La chronique de Pierre Villepreux

Par Rugbyrama
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Dans sa chronique hebdomadaire, Pierre Villepreux nous parle du rugby "total", de ce jeu amenant le corps et l'esprit à un épanouissement personnel et collectif.

C’est un chinois sage parmi les sages qui a dit "la montagne est bien haute, mais plus d’un se plaint de sa hauteur sans tenter d’y monter". S’entraîner à jouer le rugby de mouvement le plus sophistiqué du monde avec les méthodes de travail les plus pertinentes les moyens les plus sophistiqués, l’inscrire dans un projet est une chose. Mais pour les joueurs justement s’y inscrire et s’ impliquer réellement dans la durée quelles que soient les compétitions ne peut s’acquérir que si une force mentale supérieure les y pousse individuellement d’abord pour enfin s’y ancrer collectivement ensuite.

Difficile d’accéder à ce rugby total si l’on ne ressent ce jeu et ce choix aussi comme une forme d’épanouissement, de soi, de son estime et de développement de son potentiel. Ce ressenti est capital sinon on regarde la montagne, on atteindra peut être les contreforts mais on ne tentera jamais le sommet. Il s’agit bien d’une dynamique d’épanouissement d’un collectif celle qui, derrière le jeu produit va permettre de toujours mieux communiquer pour créer, négocier, développer un leadership avec des joueurs disponibles pour orchestrer, seule façon de jouer sans angoisse et d’être dans "le plus être" et non dans la recherche limitée d’un "mieux être", intéressant, atteignable de temps en temps mais insuffisant car sans consistance si inconsciemment il apparaît comme utopique et à risque .

Le match France/Galles illustre bien les deux états d’esprit avec lesquels les deux équipes ont abordés le match.

Des gallois fidèles à leur image de marque d’un rugby qui n’est pas encore certes fini, mais fait de beaucoup d’intentions, preuve de la confiance qu’ils ont dans leur jeu et dans leur capacité à le réaliser et bien sur aussi pour aller chercher la "gagne". Ce jeu ne s’est pas construit soudainement mais bien sur des dispositions durables acquises progressivement mais surtout entretenu dans la continuité par le coach et les joueurs et dans les clubs. La force de ses dispositions ne les amenant pas à changer de style, quand bien même, le score largement défavorable à la mi-temps aurait pu sinon les y contraindre du moins les y inciter. Leur performance en deuxième mi-temps est significative et va les conforter dans le style choisi. C’est quand on est plongé dans un contexte défavorable (celui du score) que l’on sent si, le collectif est animé de cette confiance dans le jeu choisi, de cette force, qui font penser, compte tenu de tout ce qui s’est passé avant (le jeu produit en première mi-temps), qu’il est urgent stratégiquement de ne rien changer, sauf des détails. C’est la preuve que l’emprise du projet de jeu fait son effet car, choisi, accepté et donc mis en œuvre par tous sans traîner des pieds.

Paradoxalement les français qui depuis le début de saison avaient gagné le droit de se faire craindre, donnèrent l’impression de ne pas se sentir à leur place et donc n’ont assuré qu’une partie du jeu, n’exploitant pas alors tout le potentiel existant au sein de cette équipe.

Il est bien difficile de cerner les raisons d’un comportement collectif qui ne s’est pas modifié d’une mi-temps à une autre. Cette option de jeu, il est vrai, a rapporté gros rapidement.

On peut même accepter de se satisfaire de la première mi-temps. En revanche la deuxième mi-temps, l’avantage acquis aurait du changer le regard des tricolores sur leur production qui aurait dù évoluer vers plus d’intentions, d’initiatives et de défi, celui que se doit de lancer une équipe qui a, à la fois, l’ambition de gagner un grand chelem et de s’affirmer comme concurrentielle lors de la prochaine Coupe du monde.

Je crois sincèrement que le match, aurait été certainement gagné et mieux. Si une des raisons de ce manque d’entreprendre est conséquente aux inquiétudes que la mise en place et l'œuvre du jeu que l’on dit vouloir jouer génère; alors effectivement il faut l’abandonner. Si c’est le jeu des Gallois et les menaces que pouvaient générer leur capacité offensive qui a imposé ce choix, alors, on leur a accordé un pouvoir qui est disproportionné par rapport à la réalité de leur possibilités relativement aux nôtres. Ces menaces existent, elles sont certes contraignantes mais se doivent d’être mentalement dépassées. En refusant le jeu, elles sont devenues réelles puisque la défense française fut dans cette deuxième période souvent mise en difficulté dont deux fois de manière cruciale.

Quelle analyse du jeu français aurait alors été faite en cas de défaite voire de match nul ?

Le résultat positif et la résistance défensive victorieuse ont permis de recentrer la performance sur ce seul secteur du jeu, ce qui a faussé en partie ’évaluation de la production française rendue de fait peu objective. La défense à bien y regardé mériterait au demeurant que l’on s’y attache davantage et pas seulement sur ce match.

Encore une fois je regrette ce manque d’initiatives, celles qui permettent à une équipe de prendre le jeu à son compte, elles sont le vivier du jeu de demain. Le potentiel du collectif français existe et permet d’avoir cette ambition, mais reste certains matchs à l’état dormant.

Cette victoire perpétue l’espoir d’un chelem mais, une fois de plus n’est pas coutume, replace le jeu espéré à la case départ. Il est plutôt bien que le staff en soit parfaitement conscient.

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