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Forni : « Il y aura des drames familiaux »

  • Forni : "Il y aura des drames familiaux"
    Forni : "Il y aura des drames familiaux" DR
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Pascal Forni, directeur associé de CSM France, est souvent considéré comme l’agent de joueurs le plus important du marché français. Pour nous, il revient sur une situation qu’il juge à bien des égards "dramatique"…

Quelle est la situation du marché des transferts, aujourd’hui ?

Avant toute chose, il faut rappeler que nous faisons face à une crise grave, une crise tout aussi importante que ne l’est une guerre, comme l’a dit le président Macron. Avant de parler business, avant de parler transferts, les gens doivent faire attention à eux et prendre soin de leurs proches.

Êtes-vous impacté ?

Vingt-sept de nos agents sportifs sont actuellement au chômage technique. Il faut ajouter à ceux-là une quinzaine de prestataires. Ça fait quarante personnes sur la touche. Oui, on est impacté…

Et le marché des transferts, alors ?

Que voulez-vous que je vous dise ? On est dans un championnat fermé, avec des clubs fermés et on ne sait pas où on va : les clubs, les joueurs comme les agents. Il n’y a plus de commerce, plus de transaction.

Est-ce la plus grosse crise essuyée par le marché des transferts depuis le passage au professionnalisme ?

C’est la plus grosse crise depuis la deuxième guerre mondiale, ni plus ni moins ! Lors du krach boursier de 1929, il y a eu des morts mais cela n’avait rien à voir avec ce qui arrivera aujourd’hui et demain en raison de la pandémie. Il faut bien prendre conscience de l’épreuve que nous traversons tous.

Des clubs vous ont-ils fait savoir qu’ils ne donneraient pas suite à des dossiers entrepris il y a quelques semaines ?

Comment voulez-vous qu’un club donne suite à un transfert à partir du moment où il ne connaît pas la situation de ses sponsors, de ses mécènes, de ses finances ? Aujourd’hui, il y a un ou deux clubs en Top 14 qui tentent encore des opérations, mais de façon très timide.

Pourquoi ?

Que vaudra le contrat signé aujourd’hui dans un ou deux mois si le club en question est en dépôt de bilan ? Aujourd’hui, tout est remis en cause. On est tous au point mort.

Que faire ?

Ce qui m’attriste dans cette situation, c’est que chacun tire un peu de son côté. Après une première réunion, la Ligue dit qu’il faut baisser la commission des agents. Bon… Voilà quoi… Mais est-ce là l’essentiel ? Est-ce ce qui assurera la survie du rugby professionnel en France ? Il faut se serrer les coudes et arrêter de désigner des coupables : ça me rappelle de bien tristes époques…

D’accord…

On désigne toujours les agents comme le grand mal du rugby. Dernièrement, la Ligue se réunit pour discuter de l’avenir de son championnat et qu’est-ce qu’il en ressort ? Que les agents doivent baisser leur comm’. N’y a-t-il pas d’autres priorités ? Franchement, les bras m’en tombent…

Allez-vous baisser vos commissions ?

Je ne peux pas vous expliquer ce que nous pouvons faire ou pas. Car il y a aujourd’hui beaucoup trop d’incertitude autour de notre sport et de l’économie de celui-ci. Mais à mon sens, il y a d’autres combats à mener aujourd’hui que celui de savoir si la commission d’agent baissera de 7 à 6 %…

En clair ?

Tout le monde devra faire un effort, les agents comme les joueurs, les joueurs comme les dirigeants ! Mais qu’on arrête de montrer du doigt les agents comme des présumés fautifs. J’ai l’impression qu’on a amené le Coronavirus, des fois. C’est dégueulasse et gratuit. Je vous rappelle qu’on a quarante personnes au chômage, chez nous. On souffre, comme tout le monde.

Certains agents vont-ils mettre la clé sous la porte ?

Bien sûr. […] Le monde du rugby pro devrait être plus solidaire. On devrait tous se serrer les coudes plutôt que de tirer à vue en désignant des coupables imaginaires. Dans le rugby français, ce sont toujours les mêmes qui s’assoient à la table des discussions. Moi, je crois que, comme c’est le cas aux Etats-Unis, les agents devraient siéger aux côtés de la Ligue, de la Fédé et du syndicat des joueurs lorsque des orientations sont données au rugby professionnel. Nous faisons aussi partie de la famille.

Est-il envisageable, comme au Royaume-Uni par exemple, de baisser les salaires des joueurs dans les mois à venir ?

J’espère que non. Si les clubs demandent que les joueurs baissent de 30 % leurs revenus, nos meilleurs rugbymen quitteront le Top 14 pour une économie moins impactée par la crise.

Les contrats des joueurs s’arrêtent-ils tous au 30 juin ?

Un tiers des contrats du Top 14 sont arrêtés au 30 juin. Les autres courent sur plusieurs années. Mais retenez bien ce que je vous dis : on se dirige vers des drames familiaux et sociaux. Le joueur non conservé se retrouve dans une merde noire. Il ne peut trouver aucun nouveau club, il ne peut trouver une maison ailleurs… Il est perdu, ne sait pas quoi faire… Alors plutôt que de penser à ma commission, c’est à ces joueurs-là que je pense, à ceux qui n’ont plus rien.

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