La chronique de Villepreux

Par Rugbyrama
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Cette semaine, notre expert Pierre Villepreux vous éclaire sur le rugby à 7, choisi par le CIO pour devenir sport olympique à Rio de Janeiro dès 2016. Il explique ce que, selon lui, la France doit faire en amont pour briller, notamment en termes de formation.

Le rugby à 7 sera donc olympique en 2016. Tous les pays, les grands comme les plus modestes vont devoir se mobiliser en urgence. Pour certains, il s’agira de participer avec honneur aux qualifications pour la grande fête de l’olympisme. Pour d’autres, l’enjeu est plus ambitieux et jouer les premiers rôles va devenir un objectif qui va s’inscrire dans un projet . La qualification dans la zone Europe ne va pas être simple. Vraisemblablement, seulement trois places seront attribuées par l’IRB. La Grande-Bretagne réunira comme pour les autres sports, l’Ecosse, le pays de Galles, l’Irlande du nord et l’Angleterre. Cette redoutable sélection (appelée les Lions à XV) aura du moins au départ les faveurs des pronostics. Les deux autres places se disputeront entre l’Italie, l’autre Irlande, bien sûr la France. Des nations comme le Portugal dont on connaît la compétitivité à 7 dans le tournoi annuel de la Fira l’Espagne et la Russie ne manqueront pas de rivaliser avec les nations les plus huppées.

En France, le projet JO va être bâti. Il devra donc prendre en compte le court terme (la qualification et le long terme en cas d’éventuelle qualification. Se pose ipso facto le problème de savoir avec qui et comment !

Le rugby à 7 est un jeu spécifique qui a des exigences particulières et réclame certaines qualités pour ceux qui le pratiquent. Ce jeu exclut de fait ceux qui ne présentent pas les qualités de vitesse indiscutablement indispensable et ce quel que soit le poste occupé. La vitesse sera donc un critère de sélection significatif. Mais il n’est pas facile dans cette dimension vitesse, malgré un entraînement adéquat, de gagner beaucoup de dixième de secondes. On ne transforme pas un cheval de trait en pur sang même avec un entraînement intensif. Ceci ne veut pas dire pour autant que la vitesse individuelle, même si elle est incontournable, soit à même de résoudre tous les problèmes. Nous écrivions la semaine dernière que les Etats-Unis s’ils voulaient concourir pour l’or sélectionneraient une équipe de sprinters tout droit débarqués du football américain. Dans les situations 1 contre 1 qui sont, vu les espaces disponibles, la base de l’affrontement en rugby à 7 leur vitesse ne manquera pas de s’exprimer très efficacement. Les différences individuelles de vitesse de course de chacun de ses athlètes relativement à celles des autres compétiteurs seront grandes. Cette supériorité dans ce facteur du jeu du fait de l’espace disponible peut s’avérer être suffisante pour faire la différence. Comme en terme de force l’équipe US ne sera pas en déficit du fait de leur formation physique dans, leur sport de prédilection, on risque de rencontrer au moins physiquement des joueurs inaccessibles auxquels il faudra opposer pour rivaliser une alternative qui devra s’appuyer sur le " mieux jouer " à savoir l’excellence tactique jumelée à des habiletés techniques optimales.

Le travail de formation proposé dans le temps imparti sera donc déterminant pour que les interactions tactiques que réclament le jeu collectif à 7 du fait du déplacement incessant des joueurs et du ballon soient au fil du temps parfaitement rodées. La priorité de la formation à 7 c’est de faire acquérir au collectif une véritable lecture des transformations du jeu en fonction de la vitesse de celui-ci. On peut accepter que cette réalité n’est pas une caractéristique réservée au seul rugby à 7. Certes, mais à XV l’affrontement collectif du fait de l’espace prend une forme diverse ce qui explique l’importance pris par le jeu programmé voire stéréotypé dans certaines phases. L’activité cognitive des joueurs ne se mobilise pas sur les mêmes indices ni repères.

Dans la phase offensive du 7 intervient de suite la notion de prise d’initiative et de créativité. Le déséquilibre existe à tout instant que ce soit à partir des phases de lancements (elles sont peu nombreuses) mais surtout dans les phases de récupérations du ballon voire les pénalités et coups francs accordés. Ce déséquilibre se traduit et est lié à un réel surnombre ou un déséquilibre de distribution spatiale sur la largeur. Les deux sont immédiatement exploitables. Ce qui veut dire que les six attaquants non porteurs de balle ne peuvent être passifs ou en attente d’un jeu futur ils doivent agir et réagir hic et nunc de manière coordonnée et faire en sorte que le jeu sans ballon offre au porteur de balle le maximum de solution. C’est cette sensibilité à un jeu "qui bouge sans cesse " que doit acquérir le collectif et qui le dotera individuellement par la suite de pouvoirs d’actions nouveaux. Les habiletés techniques constitueront alors dans la continuité le complément utile de la formation à cette lecture. Sans catégoriser toutes les situations rencontrées, ce sont les situations de turn over qui sont à 7 les plus significatives, ce sont en tout cas des moments de jeu encore plus privilégiés et gratifiants qu’a XV quand ils sont bien sur bien exploitée, individuellement et collectivement. Ce passage ultra rapide d’une situation défensive à offensive pour être exploiter efficacement demande la réactivité sans délai de tous à savoir (c’est le même principe qu’à XV mais il est ici à son paroxysme), aller jouer là ou c’est facile. Le choix de l’un (le porteur de balle) doit devenir celui de tous. Dit autrement, il s’agit bien d’exploiter les espaces là où l’adversaire est fragile. A 7 il l’est forcement quelque part et la logique des interactions tactiques des utilisateurs du ballon doit s’imposer à tous. Beaucoup plus que le XV on est à 7 confronté à plus d’incertitude, ce qui demande des capacités de changement et d’improvisation sur le champ en fonction de ce que l’on voit et prévoit (capacité à intervenir efficacement à l’endroit le plus favorable ). Ceci est vraie d’ailleurs en attaque comme en défense.

Si, comme nous l’avons dit, un jeu qui s’exprimerait essentiellement par la somme des individualités, et utiliserait prioritairement la puissance de ses athlètes (la force et la vitesse,) risque de d’être redoutable. Pour espérer le contrarier, il convient de leur opposer des joueurs possédant à la fois un potentiel vitesse correct mais dans le même temps des outils tactiques et techniques supérieurs qu’ils sauront exploiter avec pertinence dans le cadre de la mouvance, constant des rapports de force existant dans toutes les situations diverses et changeantes. L’adaptabilité individuelle et collective est à 7 au coeur de la performance. Si les Fidjiens y excellent c’est que le Fidji flair s’est ancré dans le jeu de rugby à toucher auquel tout jeune fidjien s’adonne tous les jours (une touche = changement de main) dans un environnement libre et joyeux développe cette enrichissement tactique et gestuelle dans un l’environnement culturel qui passionne toutes les couches sociales du pays.

Si l’ambition de la France c’est bien de faire partie de la fête Brésilienne. Il s’agit bien d’avoir en tête une stratégie de sélection et de formation en s’appropriant le jeu , son originalité et ses particularismes. Mais tout en même temps la mise en place de compétitions d’évaluation est incontournable si l’on veut s’imprégner de l’ensemble des valeurs et des compétences fondamentales utiles des joueurs susceptibles de performer dans ce jeu. Aujourd’hui en France, compte tenu du peu d’intérêt qui, par le passé, a été accordé au 7 est quand même un peu en retard.

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