Yahé: "Je pouvais ne pas me réveiller ou finir ma vie avec un cerveau éteint"

  • Marie Alice Yahé - France - Etats Unis - 24 novembre 2012
    Marie Alice Yahé - France - Etats Unis - 24 novembre 2012
  • Marie Alice Yahé contrainte de mettre un terme à sa carrière
    Marie Alice Yahé contrainte de mettre un terme à sa carrière
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Avertie des dangers qu'elle encourait à continuer le rugby après cinq commotions cérébrales, Marie-Alice Yahé a évoqué avec émotion sa fin de carrière.

Début mai, le vague à l’âme, la capitaine de l’équipe de France Féminines, Marie-Alice Yahé (29 ans), avait annoncé la fin de sa carrière sportive après "des K.O à répétition ". "J’arrête sur décision médicale", avait-elle précisé. Un peu plus d’un mois plus tard, elle s’est exprimé sur cet épisode douloureux. "Je vais bien, je vais mieux. Moralement, je reprends doucement le dessus", a-t-elle assuré dans un entretien sur le site BMW Sport Expérience. Les commotions cérébrales, sujet du moment dans le rugby, l’ont finalement forcé à raccrocher les crampons, avant de mettre en jeu sa santé et sa vie. Avant elle, Eduard Coetzee, Rory Lamont ou Shontayne Hape avaient déjà été contraints de faire le même choix.

En septembre, le neurochirurgien référent à la fédération avait déjà hésité à me laisser rejouer

Pour Yahé, demi de mêlée des Bleues, c’est au bout de la "cinquième commotion" que le déclic a eu lieu. Lors de son témoignage, elle a raconté: "Ça a commencé durant le Tournoi des 6 Nations, cette année. À Marcoussis, à l’entraînement, la veille de notre départ pour l’Ecosse, je travaillais les passes. On enchaînait très vite et à un moment donné, alors que je suis sans le ballon, mon entraîneur m’en envoie un sans que je le voie. Je l’ai pris sur la tête. Je ne me suis pas sentie bien. C’était bizarre puisqu’un ballon n’est pas censé provoquer ça. Plus les minutes passaient, plus je me sentais mal. On a fini par appeler le docteur, qui a fini par arriver quelques minutes après que je me sois effondrée… Je n’ai pas totalement perdu connaissance, mais ça n’allait vraiment pas bien".

Pourtant, à ce moment-là, sans ses coéquipières, elle n’aurait certainement pas compris aussi rapidement ce qui lui arrivait. "Sans trace d’impact, on a pensé que c’était peut-être une chute de tension. Ce sont les filles qui ont relevé, de façon un peu anodine, que je m’étais pris un ballon en pleine tête. Du coup, le médecin m’a fait le 'protocole K.O.', et il s’est avéré que j’étais effectivement en plein K.O., je perdais l’équilibre, j’avais des nausées qui arrivaient. J’avais une commotion cérébrale. Le neurochirurgien référent à la Fédération est venu me voir le lendemain. C’est lui qui a déclaré que je ne pouvais pas jouer les deux derniers matches du tournoi, car c’était trop dangereux en pleine situation de K.O. Mes antécédents étaient trop importants: en septembre dernier, il avait déjà hésité à me laisser rejouer".

Le médecin ne pouvait prévoir ce qui allait m’arriver si un nouveau choc sur la tête se produisait

Et la joueuse aux 47 sélections de détailler les conséquences de ces K.O sur son quotidien: "À mon réveil, j’avais développé une sorte de claustrophobie dans les ascenseurs par exemple, des crises d’angoisse, des maux de tête. Ça a mis beaucoup de temps à rentrer dans l’ordre, mais c’est revenu à la normale. À chaque K.O., j’avais de plus en plus de mal à récupérer. Sur le dernier en date, les maux de tête ont presque duré un mois et je perdais régulièrement mes repères dans l’espace". Avant de continuer: "J’ai consulté ensuite un spécialiste des commotions cérébrales à Toulouse. À ma dernière visite, il m’a confirmé que je ne risquais plus rien pour ma vie, mais que pour lui, le rugby, c’était terminé. Il m’a expliqué que le cerveau avait une sorte de réserve, qu’il pouvait amortir un certain nombre de chocs. Ma réserve à moi était épuisée, et le médecin ne pouvait prévoir ce qui allait m’arriver si un nouveau choc sur la tête se produisait. Au mieux, les mêmes réactions pouvaient se reproduire, au pire, je pouvais ne pas me réveiller ou finir ma vie avec un cerveau éteint… "

Pourtant, malgré les recommandations des spécialistes, Marie-Alice Yahé a expliqué combien son choix a été dur à prendre: "Si les médecins m’avaient dit que je n’encourais 'que' de violents maux de tête et des nausées, si cela se reproduisait, j’aurais continué. J’aurais pris cette responsabilité, un K.O., cela n’arrive pas non plus tous les matches. Et puis si c’était le jeu d’avoir des maux de tête jusqu’à la Coupe du monde, je pouvais supporter. Là, le problème est différent: on me parle de vrai danger, de devenir comme un 'légume', de risques supérieurs après quarante ans. Je n’ai jamais été raisonnable, mais là, j’y étais obligée, c’est ma vie qui est en jeu. Pour Lionel [Beauxis, son compagnon] et ma famille, c’était impensable de continuer. Ils m’ont dit: 'cette fois, tu n’as pas le droit de nous faire ça'. A ce moment-là, il y a tout qui s’effondre autour de moi. C’étaient des pleurs permanents, ce qui me venait à l’esprit c’était: 'ce n’est pas juste, pourquoi moi ?', ça a été très dur". Et de conclure: "Après on s’y fait. Je le conçois, je le vis, mais je ne l’accepte pas, et je ne sais pas si je l’accepterai un jour. Je n’ai pas le choix. Mais quand je pense que je ne porterai plus jamais mon maillot, c’est très dur pour moi".

Marie Alice Yahé contrainte de mettre un terme à sa carrière
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