La chronique d'Henry Broncan

Par Rugbyrama
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Le manager du SU Agen évoque notamment cette semaine le décès de Nicolas Calvo, joueur chez les Reichels au sein du club agenais.

Nicolas est arrivé dans notre collège de la Rethourie à la rentrée 2003 ; il était accompagné par deux autres condomois Desplan et Claverie passionnés autant que lui par les incertitudes du ballon de rugby. Nous avions remporté, avec la Section Sportive, le titre national, au mois d"avril, en battant une bien belle équipe de La Rochelle en ½ finale puis Massy lors de l"ultime étape. Ces résultats avaient continué d"attirer sur Auch, comme je l"espérais, les meilleurs minimes – on dit maintenant – de 15 ans, dénomination que mes neurones refusent d"intégrer – du Gers sans compter quelques recrues des départements limitrophes, par exemple le numéro 8 de Lannemezan, le jeune Geledan, actuellement talonneur des Espoirs du Biarritz Olympique. A Carnot, établissement hyper sportif – section sportive rugby mais aussi foot et judo, classe promotion basket – grâce au Principal, Bernard Gardeil qui avait pris également la Direction du Centre de Formation du FCAG, au professeur d"EPS, Emmanuel Breuil, un "fondu" d"athlétisme, et plusieurs enseignants : Jean-Michel Peyrusse, Christian Pierdona, Eric Seron…nous avions créé une structure quasi-professionnelle autour de nos enfants : entraînement le lundi, match ou entraînement le mercredi après-midi, travail physique le jeudi entre 12h et 14 h sans oublier le sacro saint touché du mardi à 13 heures sur le goudron de la cour Ouest.

Dans cette année scolaire 2003-2004 nous comptions donc une équipe encore meilleure que lors de la saison précédente. C"était un groupe très motivé, complet dans toutes ses lignes, bosseur à la fois sur le terrain et même en classe – à deux ou trois exceptions près dans ce dernier domaine. En plus des élèves cités plus haut, je me souviens surtout du capitaine Bonis, de l"arrière Lestrade, du talonneur Moreno, du troisième ligne Latapie, du polyvalent Hesse etc…Dans les différentes confrontations qui nous ont conduits au Tournoi final, nous avons triomphé largement, trop largement, des autres établissements scolaires et c"est trop fort de certitudes que nous avons abordé le dernier tournant, précisément à Agen, sur les annexes d'Armandie, boueuses comme il se doit sous les ondées d"avril.

Après une victoire très facile contre Aurillac, nous allions échouer piteusement devant une modeste mais bien organisée équipe de Tarnos bien dirigée sur le bord de touche par l'ancien ouvreur du Boucau, du Racing et de Bayonne, Michel Puyau et sur le terrain par un excellent numéro 8 qui opère actuellement à l"Aviron. Je ne m"appesantirai pas sur le contexte environnant mais encore, mardi après-midi à la Fromagère, les jeunes regroupés pour l"ultime course de Nicolas, m"ont rappelé : "Monsieur, ils nous ont volés "notre" titre ; vous vous rappelez l"organisateur qui est rentré sur le terrain pour mettre un carton rouge à Desplan qui s"est toujours demandé ce qu"il avait bien pu avoir fait !..." Bien sûr que je m"en souvenais. Notre conception estimée trop "professionnelle" de la Section Sportive n"avait pas manqué de faire naître des jalousies à notre égard. De mon côté, je fus consolé, un mois plus tard, par le titre national de D2 remporté par le FCAG au Hameau, contre l"Aviron Bayonnais mais je n"avais pas oublié l"échec et les larmes de mes gosses. J"avais, par la suite, eu l"occasion de rencontrer souvent des élèves de cette promotion et nous n"avions jamais reparlé de la rencontre. Sans doute, dans les circonstances de ce mardi, les langues se sont déliées pour soulager les c&oeligurs.

Samedi 31 janvier

Long voyage sur Oyonnax : dans la voiture qui ouvre la route à Paul, François Ruiz au volant, à l'arrière Lionel Girardi docteur es vidéo et Martial Lousteau docteur es médecine. Malgré la distance, c'est un voyage agréable. Arrêt classique à l'aire d'Arzens, repas traditionnel au Drop à Nîmes : sur Kaufman, un tournoi d'écoles de rugby. Les joueurs locaux sont réunis à midi afin de préparer leur match en retard contre St-Saturnin. Manager Daniel Saubier, quelques joueurs comme Tacchela, Escande, Benguigui et…qui ont largement touché au niveau supérieur. Des nouvelles rassurantes sur Louis Gagnère toujours actif dans un club qu'il a longtemps porté à bout de bras ; le Rugby Club Nîmes Gard court après son passé : les Viviès, Devergie, Langlade, Andrieu, Chabowski, etc.. Le RCNG reviendra t-il un jour parmi les Pros ? Faut-il lui souhaiter ? Avant le départ, l'hôtesse lâche en souriant : "Dans huit jours, c'est Auch qui passe ; vous avez le bonjour à leur envoyer ?"

17 heures, marche collective autour du lac de Nantua. Froid vif, vent frais, c'est bien l'Ain de janvier. Les coachs des Reichel m'appellent : "Nous avons battu l'Aviron 16-10 ; un match très difficile avec une fin tout à l'avantage des Basques ; heureusement Nicolas leur a marqué un très bel essai." Je leur demande de féliciter tous les joueurs et en particulier mon ancien élève de Carnot, "Chaloubard".

