Les risques du choix

  • Matthieu Jalibert
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Publié le Mis à jour
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L'édito d'Emmanuel Massicard... Hauts les cœurs, les Bleus sont là qui nous offrent des raisons de croire en eux ! Cela fait des années que nous n’avions pas été aussi riches d’ouvreurs de qualité aujourd’hui capables de porter les espoirs tricolores. Avec Romain Ntamack, Matthieu Jalibert et Louis Carbonel, Fabien Galthié ne pourra pas se plaindre d’un manque de main-d’œuvre qualifiée. Sur le papier, la promesse est belle et nous devons nous en féliciter, évidemment.

Mais ne tombons pas dans le piège de la béatitude, niais au point d’oublier l’évidence : ces minots ne sont pas mûrs et notre trésor plafonne avec le faible nombre de sélections cumulées (13) par ce trio qui nous ferait sabrer le champagne avant la bataille. Ces minots ne sont pas mûrs et ils auront bien le temps de se prendre les crampons dans le tapis avant d’arriver à la science du poste qui forge les grands joueurs. On ne leur souhaite pas, évidemment, mais l’histoire et la comparaison avec les autres nations nous montrent combien l’ouverture nécessite de bouteille avant de toucher à l’excellence.

Malgré l’élan de confiance qui entoure désormais les Bleus, nous pouvons d’ailleurs signer, ici sur papier jaune, le scénario des mois à venir : au premier match raté, Ntamack, Jalibert ou Carbonel seront immédiatement critiqués, cloués au pilori, brûlés sur l’échafaud du café du commerce où ils furent pourtant si vite portés aux nues. L’âme et le cœur sont souvent versatiles, nous en paierons donc le prix…

Les censeurs et autres spécialistes zélés auraient tort de s’en priver puisque nous avons l’embarras du choix ! Mais ce fameux choix justement porte une part de risque. Il instillera le doute et nous fera dévier de la quête du sélectionneur, lui qui se veut déterminé à ne pas perdre de temps au long des 36 matchs qui mèneront au Mondial 2023.

Sauf qu’avec tant de promesses en magasin, on entend la musique et l’absence d’indulgence qui suintera de commentaires toujours plus rageurs : « Il est mauvais ce type ! » ; « Et quel couillon de ne pas aligner untel plutôt que l’autre ! » Vous verrez, en cas de défaites, nos ouvreurs ne seront plus aussi géniaux. Galthié, lui, aura vite fait de chuter de son piédestal. Il le sait. Et c’est pour cela qu’il accorde autant d’importance au respect du fil conducteur de son projet. Lui-même confronté à la valse chronique des charnières tricolores, il mesure l’importance de la stabilité.

Car soyons clairs, rien ne serait pire que ce petit jeu de pression au moment où nous avons besoin d’un peu de stabilité et de confiance. Laissons les jeunes pousser. Qu’ils se trompent, apprennent, découvrent l’exigence, comprennent les enjeux et grandissent. Qu’ils se forgent une carapace, des certitudes. Surtout, qu’ils profitent de l’expérience !

À l’instant de les juger sans appel, il faudra bien se souvenir d’où nous venons. Ne pas oublier qu’il y a quelques années encore, l’inquiétude suintait des tribunes quand la majorité des ouvreurs du Top 14 venait d’Australie, d’Afrique du Sud, de Nouvelle-Zélande ou d’ailleurs. Trop peu avaient l’affûtage d’un Wilkinson, le talent d’un Carter, l’éclat d’un Hernandez… Nombreux furent les Goode, Jackson, Catrakillis, Cruden et autres préretraités ou surcotés à avoir fait le bonheur de présidents peu regardants - dupés par l’agent et le CV - en même temps qu’ils creusaient l’ornière du XV de France. Nos jeunes débarquent. Ils brillent, saisissons l’aubaine.

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