L'incroyable défi

Mourad Boudjellal est unique. Quand tout va mal, beaucoup de présidents virent leur entraîneur. Le patron du RCT, lui, a choisi de le remettre sur le terrain. Un coup d'audace en forme de quitte ou double pour le promu toulonnais, ambitieux à l'été mais fort dépourvu avec sa place de relégable au coeur de l'hiver. Alors, coup de génie ou fausse bonne idée? L'avenir le dira, mais incontestablement, le retour sur le pré de l'ancien capitaine des All Blacks va créer l'évènement. Tana Umaga a probablement plus à perdre qu'à gagner. Mais il aborde ce comeback avec une certaine sérénité.

S'il revient, c'est qu'il estime, comme son président, qu'il peut apporter quelque chose à son groupe. Boudjellal veut croire qu'il peut être ce leader qui fait tant défaut à son équipe, comme un trait d'union entre les différents maillons de la chaine. Umaga ne rechausse pas les crampons pour son plaisir, mais pour aider son club. "Les gens m'ont beaucoup donné depuis mon arrivée ici, à moi et ma famille. Je voudrais leur rendre un peu de tout ça ", a-t-il confié cette semaine. Il avoue ressentir "un peu d'anxiété" mais pas de stress excessif. Retenu dans le groupe pour le match face à Mont-de-Marsan, il pourrait donc rejouer dès vendredi, surtout après la blessure de Kefu.

"Ni un magicien ni un héros"

L'idée peut paraitre surréaliste à certains, mais elle trottait depuis nu moment dans la tête de Mourad Boudjellal. Dès l'été dernier, il avait tenté de convaincre son manager. En vain. A la reprise de l'entrainement, à la mi-juillet, Umaga avait écarté cette hypothèse et fait taire les rumeurs insistantes. "Je ne rejouerai pas mis à part pilier, avait alors ironisé le technicien néo-zélandais, mais nous avons ce qu'il faut sur ce poste et au niveau des trois-quarts aussi. Donc non je ne rejouerais probablement pas cette saison." Pas sûr, finalement, que la ligne d'attaque ait ce qu'il faut, comme le disait le centre aux 84 sélections sous le maillot noir. Ces dernières semaines, on l'avait revu au milieu de ses joueurs, lors de certains entrainements. Pour le fun, croyait-on. Mais Tana préparait son coup.

La question est maintenant de savoir si, à 35 ans passés, et 17 mois après son dernier match, il sera capable de se mettre au niveau. Entre prudence et enthousiasme, l'intéressé veut le croire. "Je ne suis ni un magicien ni un héros, concède-t-il, mais je peux vous garantir que je vais donner le meilleur de moi-même. C'est ce que j'ai toujours fait. J'attends le meilleur des autres joueurs, et je donnerais le meilleur de moi." Où en est-il physiquement? Il reste flou. "Je me sens bien. Ca a été dur pendant deux ou trois semaines, mais mon corps répond bien. Mais je ne suis évidemment pas là où je peux être sur le plan physique. Il faut attendre un peu pour que je revienne au top. C'est nécessaire, parce que le Top 14, c'est du très haut niveau."

Umaga s'amuse aussi quand on laisse entendre qu'on l'aurait poussé à revenir. Cela semble effectivement peu probable. L'homme a suffisamment de recul pour décider seul, même si ses proches ont été consultés. "J'en ai beaucoup parlé avec ma famille, avec mes amis. J'ai beaucoup réfléchi avant de prendre ma décision. Mais je veux tout faire pour ce club, pour qu'il se maintienne en Top 14", poursuit-il. Outre son retour à la compétition, il va lui falloir gérer son statut de coach simultanément. Le défi est colossal. Il est à la taille d'un joueur qui fut jadis immense. Qu'en reste-t-il aujourd'hui? Il nous tarde de le savoir.