Drops en finale (2013) - Talès : "J'ai battu Wilkinson à son propre jeu"

Par Rugbyrama
  • Top 14 - Rémi Talès (Castres)
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  • Top 14 - Rémi Talès, "dropeur" décisif
    Top 14 - Rémi Talès, "dropeur" décisif
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TOP 14 - Aujourd’hui de moins en moins utilisé, le drop-goal n’en demeure pas moins un geste emblématique du rugby. Véritable arme fatale, il permet autant de concrétiser une domination collective que de miner le moral de l’adversaire. C’est d’autant plus vrai lors des fameux matchs couperets, où le moindre petit point peut faire la différence.

À quelques heures de la grande finale entre Toulouse et La Rochelle, retour sur ces drops qui ont marqué l’Histoire des finales du rugby français.

L’épisode du jour est consacré à Rémi Talès, et à ses deux réalisations lors de la finale du 1er juin 2013, ayant opposé Castres à Toulon.

Ce soir-là, il est d’usage de considérer le CO comme le Petit Poucet, se dressant sur la route de l’ogre toulonnais, fraîchement sacré champion d’Europe. À l’image de cette confrontation, un duel semble plutôt déséquilibré : celui entre les deux ouvreurs. Du côté rouge et noir, Jonny Wilkinson, légende du rugby anglais, énorme star sur la rade, et surtout, véritable roi du drop. Face à "Sir Jonny", Rémi Talès qui, même s’il allait être sélectionné avec le XV de France, semble très loin du blond au pied d’or.

Huit ans après, il remet le match dans son contexte : "Les Toulonnais étaient au sommet du rugby européen et ils avaient annoncé partout qu’ils voulaient faire le doublé. Nous, en face, c’était la fin de l’ère Labit-Travers, en partance vers le Racing. Cela faisait plusieurs années que le club franchissait les marches. Nous n’avions rien à perdre, nous arrivions sans complexe."

#PROD2 | ?
Remi Talès, demi d'ouverture du @SMR_Rugby a décidé de raccrocher les crampons !
Bravo pour ta carrière et ton palmarès ?

2⃣x Champion de France (2013 @CastresRugby et 2016 @racing92)
2⃣x Finaliste Champions Cup (2016 et 2018 @racing92)
2⃣4⃣ séléctions @FranceRugby pic.twitter.com/PO8fOz9aLT

— Rugby PRO D2 (@rugbyprod2) June 16, 2020

Lors de ce match, ce sont pourtant les Tarnais qui dominent au Stade de France (10-9), faisant totalement déjouer les stars toulonnaises, Giteau, Fernández Lobbe, et consorts.

À 10 minutes du terme, dans l’arène de Saint-Denis, les joueurs des "deux Lolo" obtiennent même une nouvelle possession dans les 22 mètres du RCT. L’arbitre Jérôme Garcès signale un avantage en cours. Rémi Talès, alors 29 ans, qui n’est "pas forcément un spécialiste du drop" selon ses propres dires, se place derrière l’un des héros de la soirée, Rory Kockott.

"Comme le disait Yann Delaigue, pendant les phases finales, le drop est un geste auquel on accorde plus d’importance à l’entraînement. On en tente peut-être plus dans ce genre de match."

Quand je mets ce deuxième drop, je ne sais pas trop où je suis, [...] on était dans un autre univers

L’ouvreur castrais avait passé quatre drops en Top 14 et en H Cup cette année-là. Il récidive ainsi en finale (13-9, 71e), envoyant la belle très haut dans les airs, et surtout entre les perches. Le CO déjoue les pronostics. Et Rémi Talès claque, quand "Wilko" reste muet. Si seulement cela s’était arrêté là pour les Varois. Mais non, l’ancien Rochelais va se transformer en véritable bourreau, et aussi en héros de son équipe.

Sur le renvoi, le centre rouge et noir Mathieu Bastareaud se met tout de suite à la faute. Bis repetita, les partenaires de Brice Dulin et d’Antonie Claassen reviennent dans le camp adverse. Talès ouvre la boîte à souvenirs : "On est à peu près au même endroit du terrain que quelques minutes plus tôt, lorsque je passe mon premier drop. Il reste moins de dix minutes. Je sais que si j’en mets un autre, on passe à +7, et ça leur met un énorme coup de massue."

Top 14 - Rémi Talès, "dropeur" décisif
Top 14 - Rémi Talès, "dropeur" décisif

Le numéro 10 se met une nouvelle fois dans l’axe. Il va avoir au bout de son pied droit "l’occasion de valider la présence castraise dans le camp adverse." Comme c’est le cas de la machine olympienne ce soir-là, la mécanique du Landais est bien huilée. "C’est tout un assemblage qui doit se faire au même moment. Le ballon doit bien rebondir, tu dois être bien fort sur ta jambe d’appui, et le pied de frappe doit parfaitement traverser la balle."

Le ballon gicle quelque peu d’un regroupement, Kockott veille au grain, et éjecte vers son compère de la charnière. "Je reprends ma chance et, lorsque le ballon part, je sais qu’il passe, car je vois le tout peuple castrais qui se lève immédiatement."

Top 14 - Le fabuleux destin de Rémi Tales
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— RUGBYRAMA (@RugbyramaFR) May 23, 2018

Deux drops en 2 minutes et 27 secondes chrono, 6 points en plus dans l’escarcelle du CO : le RCT est groggy. En menant 16-9 à moins de sept minutes du terme, il "fait un très grand pas vers le titre. Ce deuxième drop fait vraiment mal aux Toulonnais. Nous, on se dit que rien ne peut nous arriver. Je pense que le match est plié à partir de ce moment-là."

Le cuir arrive en plein vers la tribune des Bleu et Blanc. L’émotion gagne les rangs olympiens, et le désarroi gagne les rangs toulonnais. "Quand je mets ce deuxième drop, je ne sais pas trop où je suis, Romain Martial et Antonie Claassen viennent me voir, je saute de partout… En bref, l’euphorie. J’étais tellement parti loin (sourire), je ne saurai même pas l’expliquer. On était au stade de France avec le CO, et pourtant, on était dans un autre univers. On oublie un peu tout ce qu’il se passe autour."

Ce duel de David contre Goliath tourne à l’avantage des outsiders. Et le duel Wilkinson - Talès tourne à l’avantage du moins connu des deux, qui s’envolait dans la foulée vers la Nouvelle-Zélande, pour y obtenir ses premières sélections en Bleu. D’ailleurs, symbolique énorme, l’Anglais du RCT se précipite vers Talès pour contrer son deuxième drop. Sans succès. "On attendait Wilkinson, on a Talès", dit ce jour-là le commentateur Éric Bayle.

Ce jour-là, j’ai réussi à battre Wilkinson à son propre jeu

"Au début, c’est vrai que je ne fais pas attention au fait que Wilkinson monte sur moi pour me contrer. Même si l’année suivante, c’est lui qui nous mettra un drop, ce jour-là, j’ai réussi à le battre à son propre jeu. C’est vrai que c’est une image assez forte et symbolique pour moi."

Quelle drôle d’histoire que celle de ce titre 2013, et que celle de Rémi Talès, auteur de deux drops en une soirée, face au Toulon de "Wilko". Pour l’anecdote, après cette finale 2013, le demi d’ouverture ne remettra que deux petits drops, en sept saisons à haut niveau. Décidément le match d’une vie.

Par Dorian VIDAL

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