Dimanche 1er février

La neige est tombée sur Nantua et nous avons décidé de nous rendre, avec Lionel, à Charles Mathon pour découvrir l'état du terrain. Les bénévoles d'Oyonnax s'activent comme tous les matins de rencontre et c'est avec chaleur qu'ils nous accueillent. Quelques plaisanteries sur l'affrontement à venir. Une bâche a protégé la pelouse toute la semaine et le match pourra bien avoir lieu. Ambiance sympathique et offrande d'un café bien chaud. C'est au retour que la terrible nouvelle tombe depuis le portable de Guillaume Bouic, le coach des Espoirs. Nous éviterons d'informer les joueurs en particulier Sofiane Guitoune, le partenaire d'âge et de jeu.

L'USO l'emporte sans qu'il y ait rien à redire. Bon arbitrage de M. Vallin. Lourdes charges des avants de l'Ain, bonne animation de Nicoud, jeu au pied impeccable de Guilloux, Tian intenable, Martin en progrès…Chez nous, 14 joueurs sur 23 appartiennent à la catégorie Espoirs : beaucoup de courage en défense pour éviter une addition plus salée.

Départ rapide : la route est longue et on annonce du verglas sur Clermont-Ferrand et des trombes d'eau sur Montpellier. Adieu rapide aux frères De Forville devenus Suisses, Laurent Saliès venu avec les Espoirs de Béziers et Claude Ezoua entraîneur du Pays de Gex. Au retour, il est question de Nicolas, de 3èmes mi-temps, de prévention…la futilité des gens assis !

Lundi 2 février

En temps normal, la Fromagère doit être un havre de paix ; une petite route dans un vallon de Caussens, les vignes, le bois et sa palombière, un lac d'irrigation, loin des tumultes d'Armandie et de Toulouse dont Nicolas fréquentait l'Université. Quelques chênes et quelques ormeaux couchés témoignent cependant de la violente tempête de la semaine précédente. Tous les voisins sont là, présents dans l'épreuve, émus, trop émus peut-être, trop de larmes, trop de volonté d'assister.

Je n'avais pas compris pourquoi, après la Section Sportive, Nicolas n'avait pas rejoint les cadets du FCAG ; le père, ancien bénévole - 8 ans de présence – du SUALG me raconte qu'il le conduisait tout jeune sur Armandie. C'est dans la tribune Basquet que l'enfant s'était pris à rêver de devenir peut-être un Sella, un Mothe…Tout naturellement il s'était donc dirigé vers le Nord, portant dès les Crabos le maillot bleu et blanc. "Il rêvait d'être un jour remplaçant en équipe 1 et de rentrer sur le terrain cinq petites minutes…Ce n'était pas mon fils, c'était mon frère !" Il lui racontait ses craintes de ne pas être conservé dans l'effectif à cause de sa pubalgie chronique.

Au début de la saison, il avait vécu comme un grand bonheur le fait de participer pendant une semaine aux entraînements de l'équipe 1. Las, une blessure au genou l'avait renvoyé à l'infirmerie. Il en était sorti, il y a trois semaines contre Mont de Marsan. "Il n'était pas content de son match, les jambes trop lourdes, pas d'explosivité…Il avait encore plus peur que vous ne le gardiez pas ! Il pensait revenir à Condom dans une ou deux saisons auprès de ses autres amis…"

Ai-je une seule fois estimé à leur juste ampleur les tonnes d'incertitude que nous faisons peser sur les têtes de nos pensionnaires du Centre de Formation ?

Mardi 3 février

Que de jeunes, les dents serrées par l'injustice, les yeux rougis par le chagrin ! Beaucoup de juniors du SUA bien sûr, de la SA Condom et du FC Auch, beaucoup de filles aussi. Hier au soir, Djall Narjissi m'a averti que les "Pros" avaient demandé à déplacer l'entraînement pour assister à la cérémonie. Leur présence nous fait chaud au coeur. Le Président de la SASP, celui de l'Asso, les entraîneurs du club sont là aussi prouvant que la famille du SUA poursuit sa reconstruction. Un salut à Paul Biémouret et à plusieurs anciens grands de la SAC : la famille du rugby est là aussi, toutes générations confondues.

Parents et soeur assommés…Savent-ils que le plus dur est à venir : un départ à la chasse, au rugby, à la vigne "Tu viens, Nicolas ?..." Un appel pour aider aux devoirs, pour déplacer un tas de bois, pour débarrasser la table, "Tu m'aides, Nicolas ?"…

Longtemps, une silhouette dans une foule qu'ils croiront reconnaître, qui se retournera et dont l'identification les décevra. Peu à peu, la blessure va cicatriser mais elle ne se refermera jamais tout à fait et de temps en temps elle se rouvrira même profonde, toujours aussi cruelle.

Samedi 7 février

La France a rendez-vous avec la magie du Tournoi ; ce Tournoi 2009 est pour nos entraîneurs celui de tous les dangers. Les yeux de Chimène qui les ont accompagnés lors de l'exercice précédent s'assombriront si nous concédons plus d'une défaite. Peu de reproches pourtant à l'examen de la composition de l'équipe. J'espérais Barcella mais Faure est bien et Fabien sera sans doute là contre l'Ecosse. A l'ouverture, Lionel en confiance peut concrétiser le travail de son pack et à l'extérieur sa botte peut être décisive. Derrière, on peut regretter la mise sur le banc d'Heymans mais que de qualité dans la relance avec le duo Poitrenaud-Médard. Quant à nos centres, O'Driscoll peut se faire du souci !

De notre côté, l'ours tarbais nous rend visite ; Fono, Barrau, Gelez, Duplessis et la vedette fidjienne absents, méfions-nous des pieds d'Apanui et de Teague ainsi que du coeur des Hurou, Dupuy, André, Bernad, Lacrampe, d'authentiques bigourdans !

La vie reprend…

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