Fofana : "J'espère que Vern ne m'en veut pas"

  • 6 Nations 2019 - Interview de Wesley Fofana (XV de France)
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  • Top 14 - La joie de Wesley Fofana et Camille Lopez (Clermont) contre Montpellier
    Top 14 - La joie de Wesley Fofana et Camille Lopez (Clermont) contre Montpellier
Publié le Mis à jour
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TOP 14 - Wesley Fofana ne cherche pas la phrase choc, qui va faire parler de lui. Il ne se détourne pourtant jamais d'une question. Posé, lucide, il brosse large : les maux Bleus, le manque d'investissement des joueurs, sa relation avec Vern Cotter et sa prolongation à Clermont, le licenciement de Guy Novès... Le Clermontois vaut le coup d'être lu.

Midi Olympique : Que manque-t-il à cette équipe de France pour basculer enfin dans une spirale positive ?

Wesley Fofana : Je ne sais pas. Plein de choses, j'imagine. Qu'on soit plus souvent ensemble, qu'on bosse plus souvent en collectif complet. Et plein d'autres choses.

On vous sent frustré.

W.F. : Cette équipe de France est frustrante, oui. Je sais qu'elle a le potentiel pour faire mal à beaucoup d'équipes, si ce n'est toutes. Nous avons des joueurs fabuleux. Mais ces individualités, trop souvent, n'entrent pas dans un même collectif. C'est frustrant parce que, sur certaines séquences, on peut mettre tout le monde dans le dur.

Sérieusement ?

W.F. : Mon dernier match avec les Bleus était face aux All Blacks, à Dunedin. Je les ai vus douter. Vraiment. Je ne dis pas ça par naïveté. J'ai joué un bon nombre de matchs contre les All Blacks et la plupart du temps, je ne les voyais pas douter du tout ! Cette fois là, oui. Mais à partir de la cinquantième minute, on s'était mis à faire des erreurs individuelles. Un mec sortait de la ligne de défense, un autre s'oubliait sur un placement...

Personnellement, je m'entendais bien avec Guy (...) Mais j'aimais bien travailler avec lui. Son éviction m'a surpris. Je ne m'y attendais pas du tout

C'est un constat qui dure et qui ne s'améliore pas, depuis des années...

W.F. : Il faut que tout le monde se responsabilise. Par exemple : un mec fatigué, il faut qu'il assume et qu'il demande à sortir. Ce n'est pas une honte. Un autre, tout aussi bon, entrera à sa place. Du talent il y en a, même sur le banc. Parfois, on voit des mecs dans le rouge et qui veulent rester sur le terrain. Mais avec la fatigue, ils sortent des systèmes de jeu. Au niveau international, ça se paye toujours par un essai. Puis deux. Et à la sortie, une nouvelle défaite.

Vous avez été souvent blessé et pendant vos absences en Bleu, le sélectionneur Guy Novès a été licencié. Comment l'avez-vous vécu ?

W.F. : Difficile de commenter ça, quand on est joueur en activité...

Jusqu'ici, tout le monde refuse d'ailleurs de le faire...

W.F. : Personnellement, je m'entendais bien avec Guy (Novès, N.D.L.R.). Il avait son tempérament, son caractère parfois rude. C'était Guy Novès, quoi... (il sourit) Mais j'aimais bien travailler avec lui. Son éviction m'a surpris. Je ne m'y attendais pas du tout. Il y avait les "on dit", on voyait passer les articles dans la presse. Mais quand l'information est tombée officiellement, j'avais du mal à y croire. L'équipe de France souffrait d'un manque de résultats ? C'est vrai. Mais c'était déjà le cas bien avant lui.

Les joueurs devraient-ils avoir leur mot à dire sur ce type de décisions ?

W.F. : Ça ne nous appartient pas. Ce sont des décisions prises au-dessus de nous.

Faut-il le regretter ? Dans d'autres pays, des joueurs cadres sont consultés, même sur ces décisions majeures...

W.F. : C'est aussi la faute des joueurs. Nous ne prenons pas assez nos responsabilités. Je ne parle même pas du choix d'un sélectionneur. En interne, déjà, nous ne sommes pas assez acteurs de la tactique ou de la vie du groupe.

Pourquoi ?

W.F. : Par manque de stabilité, déjà. Regardez ailleurs : en Irlande, au Pays de Galles, en Nouvelle-Zélande, vous connaissez l'ossature de l'équipe. Les cadres, hormis sur blessure, ça ne bouge pas. Ils sont en confiance pour donner leur avis. En France, ça ne fonctionne pas comme ça. Je n'imagine pas un seul joueur capable, dans sa tête, de prendre ces positions car il n'est même pas sûr de garder sa place sur le terrain ! Il y a tellement de joueurs talentueux chez nous, mais aussi tellement de changements de composition... Personne n'est jamais installé, en équipe de France.

Le regrettez-vous ?

W.F. : C'est un mal pour un bien. Et l'inverse. Ne jamais se sentir installé, rester sous la menace de la concurrence, ça maintient en éveil. Mais personne ne se sent jamais pleinement légitime pour peser sur les choix internes à l'équipe.

Croyez-vous encore que cette équipe puisse être championne du monde, en 2019 ?

