Guitoune: "Ne pas se laisser abattre sinon on va s'enterrer" 

La gueule de bois est-elle encore présente? 

Sofiane GUITOUNE: Ça va un peu mieux mais quand on y repense, ça fait mal. On annule nos chances de gagner le Tournoi, tu perds à domicile, chez toi, au stade de France, ça fait ch... 

Avez-vous le sentiment aussi que l'équipe de France fait du surplace, que ça n'avance pas? 

S.G: C'est compliqué. Pourtant on essaie, on y met de la bonne volonté mais le week-end, c'est plus difficile. On a bien travaillé dans la semaine, tout le monde entend ça mais c'est la vérité. Après le week-end, on a dit qu'il fallait se lâcher mais on n'a pas réussi à le faire en première mi-temps. On perd les ballons au bout d'une ou deux phases de jeu, c'est compliqué de mettre du jeu. En première mi-temps, j'étais frustré, j'ai touché deux ballons, on n'avait pas du tout prévu ça.

En première mi-temps, j'étais frustré, j'ai touché deux ballons, on n'avait pas du tout prévu ça

Vous sentez qu'il y a une forme de verrou psychologique? 

S.G: Je pense que c'est beaucoup psychologique. Ce sont des options de jeu, ils avaient une défense inversée qui montaient très haut, peut-être qu'en mettant du jeu au pied, cela aurait fait du bien mais il n'a pas forcément été précis. Quand on a réussi à franchir la ligne d'avantage, on a perdu le ballon juste après, ça devenait compliquer d'enchaîner du jeu. 

Comment percevez-vous les critiques, qu'elles viennent des médias, des observateurs, du public?  

S.G: C'est normal. Les résultats parlent pour eux. On ne peut pas dire qu'elles soient toujours les bienvenues mais il faut les accepter. 

Comment avez-vous pris la sortie de votre sélectionneur? 

S.G: Deux minutes avant la conférence de presse, il était avec nous et nous a dit les mêmes choses en face, en plus violent, donc ça ne m'a pas surpris.

Le trouillomètre est-il à zéro quand vous êtes au Stade de France? 

S.G: Je ne ressens pas ça. Jouer au rugby, c'est du plaisir avant tout, je ne rentre pas sur le terrain pour avoir peur, peur de quoi? Faire un en-avant, c'est le jeu, c'est le rugby. Après, peut-être que d'autres ont plus de pression que moi, ça peut expliquer cela. Moi, j'ai essayé de faire ce que je pouvais avec les ballons que j'avais. 

Il y a des bons joueurs, on se fait confiance tous ensemble

Vous en parlez entre vous de cette pression? 

S.G: On ne parle pas de pression, on se dit juste qu'il faut se lâcher, jouer. Entre le dire et le faire, c'est différent pour les personnes. Personne n'aborde un match de la même façon, je ne suis pas dans la tête des autres mecs et eux ne sont pas dans la mienne. Avant un match, certains préfèrent être concentrés, d'autres rigoler. Tout le monde est différent.

Estimez-vous, en tant que jeune international, qu'il y a un problème de leadership, un joueur capable de sonner la révolte sur le terrain quand ça tourne mal?

S.G: Je ne pense pas. Il y a des bons joueurs, on se fait confiance tous ensemble, il n'y a pas besoin d'avoir un mec qui te dis qu'il faut faire ci ou qu'il faut faire ça, on est tous capables de prendre des décisions. Le problème n'est pas là. Le problème est surtout sur la première mi-temps où on n'a pas enchaîné une action de plus de 15 secondes. Déjà qu'en Top 14, c'est déjà compliqué de jouer une action de plus de 15 secondes, alors au niveau international, ça ne pardonne pas.

Avez-vous le sentiment d'être un peu bridé par rapport à ce que vous produisez tous en club?

S.G: Non, on n'est pas bridé, on nous a dit de nous lâcher. Le vrai souci, c'est qu'il faut garder le ballon, faire des temps de jeu. En 2e mi-temps quand on l'a fait, on les a mis en difficulté. Ensuite ils marquent au moment où on est bien dans le match et ça fait mal à la tête. Ça se joue à pas grand chose. 

On n'a pas le choix, il va falloir se bouger sinon il va y avoir du changement. Il faut s'envoyer et arrêter de réfléchir

Êtes-vous en retard par rapport aux autres nations? 

S.G: En retard? (hésitant) Non car ils ne nous ont pas mis en difficulté non plus. Ils font une action, ils nous ont transpercés, ils marquent, tu prends un gros coup de massue sur la tête, c'est ça le plus chiant. 

On se réfère toujours à 1999 et 2011, des années de Tournoi maudites et des finales de Coupe du monde derrière... 

S.G: (il coupe) En 1999, j'avais dix ans, je ne m'en rappelle pas trop, je ne regardais pas trop le rugby non plus. On verra. Je sais qu'il y a du potentiel, une bonne équipe et qu'un jour ou l'autre ça paiera. Aujourd'hui, on se fait taper dessus, les critiques sont normales mais il ne faut pas se laisser abattre sinon on va s'enterrer et ça ne sera pas bien beau ce qui va venir.

Dans deux semaines, vous allez en Italie qui vient de gagner en Écosse, qui sera votre premier adversaire à la Coupe du monde...

S.G: On n'a pas le choix, il va falloir se bouger sinon il va y avoir du changement. Il faut s'envoyer et arrêter de réfléchir.