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Par Emmanuel Massicard
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La multiplication des remplacements au fil du match -jusqu’à douze cette saison- est évidemment légitimée par l’impérieuse nécessité de protéger les joueurs face au danger que représentent les commotions cérébrales. Il n’est pas question de remettre en cause ce principe qui, sur le papier et en théorie, offre aux entraîneurs la possibilité de moins exposer leurs hommes et, clairement, de les protéger.

Pour autant, soyons lucides. Même si depuis de très - trop- nombreuses années les staffs techniques ont jonglé avec les règlements pour multiplier les remplacements, cette mesure portée par l’observatoire médical LNR/FFR est loin de remporter tous les suffrages. S’il faut attendre la fin de saison pour tirer un bilan complet et mesurer les effets sur la santé des joueurs, elle nous semble aujourd’hui clairement présenter le risque de porter l’intensité du combat physique des limites du raisonnable.

S’ils répondent aux codes du sport spectacle qui, à l’image du football américain ou du basket, ne tolère aucune baisse de régime, ces changements à tout-va vont multiplier les cas de déséquilibres physiques entre des joueurs surpuissants et frais avec d’autres qui joueraient la totalité d’une rencontre. Le danger est bien réel et il ne saurait être ignoré au nom du principe de prévention. Surtout, s’il est utilisé à l’extrême, ce dispositif pourrait modifier en profondeur la nature même de ce jeu, qui deviendrait encore plus stratégique, avec des entrées et sorties incessantes. En dispensant les acteurs de l’obligation de durer qui est inscrite dans l’ADN de notre discipline, le rugby serait offert aux joueurs les plus puissants, appelés à tout donner avant d’être remplacés au moindre signe de fatigue venu. Évidemment, nous y gagnerions en intensité et, du coup, en spectacle. Mais est-ce vraiment dans l’intérêt du joueur et, surtout, de sa santé ? Permettez-nous d’en douter;

À tout dire, nous verrions davantage de sens à la restriction drastique du nombre de remplacements (pourquoi par quatre ou cinq au maximum), comme certains le défendent aujourd’hui. C’est à prix, en redonnant du sens au travail d’usure, que l’on fera baisser l’intensité des chocs, du combat, et que l’on se dirigera vers des profils de joueurs différents : moins lourds, moins puissants, plus légers et plus endurants. On peut toujours rêver et la marche de l’histoire ne s’est pas engagée sur ce modèle. Pour autant, le rugby ne pourra pas éternellement mener un tel train d’enfer, toujours plus dense et toujours plus puissant, suivant ici les us et coutumes de notre société. À ce rythme, nous n’aurons bientôt plus qu’à supprimer toute limitation du nombre de remplacements, et aligner 15 joueurs sur le banc pour mieux changer d’équipe à la mi-temps… Ce serait la fin de l’hypocrisie. La fin de notre rugby.

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