Béthune : "Je me suis demandé si j'allais passer pour un peintre"

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  • Julien Hériteau (Agen) face à La Rochelle
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Quentin Béthune, un des dix joueurs formés au club présents sur la feuille de match, était titulaire avec Agen pour battre Toulon. Un symbole : si le club entend exister dans la cour des grands, sa force est dans sa formation. Le pilier raconte de l'intérieur.

Qu'est-ce que représente pour Agen cette victoire contre le RCT ?

Quentin Béthune : C'est une récompense pour tout le travail mis en place depuis un moment. Une récompense pour notre état d'esprit. L'envie d'exister, nous l'avons toujours eu mais nous n'avons pas toujours été payés… Maintenant, est-ce que cela restera comme un match de référence ? Sur certains points, peut-être. Sur d'autres aspects, il faudra rectifier le tir : on prend pas mal d'essais (sic), on est perfectibles dans nos sorties de camp, sur les touches, les mauls portés...

Quand on a vu la composition du RCT, on s'est dit que ça serait difficile. J'ai découvert ça sur Twitter et je me suis dit que du lourd s'annonçait

Est-ce un pas vers le maintien ?

Q. B. : Sur la route du maintien, il faut évidemment passer par des succès... Nous en sommes seulement à deux victoires depuis le début de la saison en Top 14 alors ce serait un bien grand mot que d'évoquer un pas vers le maintien.

A quel point pensiez-vous l'exploit réalisable ?

Q. B. : Quand on a vu la composition du RCT, on s'est dit que ça serait difficile. J'ai découvert ça sur Twitter et je me suis dit que du lourd s'annonçait. Mais, en même temps, que c’était génial à jouer. En face, il y avait des champions du monde. Moi, j'ai à tout casser cinq matches en Top 14. Quelque part, on n'avait rien à craindre ; si les mecs se montraient plus forts que nous, ça serait simplement logique.

Vous vous avanciez sans peur ?

Q. B. : Je ne ressentais pas de peur. Mais je reconnais avoir eu beaucoup d'appréhension... Est-ce qu'on allait rivaliser ? Est-ce que j'allais passer pour un peintre ? Comme à chaque match, on avait toujours l’envie de réussir la meilleure "perf" possible. Parfois cela sourit, parfois non. Il faut savourer.

Semi Radradra (RCT) face à Agen - Top 14 (4 novembre 2017)
Semi Radradra (RCT) face à Agen - Top 14 (4 novembre 2017)

Quelle impression vous a laissée Toulon ?

Q. B. : Un sentiment de solidité. Ils étaient à 100 %. Je ne saurais pas dire ce qui a péché dans leur jeu. Je crois qu'en affichant une envie exacerbée, on les a fait déjouer. Sur le terrain, on a réussi à faire abstraction du statut de nos adversaires. Bon, parfois, on réalise qu'on n'est pas face à n'importe qui… C'est immense de jouer contre eux. Je l'avais déjà ressenti contre le Racing, avec Carter. Mais à Toulon il faudrait tous les citer. Du 9 au 15, il y avait un Français. C'était impressionnant… Radradra, il suffit déjà de le voir physiquement. Et il confirme quand il prend les ballons. Pendant le match, sur un gros plaquage ou une percussion, tu te relèves, tu regardes que tu as plaqué, et tu te dis : "Ah, c'est lui… Moi, Béthune, j'ai attrapé Vermeulen… Il est vraiment très solide. Ce n'est pas une légende."

Quelle était la clé ?

Q. B. : Nous voulions faire douter cette équipe. Au niveau du rugby et des gabarits, nous sommes moins forts. Mais sur l'envie et la détermination, ils ne devaient pas être meilleurs que nous. Cette fois, ça nous a réussi.

J'ai été auditionné à 14h, en visioconférence...

