Fickou : "J’ai eu de la peine pour Doumayrou"

Rugbyrama : L’expression "se libérer" revient souvent dans la bouche des Bleus. Pourquoi est-ce plus difficile de le faire en sélection qu’en club ?

Gaël Fickou : Tout simplement parce que l’enjeu et la pression sont plus grands. On sait que l’équipe de France a de mauvais résultats depuis longtemps. Quand tu arrives, tu es donc forcément moins détendu. Chez les All Blacks, je pense qu’il y a moins de pression (rires) ! Mais cela ne nous empêche pas de jouer au rugby. Pour cela, il faut juste avancer et dominer. Contre les Fidji, la passe de plus, on ne pouvait pas la faire car on se faisait gratter le ballon sur chaque ruck. En revanche, on a vu que contre l’Argentine, dès qu’on mettait la marche avant et qu’on avait tous nos ballons en conquête, c’était plus facile. La clé, c’est que les avants avancent ! On est très dépendant de ce qu’ils font.

Avec le recul, comment expliquez-vous cet écart de niveau entre le match de l’Argentine et celui des Fidji, à seulement une semaine d’intervalle ?

G.F. : On a mis les disquettes contre l’Argentine et je crois qu’on s’est énormément relâché contre les Fidji. Disons-le, on a craqué complet ! Si on est honnête et qu’on se dit les choses, on est tout simplement passé à côté. On doit désormais tourner la page même si on ne doit pas oublier ce qu’il s’est passé.

Pensez-vous que votre belle prestation face à l’Argentine a pu marquer un tournant dans la vision que se fait de vous le staff des Bleus ?

G.F. : Je ne pense pas car on est remis en question à chaque match. Dans ce cas, après mon essai face à l’Angleterre (en 2014, ndlr), j’aurais dû jouer les matchs d’après. Non, cela ne marche pas comme ça. Il faut regarder les qualités du joueur ainsi que sa forme du moment. Si le staff estime que je mérite de jouer, il me fera jouer. S’il estime que, même après un bon match, quelqu’un est meilleur que moi, il le mettra lui et pas moi. Bien sûr que ce match contre l’Argentine était positif pour moi mais on a perdu le suivant contre les Fidji… Le maillot est remis en jeu à chaque fois.

Je pense avoir des qualités pour jouer à l’aile

Durant cette tournée, comment avez-vous vécu le fort élan médiatique et populaire appelant à votre titularisation au centre ?

G.F. : C’était forcément flatteur pour moi et cela m’a fait plaisir d’être porté par autant de monde. Maintenant, j’ai aussi eu de la peine pour le joueur titulaire à mon poste (Geoffrey Doumayrou) sur lequel on s’est un peu acharné. Je trouve que c’était un peu dur envers lui. Il méritait aussi d’être là vu que les coachs le voulaient ainsi.

Ne savoure t-on pas plus cet engouement quand on a été soi-même sous le feu des critiques ?

G.F. : Sincèrement, je n’ai jamais mal pris les critiques. Cela fait partie du jeu. Cela ne change pas ma vie non plus. Si je suis pas bon, je vais être critiqué, c’est comme ça. Tant qu’on reste sur le jeu et qu’on ne s’en prend pas au reste, j’accepte.

Vous serez a priori de nouveau utilisé en tant qu’ailier…

G.F. : Je crois que pour le sélectionneur, c’est une vraie option de me mettre à l’aile. Il s’appuie dessus et quand on voit le groupe retenu pour le Tournoi, cela saute aux yeux. Je ne vais pas vous dire qu’ailier est mon poste de prédilection. Par contre, je pense avoir des qualités pour y jouer, je serais quoiqu’il arrive très heureux d’être sur le terrain et je me donnerai toujours à fond, que ce soit à l’aile ou au centre.

Ne mettons pas trop de pression sur Ntamack

Vous semblez vous retrouver cette saison au Stade français. N'avez-vous cependant pas un sentiment mêlé en voyant votre ancien club briller l’année de votre départ ?

G.F. : Non, je suis content pour eux, ils le méritent. Maintenant, la saison est encore longue et ce n’est pas parce qu’ils sont premiers aujourd’hui qu’ils seront champions. Il n’y a qu’à prendre l’exemple de Montpellier l’an dernier. Ils sont aussi qualifiés pour les quarts de finale de Champions Cup où ils joueront le Racing. Sans surprise, je serai pro-toulousain car la plupart des mecs du Stade, je les connais parfaitement et ils sont comme des frères pour moi. Je ne suis pas le type de personne qui va souhaiter la défaite de Toulouse juste parce que je n’y suis plus. Tout comme je me réjouis de la forme actuelle de Sofiane Guitoune, qui est un très bon mec.

La présence de plusieurs Toulousains dans le XV de France peut-il aider l’équipe dans sa quête d’automatismes ?

Gaël Fickou : Bien sûr, comme c’est le cas avec les Clermontois. Quand tu connais bien les joueurs à côté de toi, c’est une force. Pour avoir évolué à Toulouse, je sais que ce sont des joueurs qui aiment beaucoup le mouvement, la vitesse et se faire des passes. Cela va forcément nous amener un plus.

Romain Ntamack peut-il symboliser ce renouveau attendu depuis si longtemps en équipe de France ?

G.F. : Je le connais depuis longtemps et je sais de quoi il est capable. C’est un joueur redoutable, fantastique, avec énormément de qualités. Après, je ne pense pas qu’il faille le monter trop haut trop vite. C’est toujours pareil : si demain il joue et qu’il est moyen, tout le monde dira qu’il n’était pas prêt. Je la connais trop bien, celle-là ! Il est très bon mais ne lui mettons pas trop de pression. Je pense en tout cas qu’il peut nous apporter beaucoup de choses et qu’on ne sera pas déçu de lui.