Souvenirs de 1979 face aux Blacks...

Par Rugbyrama
  • Les légendes de l'équipe de France 1979 dans les locaux du Midi Olympique
    Les légendes de l'équipe de France 1979 dans les locaux du Midi Olympique
  • Les légendes de 1979 aux côtés de Monsieur Baylet et Emmanuel Massicard
    Les légendes de 1979 aux côtés de Monsieur Baylet et Emmanuel Massicard
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XV DE FRANCE - Le rugby n'était pas professionnel et pourtant le XV de France jouait déjà contre ce qui se faisait de mieux dans le monde, les All Blacks. Une tournée dans l'Hémisphère Sud qui n'allait pas être une partie de plaisir, ou presque.

40 ans plus tard, le Midi Olympique organise un rendez-vous synonyme de retrouvailles pour ces joueurs qui devenaient le 14 juillet 1979, la première équipe de France à battre la Nouvelle-Zélande sur ses terres.

Les embrassades sont tendres et les regards suffisent à ressentir le bonheur de ces retrouvailles dans les locaux de la Dépêche. Depuis la première victoire française en Nouvelle-Zélande en 1979, 40 ans se sont écoulés. Les joueurs ont aujourd’hui la soixantaine passée mais les rires et les souvenirs de cette tournée ont tout juste quelques secondes dans leurs têtes. Si le 14 juillet est synonyme de fête nationale en France, pour eux, cette date revêt quelque chose de plus fort encore. Celle d'avoir écrit, sans vraiment s'en rendre compte, l'histoire du XV de France.

Face au buffet, les anecdotes s'échangent. Les mêmes, souvent, sans jamais vraiment s'en lasser. Des images qui redonnent du cœur à une équipe de France aujourd'hui bien terne. Comme l'a dit Nicolas Baylet en introduction de cette rencontre " C’est bien, quand on est dans la difficulté, de regarder en arrière et de voir ce qui a été fait."

Heureux comme des enfants

Un verre à la main, l'ancien demi de mêlée Jerôme Gallion et le deuxième ligne Francis Haget se rappellent ensemble ce qui a fait, 40 ans auparavant, la grandeur de ce maillot frappé du coq. A chaque mots, phrase après phrase, ils perdent leurs rides et retrouvent les années qui se sont écoulées depuis ce match. Une chose est sûre, ils étaient loin de s'imaginer que cette rencontre allait encore faire parler d'elle des décennies plus tard. En chemise bien ajustée, le pantalon bien taillé, les deux anciens internationaux à la carrure bien différente, (1m72 pour Gallion, 1m94 pour Haget), ne se font pas prier pour se replonger, une nouvelle fois, dans un nuage de nostalgie.

Jérôme Gallion se lance en premier. "On ne savait pas. Mais alors pas du tout qu'on en parlerait encore aujourd'hui. Non sans blague, on ne faisait que perdre. Attention il faut voir le contexte. nous sommes au mois de juin et là-bas il ne fait que pleuvoir. On ouvre les volets, rideau de pluie on les referme, rideau de pluie. Tout ça, 14 jours d'affilée. On appelait la France, moi j'appelais à Toulon, ils me disaient "on revient de la plage". Nous on ne risquait pas d'y aller à la plage. On avait de la gadoue de partout et les Blacks jouent mieux que nous dans la boue. Premier test on en prend 30. Ensuite on fait un match entre les deux tests et on le perd... " Francis Haget coupe son ancien partenaire et ajoute "contre une équipe de deuxième division.... " Déçu et pas très fier en repensant à cette défaite, la discussion recommence de plus belle pour raconter que rien ne jouait en leur faveur si ce n'était cette force de travail qui allait suivre. Le demi de mêlée poursuit, "le lendemain matin Desclaux annonce l'équipe. Ceux qui n'étaient pas pris ou qui étaient remplaçants on les voyait soulagés et sourire. Ils étaient soulagés de ne pas jouer le deuxième match contre les Blacks.", lance-t-il encore stupéfait.

La tête basse avant de jouer la Nouvelle Zélande pour ce deuxième test, beaucoup n'en menaient pas large. Pourtant, deux joueurs ont réussi à trouver les ressources nécessaires pour que le groupe relève la tête. "Il y a eu une prise en main de Jean Michel Aguirre et de Jean-Pierre Rives. On s'est entraîné comme des forcenés. Il s'est avéré qu'on a gagné, et rien que d'en parler ça me file la chair de poule", raconte Haget presque ému, comme si le match venait de se jouer.

