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Le triomphe de Londres

Par Pierre-Laurent Gou
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Des salons d’un casino londonien à la brasserie Lipp à Paris, voici le récit des deux jours qui ont apporté à la France le Mondial 2023.

Bernard Laporte et Claude Atcher, les deux hommes clefs de la candidature française, ont vécu leur ultime soirée de candidats à l’obtention d’un Mondial dans un casino. Non qu’après trois jours passés dans la grisaille de Londres ils aient décidé de jouer leur destin à la roulette... mais plutôt pour avancer les derniers pions du projet France 2023. S’ils ont choisi l’Hippodrome Casino de Londres comme cadre, c’était avant tout parce que, dans cet établissement, ils étaient certains de pouvoir assister en direct, sur écran géant, au France - All Blacks de Lyon de mardi soir. Le coup d’envoi va être donné quand les deux hommes retrouvent l’ancien président de Bordeaux, Kevin Venkiah, aujourd’hui président de la Fédération mauricienne. Venkiah, resté proche de Laporte, s’est organisé pour que, dans un salon de l’établissement, soit diffusée la rencontre. Il a invité d’autres présidents de fédérations qui ne participeront pas au vote du lendemain, la plupart venus des pays de l’Afrique francophone. Le match défile sans son mais le premier supporter des Bleus, Bernard Laporte, se charge des commentaires. Au moment où Marc Tauleigne se fait agresser par le Néo-Zélandais Patrick Tuipulotu, son sang ne fait qu’un tour d’autant que le Black n’est pas sanctionné d’un carton jaune. Appel téléphonique à l’arbitre Joël Jutge qui, quelques secondes après, lui confirme que l’action méritait une punition plus sévère. Malgré le soutien démonstratif de leur président, les Tricolores s’inclinent sur le pré… Laporte enfile alors son costume de patron du rugby français pour échanger avec ses homologues à propos du vote du lendemain. Au cours du dîner, le camp français aimerait sécuriser les possibles voix venues d’Asie, d’Afrique et d’Océanie. Peu avant minuit, Bernard Laporte et Claude Atcher regagnent le Royal Garden hôtel. « S’il n’y a pas d’entourloupe de dernière minute et que tout le monde respecte sa parole… », glisse, avec un brin d’inquiétude, Claude Atcher, au moment de rejoindre sa chambre.

Tension palpable à quelques minutes du vote

Mercredi matin, avant le vote, Bernard Laporte doit assister au conseil de World Rugby en compagnie de Serge Simon, qui a débarqué en Angleterre aux aurores pour gérer les affaires courantes du ballon ovale. De son côté, Claude Atcher arpente une énième fois le hall de l’hôtel. Pour la première fois depuis dimanche qu’ils sont arrivés sur les lieux du vote, les Français paraissent soucieux. Le trésorier de la FFR, Alexandre Martinez se veut rassurant. « Avec tout le travail qui a été effectué en amont… ». Seulement, il y a le vote. À «H » moins 45 minutes, suivant le protocole, l’ensemble de la délégation française est cloisonné dans une toute petite pièce. Même traitement pour l’Afrique du Sud et l’Irlande.«H» moins 30 minutes. Le vote commence. Au deuxième étage de l’hôtel sont réunis les 18 présidents de fédérations et confédérations continentales, qui doivent prendre part au vote, plus Bill Beaumont président de World Rugby, Agustin Pichot son vice-président et Brett Gosper le directeur général de l’institution. Un à un, les « électeurs » se rendent dans la pièce où sont disposés un isoloir et une urne, contrôlés par deux huissiers assermentés par l’institution. Le dépouillement du 1er tour se fait en présence de tous les votants. « Il y a eu, au fur et à mesure que les huissiers montraient les bulletins de votes pour la France, un vrai effet de surprise. Les Français étaient favoris mais pas au point d’être à deux voix de l’emporter au premier tour », nous indiquera Aziz Bougja, président de Rugby Afrique présent dans la salle. 18 pour la France, 13 pour l’Afrique du Sud et 8 pour l’Irlande. Le deuxième tour se déroulera dans une ambiance « plus décontractée », dixit Bougja. Il faut dire qu’il n’y a plus de suspense pour les présents. Pourtant rien ne filtre. Deux étages plus bas, la tension est à son comble. « J’essayais de ne pas le montrer mais j’étais comme un lion en cage », avouera Bernard Laporte quelques heures plus tard. Seuls Gosper, Pichot et Beaumont assisteront au deuxième dépouillement. Les votants ont rejoint candidats et journalistes qui attendent le verdict.

Les larmes dans un salon parisien

À 14 heures, Bill Beaumont prend la parole : « Mesdames et Messieurs, c’est avec un grand plaisir que j’annonce que le pays hôte de la Coupe du monde 2023 est… la France.» Quelques applaudissements, Claude Atcher et Bernard Laporte se félicitent front contre front, Serge Simon, entre les deux, tient leurs mains fermement serrées. Le camp français, tout en retenue, savoure. Quelques minutes plus tard et après avoir répondu aux questions de la presse, dans un couloir, une Marseillaise est entonnée par Bernard Laporte et Claude Atcher. On immortalise l’instant devant le Trophée Webb-Ellis, le portable du président de la FFR est inondé de SMS. Parmi les tout premiers, un le touche particulièrement, celui de Paul Goze, président de la LNR, avec qui les sujets de désaccord ne manquent pas, qui le félicite chaleureusement. Laporte en fait écho à ses troupes. À peine une heure plus tard, la délégation française est déjà en route pour la gare de Saint-Pancras pour prendre l’Eurostar qui doit la ramener peu avant 20 heures à Paris. Dans le wagon bar, l’ambiance est bon enfant. Le président de la FFR y pousse la chansonnette sur les airs les plus connus de Joe Dassin. À l’arrivée en Gare du Nord, plusieurs duplex avec des chaînes de télévision l’attendent. L’heure est enfin à la troisième mi-temps. Laporte ne veut pas quitter son équipe et emmène tout le monde à la brasserie Lipp où il a l’habitude de prendre son café matinal. Il est près de 22 heures quand il débarque avec proches et intimes. Un salon leur a été réservé au premier étage. C’est le moment de partager la victoire, de verser quelques larmes, de libérer enfin ses émotions et apprécier cette victoire historique en terre anglaise.

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