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L'illusion d'une île

Par Léo Faure
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Publié le Mis à jour
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Ce serait si facile que, in fine, c’en est illusoire. Comme s’il suffisait, par effet mécanique, d’être champion du monde junior pour devenir, immédiatement, un prétendant au sacre planétaire chez les grands. Ce serait trop facile, vraiment. Mais ça ne l’est pas. Et tout s’explique.

Mathématiquement, d’abord : être champion du monde junior, c’est être la meilleure équipe de son année (les joueurs nés en 1998 et 1999, pour ce qui est des derniers Français). L’équipe qui sera sacrée championne du monde au Japon, le 2 novembre prochain, satisfera un spectre beaucoup plus large. Elle sera la quintessence de quinze ans de formations, le nectar d’une tranche d’âge entière, de 20 à 35 ans.

Pour gagner, il ne faut pas disposer d’une génération dorée seulement. Il en faut cinq, six ou sept, pour en extraire le diamant. Ce dont disposent les Anglais, les Néo-Zélandais ou même les Irlandais, qui sortent un « top player » par année et, en les additionnant, constituent une équipe de premier rang mondial. Sébastien Piqueronies, le mentor protecteur des derniers champions du monde, a raison lorsqu’il affirme, ci-contre : "l’emporter une fois n’a, à mes yeux, pas grande valeur. Si on arrive à le faire, deux ou trois fois, là, d’accord." Il n’y a qu’ainsi que le rugby français, sa vitrine en tout cas, retrouver de la gueule.

En attendant, que faire de nos mômes de juin ? Les jeter sans plus attendre dans la fosse aux lions ? Il serait illusoire de penser que leur seul talent, bien qu’immense, suffirait à résoudre les maux de tout un sport. Ces gamins jouent déjà dans leur club, pour la grande majorité, comme le prouvent les chiffres du dossier qui vous est ici proposé. C’est bien. Souvent, ils y sont en valeur. C’est encore mieux. Mais leur parcours est encore long, caillouteux et bien incertain avant d’en faire des internationaux stables, affirmés et confirmés.

Prenez Romain Ntamack. Il brille à Toulouse, depuis le début de la saison, certainement comme aucun autre centre français. C’est vrai. Mais il le fait chez lui, dans son club, au sein d’une équipe qu’il connaît depuis deux ans et son intégration aux entraînements du groupe professionnel. Sur le terrain comme dans le vestiaire, il est aujourd’hui légitime et naturel. Ntamack s’éclate au sein d’un collectif qui partage sa philosophie du mouvement et qui, depuis quatre mois, marche sur l’eau. Serait-il aussi bon sous le maillot bleu ? Garderait-il cette spontanéité, qui fait aujourd’hui toute l’expression de son talent immense ? On peut en douter, tant le contexte bleu est peu propice à l’épanouissement.

Le jeter aujourd’hui au front bleu, au feu, serait le meilleur moyen de le brûler. Lui comme les autres. Ces gamins portent, sans le savoir, une partie de notre avenir. On ne parle pas là que de résultats mais de manière de jouer et d’être, de jeu et d’hommes. Laissons les vivre. Préservons-les de l’immense stress qui règne autour de cette équipe de France, plus encore en ces périodes ternes. 2023 leur appartient ? C’est possible. À condition de les laisser mûrir, vivre, se tromper, recommencer et, au bout du chemin, apprendre leur métier. Leur tour viendra. Il sera radieux, pour un peu qu’on leur en est donné le temps.

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