Elissalde: "Peut-être un tour d'honneur en trop"

Par Rugbyrama
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Publié le Mis à jour
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Notre site poursuit les rétrospectives des 6 Coupes du monde qui se sont tenues dans l'histoire du rugby. Place à l'édition 2007. Pour une première édition organisée en France, les Bleus ont déçu au final. Retour sans concession sur l'événement avec l'ancien demi de mêlée, Jean-Baptiste Elissalde.

Commençons par le commencement. D’entrée, vous perdez contre l’Argentine même si vous ne jouez pas ce jour là. Le costume de favori était-il trop lourd à porter ?

Jean-Baptiste ELISSALDE. Nous étions certainement un peu submergés par l'évènement. Il y avait beaucoup d'émotion. Les titulaires étaient tendus, on sentait l'attente qui pesait autour de nous. On parlait beaucoup de nous à la télévision, un hélicoptère nous suivait depuis Marcoussis, il y avait des motos de la police pour nous encadrer... Bref, tout cela contribuait à nous faire sentir que nous étions investis d'une mission. On a plus pensé à ça qu'au rugby. On ne s'est pas dit : "ce n'est qu'un match de rugby". En revoyant les images de l'hymne, on remarque que la moitié des joueurs pleure. C'était n'importe quoi. Après le match, on est redescendu sur terre. Cela a peut-être servi à nous mettre immédiatement dans la tête qu'on allait jouer les Blacks.

La lettre de Guy Môquet, avant le match d'ouverture, c'était de trop ?

J-B E. : On essayait de se raccrocher à des phrases, à des signes. Bernard (Laporte, NDLR) a pensé que ça allait déclencher des vertus chez nous. C'a plutôt contribué à rajouter de l'émotion superflue. Et cela nous a encore plus tendus qu'autre chose...

Ce quart de finale contre la Nouvelle-Zélande reste-t-il votre plus beau souvenir en tant que joueur de rugby ?

J-B E. : Avec l'équipe de France, cela reste mon meilleur souvenir. Si on avait abordé l'Argentine comme nous avons abordé les Blacks, je pense qu'on aurait gagné. Il y a eu une prise de conscience tactique sur ce match. Nous n'allions pas nous jeter dans un rugby débridé. On a tenté de les mettre sous pression par notre jeu au pied. C'a bien marché, même si on a subi le début de match. Mais les valeurs morales de l'équipe ont fait que l'on a bien tenu. Je me dis que si on joue ce match dix fois, on le gagne deux fois. Nous avons eu un peu de chance. Il y a un en-avant que l'arbitre ne voit pas, les Blacks déjouent... Et puis à la fin du match, nous étions dans l'iréel. Moi, je rentre dans les vestiaires, je ne fais pas le tour d'honneur. Je passe quelques coups de fils, à mes proches notamment. Et là, je me dis que ce n'est pas fini. Ce jour-là, on s'est vu trop beau. Il fallait très vite redescendre sur terre. Il y a peut-être eu un tour d'honneur en trop. C'était un grand moment qui aurait dû être évacué plus vite.

Que se passe-t-il dans votre tête quand vous dégagez le dernier ballon en touche ?

J-B E. : A partir de la 78e, je ne regarde que le chrono. Je vois que les Blacks vont tenter de remonter le ballon, alors j'abandonne le deuxième rideau, je viens colmater les brèches. Et puis Sébastien Chabal gratte le ballon. Je le récupère et je me dis "allez, cours". Je ne pense à rien, je veux juste le mettre en touche. Je profite à fond de ces cinq secondes, vu qu'en plus, ce jour-là, je n'ai pas beaucoup eu l'occasion de courir avec le ballon (rires).

Et puis avant le match, il y a eu ce haka...

J-B E. : Le haka en lui-même, on a tous envie de le vivre en tant qu'adversaire. Je n'étais pas très chaud pour me mettre en bleu-blanc-rouge. Je me suis dit que ça allait les exciter encore plus (rires). Moi, je ne les regarde pas, je n'ai pas besoin de ça pour me motiver. J'ai les yeux dans le vide. Et je pense aux miens.

Que vous a-t-il manqué pour battre l'Angleterre en demi-finale ?

J-B E. : Je reste persuadé que Bernard (Laporte, NDLR) aurait dû effectuer trois ou quatre changements. Nous avions quelques joueurs qui étaient vraiment fatigués. Serge Betsen, par exemple, qui est mis K-O après cinq minutes de jeu. Nous aurions aussi peut-être pu essayer de mettre Fred (Michalak, NDLR) à l'ouverture, de replacer Damien (Traille, NDLR) au centre et Clément (Poitrenaud, NDLR) à l'arrière... Pour autant, je ne lui en veux pas. Nous sommes restés dans le même schéma de jeu alors que nous aurions dû en changer. Mais sortir des joueurs qui font un super match, contre les Blacks de surcroît, c'est vraiment dur. Qui l'aurait fait ? Maintenant que je suis entraîneur, c'est quelque chose dont je me rends vraiment compte. Le match en lui-même, c'était un match typique contre les Anglais. Les mecs te crucifient parce qu'ils sont froids, parce qu'ils sont british. Nous étions trop pauvres sur le plan physique et dans le contenu. Nous n'avons rien fait d'exceptionnel, eux non plus d'ailleurs. Nous n'avions pas les ressources pour créer le danger. Ce match restera le plus grand regret de ma carrière. Car je pense que derrière, la finale était acquise. Tu ne peux pas perdre chez toi en finale de Coupe du monde.

Cette dernière sortie manquée contre l'Argentine (34-10), comment l'expliquez-vous ?

J-B E. : Après l'Angleterre, la Coupe du monde était finie. Que l'on termine troisième ou quatrième, il n'y a pas de médaille. Il faut faire premier, c'est tout. Alors il y a eu une démobilisation générale. Nos épouses reviennent nous voir, on sent que la Coupe du monde va se terminer. On ne s'entraîne plus comme il faut. Et puis il faut dire que les Argentins ont eu un grand cru cette année-là. Nous, nous n'avions plus envie. Au soir de l'Angleterre, c'était fini. Nous étions trop abattus.

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