Portrait - Moefana, jeune tigre futunien

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TOP 14 - La petite merveille de l'attaque girondine Yoram Moefana, n'est pas des plus bavards. Ce jeune trois quart-centre qui est passé de l'équipe espoir au XV de France en moins d'un an, se montre plus expressif balle en main. Portrait d'un joueur qui pourrait bien compter dans le futur.

Une moustache, quelques mèches teintes, ce sont les seules originalités de Yoram Moefana. La France du rugby a découvert, et c'est bien le mot, découvert, voilà un an, un phénomène âgé de 20 ans. Car le gaillard aux cuisses énormes, était quasi inconnu de la planète rugby, voilà un an. Yoram est originaire de Futuna, île d'un archipel associé à Wallis, 10 heures de décalage horaire, à minima 44 heures de voyage pour y arriver en avion.

C'est là, quelque part au cœur de ces îles friandes de sport, que le jeune Yoram a découvert le rugby : "C'est à cause de mes oncles qui jouaient au rugby et qui m'ont pris avec eux. Ils m'ont dit de les suivre. j'ai assisté à des séances et au final, j'y ai pris goût. Et après, j'ai commencé à jouer." Nisi Feleu, son premier entraîneur lui apprend les rudiments du jeu, d'abord à 7. Et le jeune Taofi Yoram Moefana a fait le pari de venir en France. Ses parents et notamment son père, pilier à Niort, et lui-même y voyaient l'opportunité de poursuivre des études. Alors à 13 ans, le jeune Polynésien suit son oncle Tapu Falatea, à Limoges, bien loin de ses terres et de ses parents ; "Je suis arrivé début 2013, il neigeait. J'ai changé de température ! Je suis arrivé d'un endroit où il faisait 25-30 à un autre où il faisait 5-10." S'il en rit désormais, le choc s'est avéré rude.

Car à l'âge où certains gamins râlent encore sur l'absence de Nutella au goûter, Yoram quittait toute sa famille, pour le rude hiver de Haute-Vienne : "J'ai quitté là où j'étais en confort pour venir ici en France. Après, je pense que c'est le fait d'être resté avec mes oncles qui m'ont beaucoup appris." Une épreuve qui est certainement à l'origine de sa détermination. Tapu Falatea, bon pilier droit, joue 6 mois de plus avec l'équipe de Fédérale 1 avant de filer à Colomiers en Pro D2.

Yoram suit, s'intègre à la vitesse grand V, passe espoir et joue même quelque matchs de Pro D2, à 18 ans. Sa vitesse et sa force (1,83m, 95 kilos) y font merveille. Puis c'est l'aventure à Bègles : "L'UBB, c'est un choix, parce que j'aimais bien ce club de Bordeaux et que j'avais envie de venir ici." Yoram y retrouve quelques copains de l'équipe de France M20, Martin Dulon, Baptiste Germain et Enzo Baggiani. Mais son but à lui, c'est de progresser,d' avancer, sans bruit certes, mais avancer. Car s'il n'est pas un bavard, Yoram possède une grande détermination, celle des jeunes qui ont tout quitté, et qui veulent réussir. Été 2019, Yoram intègre le centre de formation espoir de l'UBB.

Des espoirs à Twickenham

Pendant un an, Yoram s'entraîne avec les pros et joue avec les espoirs. Et en août 2020, il intègre le groupe pro et prend sa chance après le départ de Seta Tamanivalu. A Lyon, il entre en jeu, marque. La semaine d'après, il impressionne encore son monde. Christophe Charrier, l'entraîneur des lignes, arrière de l'UBB, disait de lui : "J'ai vraiment senti un changement chez lui depuis la reprise de la saison. Comme s'il avait pris vraiment de la maturité. Ces rentrées, puis ses matchs contre Agen et Bayonne, montrent un gros potentiel chez lui. Alors, il ne faut pas le brûler et surtout ne pas s'enflammer. Il faut le faire venir petit à petit. C'est vraiment quelqu'un sur qui on peut compter. Car il a un gros potentiel."

