article est réservé aux abonnés.

Profitez de notre offre pour lire la suite.

Abonnement SANS ENGAGEMENT à partir de

0,99€ le premier mois

Je m'abonne
Voir les commentaires
Réagir
Vous avez droit à 3 commentaires par jour. Pour contribuer en illimité, abonnez vous. S'abonner

Souhaitez-vous recevoir une notification lors de la réponse d’un(e) internaute à votre commentaire ?