Intouchables ces Pumas, vraiment ? Quesada n'en est pas si certain...

Gonzalo, à la fin du Tournoi des 6 Nations, Jeff Dubois nous confiait que le XV de France risquait de prendre cher lors de cette tournée en Argentine. Partagez-vous ce sentiment ?

Gonzalo QUESADA: Pas tout à fait. Les deux équipes ont des problématiques similaires. On sait que le staff du XV de France n’a pas pu composer cette équipe librement. La tâche sera compliquée. Mais du côté argentin, pas mal de joueurs vont quitter le Super Rugby très fatigués avec pour principal objectif la préparation au Rugby Championship. C’est une période où des joueurs importants auront besoin de repos (à noter que les Pumas seront privés de Ramiro Herrera, Tomás Lavanini et Leonardo Senatore, tous trois suspendus, ndlr). Mais les Bleus ne doivent pas se mettre de pression. J’insiste vraiment sur ce point. Le seul objectif doit être de lancer de nouveaux joueurs et de continuer à travailler sur le projet de jeu. Les Pumas se sont construits comme ça, en lançant des jeunes et en acceptant de ne pas avoir de résultats immédiats.

Sept joueurs du Stade français disputeront cette tournée (Bonfils, Slimani, Lakafia, Plisson, Danty, Camara, Bonneval). Dans quel état physique et mental se trouvent-ils après une saison particulièrement éprouvante ?

G.Q: C’est vrai que cette saison a été très dure. Quand on voit que beaucoup ont disputé la Coupe du monde et le Tournoi des 6 Nations, on se demande comment ils vont faire pour être performants sur cette tournée. On demande aux joueurs de jouer douze mois par an. C’est inquiétant. Physiquement, je ne sais pas dans quel état ils seront. Et mentalement, ces joueurs ont dû se battre toute la saison pour le maintien. C’est usant.

On sent que la dynamique, la confiance des Pumas s’enraye un peu

Les Pumas ont signé une Coupe du monde éblouissante. Continuez-vous d’être bluffé par leur niveau de performance ?

G.Q: Honnêtement, je savais qu’ils pouvaient réaliser de belles choses. C’est le fruit de leur participation au Rugby Championship où les résultats ont été compliqués au début. Mais avec le temps, ils ont réussi à rivaliser. Aujourd’hui, on voit qu’ils dominent dans le jeu avec un volume important, du rythme et des attaques organisées répétées pour mettre sous pression l’adversaire. Historiquement, les Pumas n’étaient pas vraiment capables de le faire. Je suis frappé par la qualité de leurs interventions dans les zones de contact et les attitudes au contact du ballon dans les rucks. Ils ont énormément travaillé là dessus ! Leurs soutiens sont vraiment remarquables. Les joueurs veulent produire du jeu. Ça saute aux yeux. Leur niveau de performance durant la Coupe du monde m’a rendu fier et admiratif. S’ils sont capables de garder ce niveau en juin, ce sera très difficile pour les Français. Mais encore une fois, ça ne sera pas la même équipe.

Cette saison a vu la création en Super Rugby de la franchise des Jaguares (15e, 2 victoires en 12 journées). Quelle impression vous fait cette équipe ?

G.Q: Les résultats ne correspondent pas forcément aux attentes et les derniers matches sont un peu décevants (notamment la dernière défaite face au Southern King, lanterne rouge du Super Rugby, ndlr). Cette compétition pompe énormément d’énergie. Les déplacements sont longs, éprouvants avec de gros décalages horaires. C’est une saison d’apprentissage. Il faut laisser les résultats de côté. Il y a de jeunes joueurs qui découvrent ce niveau et qui seront très performants en 2019. Mais il me semble que la dynamique de la Coupe du monde est en train de se perdre. On sent que la confiance née en Angleterre s’enraye un peu. On voit aussi que l’équipe se remet en question. Le XV de France ne devrait pas se retrouver face à des Pumas en pleine euphorie comme en novembre dernier. L’écart entre les deux équipes ne sera pas aussi important qu’on le dit.

L’écart entre les deux équipes ne sera pas aussi important qu’on le dit

Parlez-nous du contexte ! A quoi doivent s’attendre les Bleus à Tucumán ?

G.Q: Ce sera un gros avantage pour les Pumas de jouer à Tucumán. C’est toujours compliqué pour les adversaires. Il y a un peu plus de folklore, de clichés des années 1980. C’est une région qui vit pour le rugby. Dans le passé, les joueurs de Tucumán avaient cette réputation d’être très rudes, avec des avants toujours à la limite et un public bouillant. Mais il ne faut pas trop en faire sur ce contexte hostile. Si les conditions météorologiques le permettent, l’Argentine cherchera avant tout à proposer du beau jeu et à se régaler.