Jutge: "Les Boks ont un temps d'avance"

Par Rugbyrama
  • Maxime Mermoz France 2009
    Maxime Mermoz France 2009
Publié le Mis à jour
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Samedi contre les Boks, les Bleus joueront pour la première fois sous la nouvelle interprétation de la règle du plaqueur-plaqué. Au contraire de leurs adversaires, qui l'ont découverte en Super 14 cette saison, ils partent dans l'inconnu. Décryptage avec l'ancien arbitre international Joël Jutge.

Tout d'abord, pouvez-vous nous expliquer ce qui va changer dans la phase du plaqueur-plaqué ?

Joël JUTGE : Il faut d'abord bien répéter qu'il n'y a pas de changement de règle, il s'agit simplement d'une modification d'interprétation. C'est en fait une application plus stricte de la règle. Il y a un consensus général pour dire qu'il faut aller vers plus de rigueur. Celle qui pose un peu problème, bien qu'il faille relativiser, c'est à propos du changement pour le plaqueur-gratteur. Depuis deux ans, nous récompensions le joueur qui était debout, venu gratter le ballon pour le récupérer. Aujourd'hui, il peut toujours le faire mais sous certaines conditions : il est obligé de montrer très clairement qu'il a lâché à un moment donné le plaqué. Dans le un contre un ou le un contre deux, celui qui plaque au ballon et qui accompagne le plaqué au sol, doit obligatoirement lâcher le plaqué à un moment. Ce qui veut dire que ça laisse un temps d'avance supplémentaire à l'équipe qui a l'initiative du jeu, pour venir soutenir, étayer etc.

Que pensez-vous de cette nouvelle interprétation ?

J.J. : Dans l'hémisphère nord, nous craignions qu'il y ait un peu moins de turn-over. Ceci dit, les équipes s'adaptent très rapidement. Les entraîneurs réfléchissent beaucoup à différentes phases pour répondre favorablement à ces situations et on s'est rendu compte que, lors du match Galles-Afrique du Sud le week-end dernier, il y a quand même eu des turn-over. Les joueurs ont changé quelques-unes de leurs habitudes. Ce n'est donc pas une modification fondamentale. Il s'agit surtout de changer des automatismes et ce n'est pas évident.

Les Sud-Africains ont déjà expérimenté cette nouvelle interprétation de la règle durant le Super 14. Cela peut-il faire la différence samedi selon vous ?

J.J. : Je ne sais pas. Tout dépend de l'engagement qu'imposeront les Français, du combat qu'ils mettront dans le match. C'est quand on est dans le rouge, quand les joueurs sont fatigués, qu'ils perdent de la lucidité et que les réflexes reviennent. Etant donné que les Bleus n'ont pas totalement assimilé cette façon de jouer, il se peut que deux ou trois coups de pied de pénalité fassent pencher le match du côté sud-africain s'il s'avérait très équilibré. Ce n'est pas impossible... Mais les joueurs français ont montré qu'ils savaient s'adapter assez rapidement.

Les Sud-Africains partiront tout de même avec un avantage indéniable, non ?

J.J. : Oui complètement, même si ça n'a pas toujours été évident pour eux. Certains joueurs comme le Néo-Zélandais McCaw ont été très sensiblement pénalisés par rapport à ça en Super 14. Mais les Springboks ont un temps d'avance indéniable sur nous.

Vous avez rencontré les joueurs de l'équipe de France au CNR avant leur départ au Cap. Quel était le but de cette réunion ?

J.J. : Il était tout d'abord de les sensibiliser de nouveau au contexte international et de leur répéter combien la discipline est primordiale. Nous avions sélectionné quelques fautes commises par les joueurs lors des phases finales du Top 14 pour leur montrer que certaines erreurs sont difficilement acceptables au niveau européen, et encore plus au niveau mondial. Nous nous sommes focalisés plus précisément sur les directives de l'IRB et notamment sur celle du jeu au sol. Nous avons montré des situations différentes avec des plaquages, des plaqueurs, des gratteurs, des récupérateurs, des plaqués, avec ce qu'ils pouvaient faire ou ne pas faire.

Comment avez-vous senti les joueurs ?

J.J. : Il est évident que certains étaient dubitatifs, un peu dans l'expectative. Mais ils n'ont pas le choix, ils doivent s'adapter. Alors il faut se poser les bonnes questions, savoir quels joueurs sont susceptibles d'intervenir les premiers, s'il faut plaquer haut ou non, s'il faut subir le plaquage pour envoyer un deuxième gratteur récupérer le ballon etc. On a commencé à se poser des questions, avec les entraîneurs, pour savoir quels types d'ateliers mettre en place afin de préparer au mieux les joueurs et acquérir de nouveaux réflexes.

Le groupe tricolore a semblé un peu inquiet cette semaine au sujet de cette règle. Avez-vous eu un ressenti similaire ?

J.J. : Oui mais c'est tout à fait normal. Quand on sait qu'il y a de 150 à 250 plaquages par match sur la zone plaqueur-plaqué et que c'est la zone où il y a le plus de pénalités sifflées, on se rend compte que c'est une phase de jeu essentielle du rugby moderne. C'est un secteur incontournable pour gagner un match aujourd'hui. Et comme tout ça est assez nouveau pour nous, il est logique qu'une inquiétude existe. Mais il ne faut pas non plus que cela nous crispe. Comme le disait le staff français, on ne peut pas se permettre de ne pas contester les ballons contre les Sud-Africains. Il faudra trouver le bon tempo pour intervenir et venir leur gratter les ballons. Sinon, on subit leur puissance et leurs enchaînements. Comme chacun le sait, ils sont très performants dans le un contre un alors il faudra plus que jamais essayer de gagner des ballons.

Et vous, êtes-vous inquiets par rapport à tout ça ?

J.J. : Je ne suis pas inquiet, je suis plutôt curieux et j'ai hâte que ce match arrive pour voir comment les joueurs français vont se comporter. Vont-ils se montrer craintifs et éviter de contester ou au contraire essayer de choisir les moments pour le faire ? A mon sens, nous serons inévitablement pénalisés sur cette règle. On ne peut pas changer ses réflexes en une seule semaine, c'est évident. Mais je n'ai pas de crainte particulière. Je suis juste curieux de voir comment les joueurs vont s'adapter à ces nouvelles directives, mais également comment l'arbitre (M. Lawrence, ndlr) va siffler.

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