Et si le rugby réapprenait tout simplement à privilégier l’évitement...

  • Beauden Barrett (Nouvelle-Zélande) en finale de la Coupe du monde 2015
    Beauden Barrett (Nouvelle-Zélande) en finale de la Coupe du monde 2015
  • Milner-Skudder (Nouvelle-Zélande) face à l'Afrique du Sud - 24 octobre 2015
    Milner-Skudder (Nouvelle-Zélande) face à l'Afrique du Sud - 24 octobre 2015
  • Bernard Lapasset
    Bernard Lapasset
  • marcelo Bosch (Argentine) - Argentine-Australie , 25 octobre 2015
    marcelo Bosch (Argentine) - Argentine-Australie , 25 octobre 2015
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BLESSURES - L’évolution du règlement et l’éventail de protections autorisées pourraient permettre de réduire sensiblement l’intensité des chocs. Mais la santé des rugbymen semble être dans les mains des acteurs eux-mêmes. Et si ce sport de combat réapprenait tout simplement à privilégier l’évitement, la création, le jeu ?

Le rugby, c’est un mélange d’opéra de ballet et de meurtre. Que reste-t-il du ballet d’Antoine Blondin où les courses de Guy Boniface sublimaient une certaine idée de ce sport : le panache, l’évitement, la création ? N’en déplaise au talonneur Daniel Dubroca pour qui un match qui ne fait pas mal est un match raté, l’affrontement n’a-t-il pas étouffé les élans offensifs ? A l’image de la dernière finale de la Champions Cup entre les Saracens et le Racing 92 (21-9), les schémas de jeu privilégiant les défenses orchestrées par des guerriers des rucks et les attaques minimalistes à une passe pour casser les lignes ne sont-ils pas responsables de la dégradation de la santé des joueurs ?

Ce n’est pas parce qu’il est violent que j’aime le rugby. C’est parce qu’il est intelligent, confiait Françoise Sagan. Le rugby professionnel tel qu’il est pratiqué aujourd’hui, notamment dans l’hémisphère Nord, ne néglige-t-il pas l’intelligence situationnelle chère à Pierre Villepreux et le sens de l’initiative ? Les acteurs ont une part de responsabilité, souligne Robins Tchale-Watchou, Président de Provale (Syndicat National des Joueurs). Il faut les sensibiliser vers une autre pratique. Aujourd’hui, quand on va au contact, c’est pour dézinguer le mec et qu’il ne revienne plus sur le terrain. Le rugby est un sport viril mais ne faut-il pas y amener une petite atténuation ?

Se tourner vers un jeu plus créatif

Amener une petite atténuation pour freiner cette course à l’affrontement encouragée par des morphologies toujours plus impressionnantes. On nous entraîne pour être plus fort et aller plus vite. Au bout d’un moment, on va se rendre compte que les quelques commotions que nous avons vont connaître une forte augmentation, insiste Tchale-Watchou. C’est une évidence, ça va taper encore plus fort. Il ne faut pas tomber dans la dramaturgie mais que risquons-nous à essayer des choses ? Si Bernard Lapasset refuse de parler de sport de collisions, le Président de World de Rugby (de 2007 à 2016) reconnaît malgré tout qu’un débat doit être ouvert pour savoir comment conserver une référence de jeu plus tournée vers la création que sur des éléments défensifs.

Milner-Skudder (Nouvelle-Zélande) face à l'Afrique du Sud - 24 octobre 2015
Milner-Skudder (Nouvelle-Zélande) face à l'Afrique du Sud - 24 octobre 2015

Limiter les rucks ? Vers un essai à 6 points ?

Mais comment encourager ce retour à la création ? Alors qu’un essai à 6 points est toujours dans les tuyaux de World Rugby pour inciter les équipes à produire du jeu, la plus haute instance du rugby mondial réfléchie également à limiter l’impact des rucks qui nuisent à la lisibilité et à la continuité du jeu. Le plus difficile reste néanmoins de changer les mentalités où la pression du résultat écrase trop souvent les élans offensifs. Il faut trouver des solutions en nous appuyant sur la Coupe du monde 2015 qui a été extraordinaire avec une forme de jeu et une créativité fabuleuse, insiste Bernard Lapasset. Aujourd’hui, il appartient aux équipes nationales, aux clubs et aux joueurs de choisir une forme de jeu qui donne l’expression la plus riche, la plus forte, la plus diverse de ce sport. C’est un travail de longue haleine pour redonner une dimension où la priorité est la création du jeu et pas à la défense de l’adversaire.

Bernard Lapasset
Bernard Lapasset

L'hémisphère Sud, un laboratoire du jeu

Et si ce changement de philosophie était déjà en marche ? Sous l’impulsion de l’hémisphère Sud, véritable laboratoire de la création, les mentalités européennes semblent de plus en plus convaincues par ces formes de jeu beaucoup plus ouvertes. En regardant l’hémisphère Sud, il y a une prise de conscience, notamment des Internationaux, que le rugby est désormais plus sur l’évitement, nous confie Laurent Gaya, Directeur Gilbert France. L’impact existe toujours mais ces équipes privilégient davantage la course, la rapidité d’exécution. Le ballon circule beaucoup plus vite avec un jeu beaucoup plus offensif. Et à partir de là, on subit moins les impacts. Les Internationaux français souhaitent évoluer dans ce rugby d’évitement au lieu d’aller au frontal en permanence. La santé des rugbymen semble donc intimement liée au jeu, aux notions de plaisir et de spectacle. Sans restriction ! Personne ne vous oblige à jouer. Mais, si vous le faites, ce ne doit pas être à moitié. Car le rugby est un supplément à la vie… (André Boniface)

marcelo Bosch (Argentine) - Argentine-Australie , 25 octobre 2015
marcelo Bosch (Argentine) - Argentine-Australie , 25 octobre 2015

Au final, on fait quoi ? Comment limiter la casse ?

1. Adapter la règle, comme ce fut le cas sur l’entrée en mêlée, pour limiter les impacts dans les rucks, sur les plaquages ainsi que les collisions dans les airs.

2. Perfectionner le protocole "commotion cérébrale" pour augmenter sa sensibilité et éviter les blessures annexes ainsi que le syndrome du second impact.

3. Assurer une protection maximale des joueurs, notamment avec la dernière génération de mousse, sans dénaturer le rugby en visant le mimétisme avec le football américain. Rendre le port du casque obligatoire dans les catégories de jeunes.

4. Sous l’autorité de la DTN et de World Rugby, mettre à l’étude de nouvelles techniques de plaquage, comme ce fut le cas dans le football américain, pour éviter les chocs violents dans la zone des cervicales.

5. Faire évoluer les mentalités ! Si le rugby doit rester un sport de combat, l’évitement et la création doivent retrouver une dimension forte dans le jeu pour ne plus privilégier la "destruction" de l’adversaire. Afin d’encourager la création, passer l’essai à 6 points.

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