La chronique de Pierre Villepreux

Par Rugbyrama
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Le match nul entre Bath et Toulouse dimanche en Angleterre a ravivé quelques souvenirs pour notre chroniqueur Pierre Villepreux, qui nous explique que le destin européen de ces deux clubs précède largement la création de la H Cup en 1996.

Le match Stade toulousain-Bath a éveillé en moi de lointains souvenirs. Ces deux clubs ont fait un bout de chemin ensemble. C'est à leur initiative, dans les années 1980, qu'un projet visant à promouvoir le rugby en créant une compétition au plan européen avait vu le jour.

Les contacts entre Toulouse et Bath se multiplièrent. Ceux-ci leur ont permis aussi de mieux se construire. Pour avoir été invité à plusieurs reprises à animer des entraînements de leur équipe première, à Bath ou à Toulouse, quand on se rencontrait, j'ai pu mesurer la dynamique qui était la leur et leur souci de faire évoluer le rugby dans le cadre d'échanges et de compétitions nouvelles. Comme à Toulouse, même si différemment, ce club savait générer autour du jeu toutes les conditions nécessaires pour grandir dans les meilleures conditions en utilisant toutes les ressources possibles.

Cette idée novatrice d'une compétition supérieure pour les meilleurs clubs européens répondait aussi au besoin de donner au jeu une dimension nouvelle. Toulouse commençait à être une référence nationale. Bath était le club anglais le plus représentatif au plan des résultats, même si il était difficile de bien comprendre le classement des clubs britanniques puisqu'il n'y avait pas de championnat officiel. Chaque club en Angleterre à cette époque organisait son propre calendrier d'une année sur l'autre.

Communiquer en donnant au rugby une plus grande visibilité en proposant une compétition sortant du cadre national devenait une nécessité. Il s'agissait au départ de légitimer une rencontre chaque année. L'invitation pour un premier match lancée par le club de Bath au Stade toulousain en 1984 n'était pas innocente. Les deux clubs rencontrèrent les mêmes réticences de la part de leurs fédérations respectives, ce qui ne les empêcha pas d'avancer. Cependant, c'est le Stade toulousain, sur l'initiative du président Fabre, qui créa le premier Master des clubs européen. Bath y participa sans avoir l'autorisation de sa fédération et l'organisation de cette compétition par un club - en l'occurrence le Stade Toulousain - ne fut que moyennement appréciée par la Fédération française. Cette méfiance de l'institution fédérale peut expliquer la participation timorée d'Agen, pourtant dans cette période l'un des clubs qualitativement les plus représentatifs du rugby français, qui fit participer sa deuxième équipe. La Roumanie, l'Italie déléguèrent leur club champion et pour apporter un supplément d'intérêt, Ponsonby le champion néo-zélandais, les argentins de Banco de la Nation et une sélection fidjienne furent conviés à la fête. Le deuxième master, toujours à Toulouse en 89/90, permit d'intégrer d'autres clubs européens dont les Gallois de Neath.

Clubs rebelles, Bath et Toulouse ? Certainement, mais des clubs porteurs de plein d'idées et de projets.

Je n'irai pas jusqu'à dire que cette initiative a permis quelques années plus tard de créer en 1996 la première coupe d'Europe mais elle a fort justement déclenché une dynamique européenne qui aurait certainement fini par voir le jour mais... beaucoup plus tard. Que Toulouse ait gagné la première coupe, cette fois officiellement reconnue, est certes symbolique. Mais le succès des deux premiers Masters a permis de labelliser cette compétition, non seulement par son originalité, mais aussi, par l'implication des participants, par la qualité du jeu produit par les meilleurs en terme de spectacle rugbystique.

La réussite toulousaine dans la première coupe d'Europe s'inscrit à des degrés divers dans cette histoire. Les adversaires de l'époque n'avaient pas, logiquement, le regard, la perception et l'approche de cette compétition. Les Toulousains avaient un peu d'avance.

Ce club a continué à performer en Europe. Il remporta la "cup" en 2003 et 2005 et sa présence régulière dans les phases finales tendrait à prouver qu'au fil du temps, les dirigeants, les entraîneurs et en conséquence les joueurs se sont toujours sentis plus attachés et concernés que d'autres par cette compétition

Est-ce suffisant pour expliquer la présence régulière du Stade toulousain dans les phases finales. Certainement pas, mais c'est un facteur qui joue inconsciemment. Quant à Bath, il a gagné cette compétition en 98, mais l'a toujours respectée.

Peut être, est-ce pour tout cela que les matchs qui encore opposent ces deux clubs me semblent avoir une saveur différente. Cette saison particulièrement, les deux rencontres de poules, ont crée une équivoque sur leur force respective.

Il se dit de l'autre côté de la manche que Bath en terme de style est le "Toulouse anglais"

Il me reste à espérer que l'un et l'autre auront la chance de gagner respectivement leur prochain quart de finale . Une troisième opposition, mais cette fois sur terrain sec et neutre, permettrait de vérifier si la similitude des styles est palpable. Acceptons-en l'augure afin d'avoir le plaisir de partager la victoire, quoi qu'il arrive, du jeu le plus spectaculaire.

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