W.F. : Oui, j'y crois à 100 %. A fond. Les résultats ne sont pas là, c'est vrai, mais on a un super groupe. On ne va pas aller au Japon pour visiter les temples.

En début de saison, vous avez prolongé votre engagement à Clermont jusqu'en 2022. Vous laisserez la trace d'un joueur d'un seul club. Était-ce important ?

W.F. : Oui, ça a pesé dans mon choix. Dans les valeurs que je défends, la fidélité tient une bonne place. Ça m'aurait embêté de ne pas aller au bout de l'aventure avec Clermont. S'il avait fallu faire autrement, je l'aurais fait. Ainsi va le rugby professionnel. Mais au fond de moi, j'avais envie d'avoir cette démarche, de n'être l'homme que d'un club. C'est de plus en plus rare. Pourtant, je trouve ça beau. C'est aussi un marqueur de performance : être capable de rester à Clermont, un club implanté dans le haut-niveau du rugby français depuis longtemps, ça prouve aussi une certaine stabilité sportive et affective.

Top 14 - La joie de Wesley Fofana et Camille Lopez (Clermont) contre Montpellier
Top 14 - La joie de Wesley Fofana et Camille Lopez (Clermont) contre Montpellier

Du coup, avez-vous vraiment hésité ?

W.F. : Oui, quand même. Les négociations ont été assez longues. Il y a eu des discussions avec d'autres clubs, ce n'est pas un secret.

Dont Montpellier, qui avançait avec une offre supérieure à celle de Clermont...

W.F. : Montpellier m'offrait la même durée de contrat que Clermont mais avec une offre financièrement supérieure, c'est vrai.

Qu'est-ce qui a fait pencher la balance en faveur de l'ASM ?

W.F. : J'avais prévenu immédiatement les clubs qui m'ont contacté que le critère financier ne serait pas déterminant. Je n'ai même pas fait monter les enchères. Je respecte les joueurs qui agissent autrement. Aucun problème, chacun a sa vision des choses et j'ai pu agir comme eux, en d'autres temps. Cette fois, j'avais décidé de placer le critère familial au cœur de ma réflexion. C'est la première négociation de contrat où je n'ai pas réfléchi seul. Jusqu'ici, je voyais mon avenir sportif, mon intérêt et le meilleur choix possible pour ma carrière. Cette fois, j'avais envie de stabilité pour ma famille. Mes enfants et ma femme sont bien ici, à Clermont. Ils ont tous leurs repères dans cette région et j'ai toutes mes marques à l'ASM. Ce club me connaît par cœur, je le connais aussi par cœur. Je suis aussi attaché à ce public. Tout cela a fait pencher la balance.

N'aviez-vous pas envie d'aller voir ailleurs, de découvrir un autre environnement de travail, une autre méthode ?

W.F. : La grande question était là. Est-ce que dans dix ans, quinze ans ou vingt ans, ce choix me laissera des regrets ? C'était le bémol. J'ai choisi une autre voie.

Montpellier était-il le seul club, outre Clermont, en discussions ?

W.F. : Non, il y avait d'autres clubs. Mais il n'y a qu'avec Montpellier que j'ai réellement ouvert les discussions. Parce que Vern (Cotter, N.D.L.R.).

C'est-à-dire ?

W.F. : C'est quelqu'un d'important pour moi. Il a compté dans mon parcours. Cette idée de commencer et finir avec lui m'a longtemps travaillé. J'ai souvent et longuement discuté avec Vern, ces derniers mois. Il sait ce qu'il représente pour moi, je crois aussi saisir ce que je représente pour lui. Ça va au-delà du terrain et même du rugby.

Attention, je n'oublie pas Franck dans mon parcours ! C'est d'ailleurs lui qui m'a convaincu de rester à Clermont

C'est pourtant quelqu'un qui a été dur avec vous...

W.F. : Oui il a été dur, très dur même, pendant longtemps. Parfois, il a même été injuste. Vern fonctionne comme ça. Mais il m'a forgé et m'a fait grandir. Je ne l'oublie pas comme je n'oublie pas mes éducateurs en catégories de jeunes ou Philippe Saint-André, qui m'a le premier fait confiance en équipe de France.

Comment lui avez-vous annoncé votre décision de ne pas le rejoindre ?

W.F. : Je l'ai appelé directement. Je ne voulais pas que ça passe par mon agent. C'était un moment difficile... Les gens ne connaissent pas bien Vern, ils en ont un jugement inexact. Ils ne savent pas passer derrière l'image froide qu'il renvoie. C'est quelqu'un de bien, à l'écoute et j'ai un immense respect pour lui. L'appeler pour lui dire que je ne viendrai pas à Montpellier a été un mauvais moment à passer...

Quand Vern Cotter et Franck Azéma entraînaient ensemble à Clermont, vous étiez pourtant réputé plus proche du second...

W.F. : Attention, je n'oublie pas Franck dans mon parcours ! C'est d'ailleurs lui qui m'a convaincu de rester à Clermont. Nos dernières discussions sur mon avenir ont été déterminantes, ses mots ont été forts. Tout cela a compliqué mon choix. J'ai un immense respect pour les deux. J'ai choisi de rester. J'espère que Vern ne m'en veut pas.

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