Ce potentiel, le staff de l'équipe de France l'a perçu. Coincé par une règle d'utilisation des joueurs sur 3 matchs, Fabien Galthié, fait un étonnant pari, celui de faire appel à des jeunes pour cette Coupe d'automne des Nations, et couche sur le papier, le nom de Yoram Moefana : "En fait, quand on m'a appelé pour me dire que j'allais être convoqué, je n'ai pas réalisé. Après le coup de fil, je tournais en rond en me demandant si c'était vrai. Et ensuite, j'ai appelé ma famille pour dire que j'étais convoqué. Après, je n'étais que convoqué, il y avait d'autres joueurs. J'étais content de pouvoir représenter la France."

Moefana - XV de france
Moefana - XV de france

Quatre matchs de Top 14, quelques minutes contre l'Italie et puis voilà Yoram Moefana, 20 ans, propulsé sur la pelouse de Twickenham, pour un "crunch" face à un certain Owen Farrell en 12. Et là, les aficionados de l'ovalie ont découvert, un centre dur au mal, tranchant en attaque, avec une belle aisance tehcnique et surtout auteur de 11 plaquages sur la rencontre, soit un seul de moins que Geraci, le 2e ligne. Du grand art pour un jeunôt, tout juste sorti de la couveuse des espoirs de l'UBB.

Mais ne nous y trompons pas. Yoram est certes jeune et reservé, mais c'est un tigre et pas de papier. Un vrai qui ne rugit pas, mais plaque ses proies et dévore les espaces avec délectations. "J'essaye de donner mon meilleur" explique-t-il. "Je ne dis pas que je suis un bon défenseur. Mais j'essaie de donner le meilleur de moi-même pour ne pas pas laisser passer l'adversaire ou aller marquer." Christophe Urios, lui s'est dit "bluffé" par la performance de son jeune centre. Une blessure l'empêche de débuter le tournoi mais Fabien Galthié va le convoquer en mars sans l'aligner, bien conscient du potentiel du jeune Futunien.

Centre ailier, pourvu qu'il joue...

Quelques blessures ont ralenti sa progression, A l'UBB, il a apporté en quelques mois, toute sa puissance, donnant un choix de plus au staff. Depuis le début de saison, Yoram dépanne à l'aile et plutôt avec talent avec deux essais inscrits. Alors, centre ou ailier ? "Oui, j'ai joué à l'aile, mais mon poste, c'est centre. 12 ou 13 les deux." Sa vitesse, sa technique individuelle en font un joueur difficile à plaquer, prêt à franchir comme à passer. Mais ne comptez pas sur lui, pour tirer la couverture à lui ; il parlera de l'équipe.

Yoram Moefana conserve ce petit coté timide, qui fait partie de sa personnalité. Pour lui, ce qui compte, c'est sa famille, celle de ces oncles Tapu et Sipili qui joue pilier à Clermont. "On se retrouve parfois pour les fêtes de Noël ou les vacances. On est un peu loin entre nous. On essaye de se rejoindre dans une ville à la même distance de chacun. deux ou trois fois par an, passer un week-end ou une semaine." Les papas Rémi Lamerat et Jean-Baptiste Dubié, l'ont pris sous leurs ailes, pour l'aider à progresser. Christophe Urios et Charrier, lui répètent que le travail est la clé de la réussite.

Lui, écoute, travaille avec le sérieux des jeunes déterminés à réussir. Yoram qui confesse qu'il déguste quelques fois, pour se rappeler les douceurs de son île, des ignames et du taro, n'est pas du genre fêtard, même s'il ne dédaigne de petites sorties avec ses amis. Sa discrétion, lui permet de suivre sa route, tranquillement. Il respecte ainsi le vœu de ses parents, réussir ses études (Bachelor Marketing et Commerce International ) et jouer au rugby.

Il lui manque légitimement de pouvoir retrouver pour quelques jours l'archipel de Wallis-et-Futuna : "Cela fait depuis 2017 que je ne suis pas retourné, mais bon, ce sont les aléas de la vie qui fait que je n'ai pas pu y retourner avec la covid. J'espère que l'an prochain où dès que les lignes seront rouvertes que je pourrais aller en vacances à Futuna." On vous le souhaite Yoram. Mais, l'été, c'est souvent la saison des tournées de l'équipe de France. Et cela, on peut aussi lui souhaiter.

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