Racontez-nous ces minutes passées dans le vestiaire à la mi-temps…

Q. B. : On s'est tous regardé et on s'est dit que c’était vraiment dur… J'ai croisé le regard de Pierre Fouyssac et on s'est souri. Pour nous, c'était énorme de vivre ça : pas le fait de souffrir mais de jouer ce match là. Après, je suis resté calme. J'étais lessivé, dos en vrac, jambes lourdes. On s'était envoyé et les contacts étaient rudes. C'était un ton au dessus de ce que nous avions vécu jusque là… Malgré les douleurs et le souffle que l’on cherchait tous un peu, on savait où on allait. Il fallait continuer comme ça. Dans l'investissement, il n'y avait rien à redire : on devait continuer le bras de fer, ne rien lâcher. A force, le RCT finirait par déjouer.

Ce match vous ne deviez pas le jouer...

Q. B. : J'étais suspendu. Le club avait fait appel avant le match contre Castres mais je n'avais pas pu être entendu. Finalement, la direction a réussi à obtenir une convocation dans les temps. J'ai été auditionné à 14h, en visioconférence, et défendu par Philippe Sella. Je peux le remercier ! Il a tout dit et j'ai seulement pris la parole pour compléter, avec quelques détails. Tout le club s'est battu pour moi : ils ont engagé des frais, pris un avocat. Cela m'a touché. J'ai appris ma requalification jeudi soir de la bouche de Mauricio Reggiardo. Il m'a annoncé en même temps que je serai titulaire. C'était une libération. J'avais toujours eu cet espoir au fond de moi mais je m’interdisais d'être optimiste.

La joie des Agenais, qui s'imposent 26-24 face à Toulon, à Armandie - Top 14 (4 novembre 2017
La joie des Agenais, qui s'imposent 26-24 face à Toulon, à Armandie - Top 14 (4 novembre 2017

Comment avez-vous vécu la dernière mêlée du match, décisive, qui se révèle ?

Q. B. : J'étais sorti à la 52e minute mais je restais concentré et prêt à revenir. On commençait à souffrir après les entrées de Chilachava et Taofifenua… Sur cette dernière mêlée, notre pack a fait ce qui avait été travaillé en semaine : se placer plus bas que les Toulonnais, garder le maximum de pression entre nous, faire bloc. Finalement, ça s'est ouvert pour Arthur Joly. Et il y a cette pénalité.

J'étais certain qu'Hugo (Verdu) la réussirait (la pénalité de la gagne). Je le connais...

Etiez-vous optimiste ?

Q. B. : J'étais certain qu'Hugo (Verdu) la réussirait. Je le connais, il nous avait déjà fait le coup avec les espoirs contre Grenoble, alors que c'était un match décisif et une de ses premières apparitions. A l’époque, c'était de bien plus loin.

Il y avait sept joueurs formés à Agen titulaires contre le RCT, auxquels il faut ajouter trois remplaçants : cela donne-t-il une dimension supplémentaire à cette victoire ?

Q. B. : On avait annoncé ce match comme une confrontation entre les stars et les "pitchouns". C'était la stricte vérité. Nous étions les minots contre les grands toulonnais. Nous n'avions jamais joué ce genre de match. Et c'était immense à vivre. C'est fort de jouer avec ses copains, avec qui on joue depuis tant d’années. On est des frères sur le terrain. Quoi qu'il arrive, nous sommes soudés. C'est encore plus facile de se sacrifier sur le terrain quand on a autant de considération pour le joueur d'à côté. Dans la semaine on s'était chambré. Obligé... Quand Fouyssac fait le malin, tu lui dis : "On verra ce que tu vas faire face aux champions du monde… On verra si tu mettras une petite tape à Fekitoa !" Blague à part, ce résultat prouve qu'il y a une formation de qualité à Agen. Le SUA valorise le projet de l'Académie. La formation, ce n'est pas du blabla. Le staff nous a fait confiance et on leur a renvoyé. J'espère que ça servira aux générations futures.

Julien Hériteau (Agen) face à La Rochelle
Julien Hériteau (Agen) face à La Rochelle
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