Une victoire qui n'était pas gagné d'avance. L'équipe devait faire avec "un ou deux garçons blessés". Pire, Gallion évoque, avec un débit de parole toujours aussi élevé, le cas de Patrick Salas, "Il faut le dire, c'était Patrick Salas qui était le troisième ligne centre. Il n'avait jamais joué ce poste ."

Les légendes de 1979 aux côtés de Monsieur Baylet et Emmanuel Massicard
Les légendes de 1979 aux côtés de Monsieur Baylet et Emmanuel Massicard

Les deux joueurs chantent de concert, "Il avait bringué la veille et il était rentré à quatre heures du matin à l’hôtel. A 7h30 on le réveille pour faire le petit dej' tous ensemble. Et c'est là qu'on lui annonce qu'il va jouer troisième ligne centre. Là il vient me voir (Gallion) et me dit "Jerôme, je n'ai jamais joué. Je ne connais même pas les combinaisons, je connais que dalle". Je lui dit écoute c'est très simple, on va faire trois combinaisons."

Selon eux, ça a été l'un des meilleurs sur le terrain. "Ce jour là, les avants ont été mais alors héroïques. Patrick salas il plaquait comme un fou. Je lui ai dit écoute moi, dès que tu vois du noir tu plaques, tu plaques, tu plaques. Et derrière ce qu'ils ont fait, c'était magnifique. J'ai jamais vu Alain Caussade jouer aussi bien. Tout le monde était vraiment dans un super timing."

Jérôme marquait ce jour-là le premier essai des Bleus sur un contre. "Le mec, j'ai l'impression qu'il met 100 ans à frapper la balle et tape du gauche. Je lui monte dessus et "pof" je contre et cela nous remet en selle. Après on marque un essai, deux essais, trois essais." L'histoire, on la connait, le XV de France réussi l'exploit de battre la Nouvelle Zélande à l'Eden Park.

Jouer pour gagner

Pas avare d'éloges les uns sur les autres. C'est pour tous ces joueurs un véritable moment d'émotion que de se retrouver là, après tant d'années. Jean Michel Aguirre, arrière, ne savait pas lui même que cette victoire serait inscrite dans les livres d'histoire du rugby français. "Je ne peux pas dire qu'on s'en est rendu compte. Comme on ne s'était pas rendu compte deux ans avant du Grand Chelem de 1977. On avait l'impression d'avoir fait quelque chose de bien et donc d'avoir le plaisir d'avoir fait un bel exploit sportif. C'est vrai que les médias, le développement de la communication des médias ont fait de ces événements, des événements historiques."

Aujourd'hui le rugby a évolué et des nouveaux joueurs sont apparus. Loin d'être alarmistes, les anciennes gloires du rugby savent combien il est difficile de répondre aux attentes des supporteurs. Ils ne sont pas fatalistes, et leur histoire leur permet de croire en des jours plus radieux. Jean Luc Joinel évoque son propre parcours pour raconter ses propres échecs comme un échos à ceux que vivent les Bleus aujourd’hui. "Nous on n'a pas gagné tout nos matches, loin de là. Moi par exemple, j'ai des souvenirs de la première défaite de l'équipe de France en Argentine. J'y étais. Alors que l'équipe de France avant ne perdait jamais contre eux, c'était entre guillemets une nation pas forcément très forte. Donc des moments difficiles on en a eu. Alors c'est facile de dire à posteriori, les problèmes qu'on a maintenant. On paye quelque part le fait qu'il y ai trop d'étrangers, que la formation ait été délaissée. Mais après il faut vivre des difficultés pour apprendre et pouvoir les rectifier. Peut être que la génération des moins de 20 ans va nous sauver. Ce n'est pas drôle pour la fédération, l'encadrement et les joueurs d'être dans cette spirale négative."

L'histoire du XV de France n'a pas fini de s'écrire. Et comme l'a dit Henri Nayrou, ancien journaliste, au moment de s’adresser face aux joueurs de 1979, "Vous êtes une denrée rare aujourd’hui en France et à l’international. On se souvient des équipes qui ne meurent jamais et vous en faites partie"

Alors il n'y a plus qu'à jouer, se créer sa propre histoire et alors peut être qu'après les défaites ne seront plus qu'un lointain souvenir.

Dylan Munoz

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