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Ewange-Epée : « oui j'ai peur »

Par Jérôme Prévot
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    Ewange-Epée : « oui j'ai peur »
Publié le Mis à jour
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Maryse Ewange-Epée est une ancienne championne d’athlétisme devenue journaliste sur RMC, et maman d’un joueur de 15 ans qui a intégré le pré-centre de formation de Massy. Elle se pose beaucoup de questions sur les risques de notre sport.

Avez-vous le sentiment que le rugby soit devenu dangereux ?

Peut-être que le fait que je sois une maman de joueur amplifie ce sentiment. Mais oui, j’ai peur, d’autant plus que je constate que dans les centres de formation au moment du recrutement, on privilégie les gabarits. Chez les cadets, on recrute des gamins doués certes, mais qui doivent s’approcher des cent kilos et du mètre quatre-vingt-dix.

Qu’est ce qui vous surprend quand vous le voyez jouer où s’entraîner ?

Je vois déjà les chocs qu’il subit à son âge et je les trouve importants et trop fréquents. Il fait des entraînements très intenses avec des joueurs très costauds et il fait des exercices qui sont un mélange de sprint, d’endurance et de force, tout ça sur des organismes jeunes et pas assez constitués. J’en ai parlé à Jean-Charles Trouabal dont le fils est aussi à Massy. Lui aussi s’inquiète car il trouve qu’on demande un engagement très fort athlétiquement à des jeunes qui ne savent pas courir. Si on ne sait pas courir en ligne droite, il ne faut pas demander à des jeunes de faire des crochets ou des cadrages débordements, les chevilles vont y rester.

Remarquez-vous une inquiétude ou une désaffection chez les parents des jeunes rugbymen ?

Pas spécialement. Je me suis dit que peut-être que notre inquiétude s’explique aussi par le fait que nous venions de l’athlétisme car j’ai remarqué que les parents des jeunes rugbymen sont souvent d’anciens rugbymen ou des épouses d’anciens rugbymen. Pour eux, le rugby est une vraie famille et une vraie culture mais quand je parle avec des mamans, elles finissent par remarquer qu’elles sont toujours aux soins ou au massage ou à l’infirmerie. Il n’y a pas un week-end où elles n’ont pas un problème à résoudre.

Y a-t-il des règles ou des phases de jeu qui vous semblent problématiques ?

Je ne suis pas assez spécialiste pour argumenter sur les règles. La mêlée évidemment avec le risque pour les cervicales. Il y a aussi l’engagement terrible des gamins dans les rucks. Ils ont des corps en pleine croissance mais ils ont des poids et des gabarits de seniors. On envoie au combat des jeunes taureaux qui ne sont pas prêts. J’ai quand même l’impression qu’il y a quand même de plus en plus de blessures. Il n’y a pas un match où il ne revient pas en vrac. Cela me gêne de voir que mon fils s’est déjà cassé le nez et qu’il soit déjà revenu avec un genou en vrac. Je reconnais que je ne suis peut-être pas objective… Peut-être que s’il faisait de la boxe, je réagirais de la même manière.

Le père de votre fils a joué au rugby. Voyez-vous une différence entre le rugby qu’il pratiquait et celui d’aujourd’hui ?

Justement, mon ancien compagnon, Marc Maury se vantait d’avoir fait près de vingt ans de rugby sans s’être cassé le nez. Aujourd’hui, ce serait impossible.

On dit que les jeunes joueurs cherchent à imiter ce qu’ils voient à la télé…

Oui, même dans les attitudes de la vie de tous les jours. Je n’aime pas voir mon fils jouer les gros durs pour en rajouter… J’ai envie de dire aux éducateurs : allez-y mollo dans le discours : « On est des hommes. » J’ai aussi du mal à comprendre qu’on demande à un gosse d’être à la fois très rapide, très puissant et très endurant. Il fut une époque où il y avait les rapides, les endurants et les costauds. On ne peut pas entraîner un gamin de 80 kilos comme un gamin de 130 kilos. Je suis entraîneur d’athlétisme et je fais la différence entre les statures de mes élèves. Au rugby, on me dit qu’un deuxième ligne doit presque pouvoir jouer flanker et ainsi de suite dans l’ordre des postes. Je n’y crois pas. On a inventé ça et on envoie les jeunes à l’abattoir.

 

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