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Le sens froid de l'Histoire

Par Léo Faure
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Publié le Mis à jour
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Les Anglais, donc, y réfléchissent désormais officiellement : supprimer les relégations, fermer leur championnat, sucrer les phases finales dans le plus extrême des scénarios et offrir à leurs clubs le confort d’un maintien assuré avant même de débuter la saison, pour les heureux élus d’une première division close (qui seraient alors treize, contre douze clubs aujourd’hui en Premiership). Acceptant, au passage, la frustration immense d’une promotion qui ne viendrait jamais, pour les clubs dominants de leur deuxième division.

Le vent d’émotion qui en découle est légitime. En procédant ainsi, les institutions anglaises flingueraient une belle dose du piment qui rythme une saison de clubs. La course au maintien, ses mélodrames et ses sentiments de petite mort tiennent en tension une moitié des publics, pour qui la qualification est une illusion mais qui, de fait, se retrouve au stade pour y défendre un enjeu de survie tout aussi saisissant.

C’est que l’Anglais est pragmatique, voyez-vous. À ses problèmes, il oppose des solutions concrètes, efficaces bien que dénuées d’émotion. À ses grands discours, il fait suivre les actes. Le XV de la Rose, trop inconstant pour se poser clairement en favori d’une future Coupe du monde, doit être au centre de toutes les préoccupations ? La Ligue fermée, alors, est un fabuleux levier de progression. Et le chantier s’ouvre.

En toile de fond, il y a l’idée de la place faite aux jeunes et au droit qu’on leur accorde à apprendre, donc à se tromper. Grand sage de sa profession, le All Black Benson Stanley expliquait un jour ceci de notre rugby : « Vous avez de super jeunes, en France. Votre problème, c’est que vous ne leur laissez jamais le temps de se tromper. Pour qu’un bon jeune devienne un grand joueur, il faut qu’il fasse perdre son équipe. Plusieurs fois, si possible. Il faut savoir l’accepter. Il n’y a qu’ainsi qu’il progressera. » Comprenez que, dans ce sud d’où il vient, il n’y a pas de relégation. Qu’une équipe peut se permettre de lancer une vague de gamins, de sacrifier une, deux ou trois saisons s’il le faut pour les voir éclore, avant de retrouver les premiers rôles du championnat.

Ce scénario est impossible en France, où une relégation fait peser de tels risques financiers sur un club que personne ne s’y risque. Un jeune Français devrait être bon, tout de suite, et digérer sans attendre la pression qui accompagne un sport professionnel.

Les Anglais, piétinant du même coup la part émotionnelle du sport, ouvrent un chantier qui, s’il aboutit, sera un pas immense vers un nouveau monde. Celui où les gamins auraient le temps d’apprendre. Celui où nos moins de vingt ans, récemment champions du monde de leur catégorie, multiplieraient déjà leur temps de jeu par cinq et seraient finalement prêts, en 2023, pour cette Coupe du monde qu’on leur promet. Un monde où l’initiative, sur un terrain, serait une prise de responsabilité et plus jamais une prise de risque, engageant un club tout entier.

Cette construction est la plus rationnelle et, sans aucun doute, la plus efficace. C’est un pincement au cœur de le dire, tant on aime l’angoisse de ces week-ends de fin de saison où tout se joue sur un coup de dé, mais c’est le sens de l’histoire.

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