Quand les mecs de 130 kg causent, ceux de 100 les écoutent...

  • Coupe du monde 2019 - Tendai Mtawarira (Afrique du Sud)
    Coupe du monde 2019 - Tendai Mtawarira (Afrique du Sud)
  • Coupe du monde 2019 - Steven Kitshoff et Tendai Mtawarira (Afrique du Sud)
    Coupe du monde 2019 - Steven Kitshoff et Tendai Mtawarira (Afrique du Sud)
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COUPE DU MONDE 2019 - Le Mondial au Japon, ce fut des stades pleins, les grondements du typhon Hagibis, les sauts de chat des Cherry Blossom et, au bout du bout, la force brute des Springboks, ces rugbymen pas comme les autres...

Que retiendra-t-on de ce Mondial au Japon dans une semaine, un mois, dix ans ? On pourrait vous mentir et jurer nos grands dieux que le peuple du rugby rêvera encore longtemps aux lignes brisées de Virimi Vakatawa, aux éclairs de Cheslin Kolbe, à la gestuelle de Richie Mounga'a ou la finesse de Kenki Fukuoka, cet ailier qui semble danser sur un fil. Mais au rugby comme ailleurs, c'est le dernier qui a parlé qui a raison et à Yokohama, les Springboks ont piétiné ce qu'il restait d'arguments aux grands prêcheurs du jeu total, aux bonimenteurs qui avaient voulu nous faire croire, au fil de ces sept semaines de compétition, que la nature profonde de ce sport de combat était en train de changer.

Au rugby comme ailleurs, quand les mecs de 130 kg causent, ceux de 100 les écoutent et pour avoir osé croire le contraire, Eddie Jones et les Anglais ont donc quitté le Japon la mine lasse et le corps meurtri. Les Boks ? On aime ou on déteste et à ce titre, voir Handré Pollard jouer à dix mètres de sa ligne d'avantage a parfois de quoi agacer. Mais on ne peut rester insensible à cette puissance brute, ce déchaînement presque animal, cette agressivité confinant parfois à la violence et qu'ils sont nombreux à l'avoir côtoyé de près. Tom Lyons, un supporter des Lions britanniques en tournée en Afrique du Sud, racontait ceci à son épouse Suzanne dans une lettre postée le 11 juillet 1954 : "C'est comme si nous avions débarqué dans un autre monde, mon aimée. Ces paysans Boers sont tellement rugueux que je jurerais qu'ils travaillent leur défense en plaquant des buffles. Les Springboks jouent au rugby comme on fait la guerre."

L'hypothèse en vaut une autre. D'après l'étude d'un universitaire de Stellenbosch, le rugby, introduit là-bas par les Britanniques en 1870, incarne encore, pour certains Afrikaners, le moyen de prendre une revanche sanglante sur l'envahisseur. Dans son autobiographie, l'ancien deuxième-ligne Mark Andrews écrit : "Les camps de concentration de la guerre des Boers sont restés dans la psyché sud-africaine. Quand on affronte les Anglais, il y a, dans l'air, ce violent désir de venger nos arrières grands-pères."

Coupe du monde 2019 - Steven Kitshoff et Tendai Mtawarira (Afrique du Sud)
Coupe du monde 2019 - Steven Kitshoff et Tendai Mtawarira (Afrique du Sud)

Désormais "Black, Blanc, Boks" (il y avait six joueurs de couleur au coup d'envoi de la dernière finale), le rugby sud-africain prospère encore sur le culte de la force qui a fait sa réputation, continue de se nourrir de légendes vieilles comme le monde. La plus célèbre raconte l'aventure d'Andy Mac Donald, pilier des Springboks dans les années 60. Un soir d'été, alors qu'il menait son troupeau vers les plateaux du High Veld, le fermier croisa le chemin d'un lion. Dans le combat qui l'opposa à la bête, Mac Donald perdit une oreille et deux doigts. Plus tard, 400 points de suture constellèrent son corps lacéré par les griffes du fauve, dont le poids fut estimé à 180 kg par les garde-forestiers. "J'ai passé ma main dans sa mâchoire, contait alors Mac Donald. Le lion m'a bouffé le pouce et l'index, avant de lâcher prise. Ce jour là, j'ai cessé d'être un homme comme les autres."

Raj Ramesar, professeur à l'université de Port Elizabeth, éclaircit le mystère de façon plus scientifique : "Les Afrikaners sont des descendants des Hollandais, l'un des peuples les plus grands du monde. Mais la sélection génétique a également fait son œuvre au fil des siècles. À leur arrivée dans le Veld, aux pires moments de la guerre ayant opposé les Boers aux Zulus, seuls les spécimen les plus forts ont survécu." Et ceux-là ont enfanté les rugbymen les plus puissants de la planète, champions du monde en 1995, 2007 et 2019. Des surhommes qui nous rappellent tous les douze ans qu'au-delà d'être un jeu d'évitement, le rugby est un sport d'affrontement...

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