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Pour une poignée de dollars

Par Léo Faure
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Publié le Mis à jour
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Et si, finalement, c’était bien Jacky Lorenzetti qui avait raison ? ça étonne, hein ? Le Racing 92 est une proie privilégiée des sarcasmes et son président, homme d’affaires à la fortune érigée loin des méandres sociologiques du rugby, un personnage transgressif des codes historiques de ce sport.

Alors, cette semaine, lorsque pointa l’idée d’une location de son stade à des artistes, obligeant à délocaliser des matchs de son équipe, les critiques ont plu. Lorenzetti est pourtant fidèle à ses annonces jusqu’au-boutistes : la U Arena est une salle de spectacle. Le rugby est un spectacle parmi d’autres. Donc soumis à la concurrence. Et il faut bien admettre qu’entre le collé serré de Beyonce-Jay Z et une première ligne Afatia-Chat-Tameifuna, le glamour a choisi son camp. La logique financière aussi.

C’est finalement tout ce qui guide ce sport aujourd’hui. Sans romantisme aucun, seulement guidé par le pragmatisme du chiffre. La bonne hypocrisie veut qu’on s’en plaigne, pour sa quiétude morale. Que c’était mieux avant, forcément. La vérité factuelle, c’est que ce nouveau rugby élargit aussi son public en même temps qu’il se coupe du plus traditionnel.

Jacky Lorenzetti a multiplié par deux son affluence au stade le jour où il a fait passer son XV mondial des vestiges de Colombes au vaisseau de Nanterre. Sa bonne connaissance du droit du travail lui a permis de ponctionner 1,5 million d’euros à un concurrent direct (Mohed Altrad), pour un Johan Goosen qui ne voulait de toute façon plus porter le maillot Ciel et Blanc. Vous apprendrez dans ce journal qu’il s’apprête à en réinvestir plus de la moitié pour arracher aux Toulousains le trois-quarts centre le plus prometteur du Top 14. Parce que Lorenzetti évite finalement ce qu’on a reproché à tant de clubs : faire vivre son club à crédit, jusqu’à le mettre en proie à la banqueroute. Pour investir, il faut des recettes. Et le Racing 92 s’efforce donc d’en trouver, comme le Stade toulousain lorsqu’il pense à lâcher un de ses plus beaux joyaux, afin de rééquilibrer ses comptes.

Le constat est cynique, presque violent. Il est pourtant fidèle à la réalité du jour. Le rugby des grandes villes et de leurs investisseurs, promis depuis une décennie, est désormais dans la place. Quand Lyon et Pau briguent leur première qualification en Top 14, Dax et Narbonne disparaissent du monde professionnel. Le rugby des étudiants, fraternel et éducatif, n’est plus celui de notre élite et peine même à se sédimenter dans les strates amateurs, où l’on constate un recrutement international en Fédérale 3 et des champions du monde de la promotion d’honneur à 1 200 euros par mois. Le regretter ? Sûrement. Mais constater aussi qu’il est trop tard. Que le rugby professionnel de France a survolé le « better people make better player »* sans y poser les serres. À l’éducatif, il a préféré le spectaculaire. Au prix fort.

* De meilleures personnes font de meilleurs joueurs, le mantra des All Blacks depuis le milieu des années 2000.

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